Bus en Ville- @Hugo LAUBEPIN
Pour le président de la Métropole de Lyon, rendre les transports en commun gratuit à Lyon, aurait pour première conséquence de nuire au réseau. (Photo Hugo Laubepin)

À Lyon, la gratuité des TCL "est une impasse certaine" pour Bruno Bernard

Depuis le 21 décembre, les Montpelliérains bénéficient de la gratuité sur la totalité de leur réseau de transports en commun. À Lyon, le sujet semble plus que jamais enterré par la Métropole de Lyon et son président Bruno Bernard.

Véritable arlésienne, le sujet de la gratuité des transports en commun a fait son retour dans l’esprit des français jeudi 21 décembre alors que Montpellier lançait la généralisation de la gratuité à tout son réseau. À Lyon et dans la métropole, relancé en début d’année par l’opposition, qui avait obtenu la création d’un groupe de travail sur la question, le sujet semble plus que jamais enterré par la Métropole de Lyon et son président Bruno Bernard. 

Dans un entretien accordé jeudi 21 décembre à Lyon Capitale, le président du Sytral (l'autorité organisatrice des transports en commun dans la Métropole de Lyon) voit une "impasse certaine" dans la gratuité du 2e réseau de transport en commun de France. L’élu écologiste, réaffirme lui préférer une "tarification solidaire".

Lyon Capitale : Les habitants de la métropole Montpellier accèdent à la gratuité des transports en commun. Vous ne cachez pas que ce n’est pas votre priorité au niveau de la métropole de Lyon ? 

Bruno Bernard. On a déjà franchi un grand pas il y a plus de deux ans lorsque l’on a mis en place une tarification solidaire avec de la gratuité et des abonnements à 10 euros. Nous avons diminué le tarif des abonnements étudiants de 32,50 euros à 25 euros et divisé par trois le tarif de ceux des boursiers, que l’on a passé à 10 euros. 

"Nous avons 71 000 abonnements gratuits [...] La gratuité nous l’avons faite pour les plus précaires"

Bruno Bernard, président du Sytral et de la Métropole de Lyon

Aujourd’hui, nous avons 71 000 abonnements gratuits, 93 000 abonnements à 10 euros et 120 000 abonnements étudiants. Nous ne sommes pas inactifs. La gratuité nous l’avons faite pour les plus précaires. 96% de nos abonnés [au nombre de 512 000, NDLR] ont un abonnement, ou un reste à charge après paiement de l’employeur, de 0 à 35 euros par mois. Nous sommes super compétitifs au niveau des coûts [en comparaison avec le coût d’utilisation d’une voiture individuelle, NDLR]

Bruno Bernard, le président écologiste de la Métropole de Lyon et du Sytral, l'autorité organisatrice des transports en commun dans la Métropole de Lyon. © Antoine Merlet

Vous avez mis en place une forme de gratuité… Mais la gratuité pour tous n’est pas un sujet pour vous si on comprend bien ! 

Il n’a jamais existé. Même ceux qui le défendait dans le groupe de travail [lancé au printemps 2023 pour réétudier la question de la tarification des transports en commun à Lyon NDLR] ont acté qu’il n’était pas possible de la faire avec les sources de financement actuelles des transports en commun. Toutes les mesures tarifaires que l’on a faites nous ont coûté 30 millions d’euros en pertes de billettique. Je crois que c’est ce qu’annonce Montpellier comme pertes de billettique pour faire toute la gratuité [sur son réseau, NDLR]. 

"Si on se passait de nos 280 millions d’euros de recettes, on ne pourrait plus développer le réseau et on irait vers une dégradation forte et très rapide des mobilités et des transports"

Bruno Bernard, président du Sytral et de la Métropole de Lyon

Pour 2024, nous estimons le reste de nos recettes de billettique à 280 millions d’euros. En renonçant à 10% de nos recettes, nous avons fait une baisse de tarif ou la gratuité pour 55% de nos abonnés. C’est la logique et l’équation économique possible pour Sytral Mobilités.

D’un point de vue social, c’est pourtant un sujet qui divise au sein de votre majorité, d’autant plus maintenant que le prix de l’abonnement va dépasser 70€ pour certains usagers (communistes, insoumis)…

Nous avons voté l’augmentation de tarif au Sytral la semaine dernière. Je crois qu’il y a eu deux abstentions dans ma majorité et tout le reste a voté pour …on ne peut pas parler de problème. D’autant que l’abstention n’était pas liée à l’augmentation des tarifs, mais à l’augmentation de 50 centimes de l’abonnement solidaire. 

Au printemps, vous aviez lancé un groupe de travail tranpsartisan, à la demande de votre opposition, sur le financement des transports en commun. Qu’en est-il ressorti ? 

Le bilan a été fait, mais n’a pas encore été dévoilé aux élus. Par correction, je ne le commenterais pas avant, mais je crois qu’il y a seulement quatre groupes sur dix qui ont fait des propositions. Si ceux qui nous demandent de faire des groupes ne participent pas et n’apportent pas des propositions… La question des transports et de leur tarification on peut en discuter, mais dans une équation économique réelle.

Lire aussi : Les élus de la Métropole de Lyon vont se (re)pencher sur la gratuité des TCL

La dernière étude qui avait été commandée en 2019 par le Sytral était sans appel en concluant que la gratuité nuirait au développement du réseau. Vous en êtes convaincu ? 

Nous avons besoin de nos trois piliers de financement. Le versement mobilité des entreprises, les contributions des membres, notamment de la Métropole de Lyon, et de nos recettes de billettique. Nous les augmentons chaque année pour suivre, au moins en partie, l’inflation et continuer à avoir des marges de manœuvre, développer le réseau et l’améliorer.

"Dans l’équilibre où chacun prend sa part, il est naturel que l’usager paye une petite partie du coût réel"

Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon

Si on se passait de nos 280 millions d’euros de recettes, on ne pourrait plus développer le réseau et on irait vers une dégradation forte et très rapide des mobilités et des transports en commun sur l’agglomération. Dans l’équilibre où chacun prend sa part, il est naturel que l’usager paye une petite partie du coût réel.

Lire aussi : Lyon : le réseau TCL gratuit ? Les conclusions d'une étude sans équivoque

D’un point de vue environnemental est-ce que ce ne serait pourtant pas la solution miracle pour entraîner un report modal plus fort et inciter les Grand lyonnais à ne plus prendre leur voiture ?

Non seulement ce n’est pas une solution miracle, mais c’est une impasse certaine. Si on estime que la gratuité amènerait 10 ou 20% de public en plus, je peux vous dire tout de suite qu’on risquerait de bloquer en partie notre réseau de mobilités. Il y a déjà des lignes qui sont saturées aux heures de pointe, notamment de métro.

Pour l’instant, le sujet de la gratuité semble donc bien enterré à Lyon, mais est-ce qu’il pourrait exister à l’avenir 

Très clairement, la réponse est non dans les conditions actuelles. Aujourd’hui, au niveau budgétaire, il nous manque déjà des sous pour porter les investissements nécessaires pour les 15 ans qui viennent et j’ai besoin de négocier avec l’État de nouvelles sources de financement. Et si on en avait, la première chose que l’on ferait ce serait encore d’améliorer le réseau. 

"On ne peut pas simplement dire on met en place la gratuité pour tout le monde et ce sont les entreprises qui vont payer"

Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon

Augmenter le versement mobilité des entreprises ne pourrait-il pas servir de source de financement supplémentaire pour parvenir à la gratuité ?

Ce serait très compliqué d’aller voir les entreprises, qui sont notre premier financeur, au budget 2024 le versement mobilité représente 491 millions d’euros, et de leur expliquer on va augmenter votre versement mobilité pour faire la gratuité pour les usagers. Il faut faire attention à l’équilibre et à l’acceptabilité des choses, on ne peut pas simplement dire on met en place la gratuité pour tout le monde et ce sont les entreprises qui vont payer. 

Qu'est ce que le versement mobilité ?
En France, chaque entreprise de 11 salariés ou plus verse un pourcentage du salaire de ses employés pour financer les transports en commun sur le territoire où elle se trouve. Aujourd’hui, le taux est fixé à 2 dans la Métropole de Lyon, mais Bruno Bernard souhaiterait que la loi évolue pour pouvoir le porter à 2,5 sur les zones les plus denses. Dans l’optique de financer le développement du réseau sur les territoires moins bien desservis.

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