Les étudiants ont été parmi les plus affectés par la crise sanitaire, avec une précarité grandissante et une santé mentale en berne. Cette nouvelle rentrée en présentiel les soulage, mais l'incertitude sur la situation sanitaire et leurs conditions de vie continue de les inquiéter. Tour d'horizon auprès des étudiants lyonnais.
À l'occasion de la rentrée universitaire, Lyon Capitale consacre une série de trois articles à la situation des étudiants. Pour le premier volet, zoom sur la reprise en présentiel et la précarité étudiante. Un deuxième volet portera sur les difficultés à se loger. Un troisième sur les étudiants sans master.
Au campus des Quais, des étudiants de 1ère année de l'université Lyon 2 se pressent autour d'une employée de l'université. Habillée en rouge, elle est chargée de guider les élèves et de répondre à leurs questions. "Ils sont assez dissipés, nous demandent plusieurs fois la même chose. Certains sont un peu naïfs et nous demandent quand sont les récréations", s'amuse-t-elle. Le campus n'avait pas connu une telle émulation depuis un an et demi.
Mais à Lyon, la joie de retrouver les bancs de l'université ne saurait cacher l'inquiétude : et si la pandémie reprenait ? Les images des files d'étudiants venus récupérer des colis alimentaire, du confinement dans des appartements de 9m2 et des cours derrière un écran hantent encore les esprits. Avec une précarité étudiante qui n'a pas disparue.
Un retour à l'université bienvenu
L'employée de l'université nous indique la direction pour rejoindre les stands associatifs. Dans la cour intérieure, des tonnelles abritent syndicats, associations, représentants des TCL... En ce mardi 7 septembre, la cour est assez vide car l'université fait seulement sa pré-rentrée.
Pour la première fois depuis le confinement de mars 2020, les étudiants sont peuvent reprendre les cours avec une jauge à 100% des effectifs. Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement Supérieur, l'a annoncé le 25 août dernier. "Le distanciel ne m'avait pas tant dérangé, mais là je sors, je fais mes trajets, je travaille. À la différence de l'année dernière où on était tous en stase, là on revit", témoigne Christopher, étudiant à l'école de commerce et de management PPA et en alternance à Lyon.
"Il fallait absolument revenir en présentiel. C'est un gros soulagement pour beaucoup", soutient Coline Pisaneschi, présidente du Groupement des Associations et Elus étudiants de Lyon Indépendants et Solidaires (GAELIS).
"Après près de deux ans en distanciel, les étudiants des facs de Lyon avaient tous envie de revenir en présentiel. Et ça fait du bien de refaire du syndicalisme physiquement car nous avons eu des difficultés à militer sans présence sur les campus", explique Karel Talali, président du syndicat étudiant Unef Lyon. Pendant les différents confinements, l'organisation avait transformé son activité, pour distribuer des colis alimentaire aux étudiants, tout en continuant à militer sur les réseaux sociaux.
"Il fallait absolument revenir en présentiel. C'est un gros soulagement pour beaucoup. Il y a une espèce d'euphorie", abonde Coline Pisaneschi, présidente du Groupement des Associations et Elus étudiants de Lyon Indépendants et Solidaires (GAELIS). Présente sur les campus pour les semaines de pré-rentrée, l'association organise une semaine d'animations et évènement intitulée "Sort de ta piaule" pour créer du lien entre étudiants. Elle tient aussi une "Gratiferia" à Villeurbanne du 6 au 25 septembre, où les étudiants peuvent se fournir gratuitement en petit mobilier.
L'ombre d'une reprise de l'épidémie
En ce jour de pré-rentrée, quelques étudiants se présentent au stand de l'Unef pour venir prendre une carte. Comme Cassandre. Heureuse de revenir à la fac et de retrouver sa promo, elle n'est pourtant pas sereine. "Je suis un peu stressée. On est de l'attente de savoir comment ça va se passer, si on va de nouveau être en distanciel. J'espère qu'on ne va pas perdre des gens qui ont décroché comme l'année dernière", s'inquiète l'étudiante en lettres modernes, histoire et archéologie.
"Les capacités sont à 100% pour l'instant cela peut évoluer selon la crise sanitaire. C'est compliqué de se projeter", explique Coline Pisaneschi. L'année précédente, les cours avaient pu se tenir en partie en présentiel en début d'année, avant la fermeture des universités dès fin octobre pour des cours à distance. "Il fallait revenir en présentiel pour la qualité des enseignements et la santé mentale des étudiants, car le travail en distanciel est plus compliqué", détaille la présidente de GAELIS.
La précarité toujours présente
Qualité des enseignements mais aussi qualité de vie pour les étudiants. La crise sanitaire a exacerbé leur précarité et les a isolé des réseaux de solidarité de la fac. Beaucoup ont perdu leur job étudiant ou n'ont pas réussi à en trouver, alors qu'ils en dépendent pour assurer leurs besoins. "Cet été, les lieux d'emploi n'ont pas forcément pu ouvrir à pleine capacité, il y avait moins de jobs. Et donc une perte de revenus pour les étudiants", résume Coline Pisaneschi. Malgré l'apaisement de la situation sanitaire, la précarité étudiante reste toujours d'actualité en France et à Lyon. Fin 2019, un étudiant s'était immolé devant un restaurant Crous du 7e arrondissement, dans un geste désespéré pour attirer l'attention sur ce sujet.
Lire aussi : Lyon : l'étudiant qui s'est immolé en pleine rue, un acte aussi politique
Chaque année, GAELIS publie une estimation du coût de la rentrée à Lyon. Pour 2021, l'association calcule à 2 410,13 € les frais qu'un étudiant non-boursier devra débourser. Du côté de l'UNEF, on estime le coût de la vie par mois à Lyon à 1035,82€, soit une augmentation de plus de 3% par rapport à 2020.
"Je voulais économiser cette année car des économies je n'en ai pas. J'ai commencé le mois avec 50 euros sur mon compte, et je n'ai pas encore payé mon abonnement aux transports", détaille Christopher, étudiant lyonnais en alternance.
Pour Christopher, un loyer aurait été une dépense trop lourde à assurer avec son salaire d'alternant de 850 euros. Il reste logé chez sa mère, en périphérie de Lyon. "Je voulais économiser cette année car des économies je n'en ai pas. J'ai commencé le mois avec 50 euros sur mon compte, et je n'ai pas encore payé mon abonnement aux transports. Je vais demander un acompte sur mon salaire", détaille l'étudiant. Il explique ne pas avoir pu travailler cet été, en partie à cause de sa recherche d'alternance et le passage de son permis.
Des mesures locales pour les étudiants
À Lyon, deux mesures récemment prises par la Métropole et la Ville vont profiter aux étudiants : la baisse du prix des transports de 32,5€ à 25€ pour les étudiants et l'encadrement du prix des loyers. L'UNEF et GAELIS saluent les efforts faits même si les organisations estiment qu'il faut aller plus loin sur les transports. "Tant mieux que nous soyons revenus au tarif de 25 euros, qui était celui de 2010. Mais c'est encore une dépense très importante pour les étudiants à Lyon", nuance Alexis Boucaud, vice-président de GAELIS. "Lyon reste, après Paris, la ville la plus chère en terme de transports", rappelle Karel Talali de l'UNEF Lyon.
"Le retour des repas Crous à 3,30€, c'est dire que la crise est passée alors que non. Les repas à 1 euros doivent être maintenus !", plaide Karel Talali, président de l'UNEF Lyon.
Le mécontentement de l'UNEF se tourne vers le gouvernement et le retour du repas à 3,30 € pour les étudiants non-boursiers, qui avait été fixé à 1€ fin janvier 2021. "Le retour de ce tarif c'est dire que la crise est passée alors que non. Les repas à 1 euros doivent être maintenus !", plaide Karel Talali. Il rappelle que les besoins non-remplis chez les étudiants entraînent le décrochage des études, et que certains se voient obligés de travailler à plein temps en plus de leurs études. Plus mesuré, GAELIS se dit conscient des difficultés financières du Crous mais "déplore que le Crous n'ait pas plus d'aides financières et de subvention pour maintenir les repas à 1€".
Les deux organisations espèrent ne plus devoir faire de distributions de colis alimentaire cette année, mais se tiennent prêts à le refaire si besoin. Les yeux rivés sur les indicateurs épidémiques, la précarité toujours sous-jacente, elles regardent les prochains mois entre inquiétude et espoir.
Lire aussi : "Un cabas un étudiant", une initiative solidaire made in Lyon pour les étudiants en difficulté
En 10 ans, 2 ans de GJ + 1an 1/2 de pandémie, on n'est donc plus dans la "Start Up nation" et le "premier de cordé"
a quelque peu dévissé !