Afin d’agir contre le sujet extrêmement sensible de la délinquance de majeurs prétendant avoir moins de 18 ans pour échapper aux lois pénales, la police lyonnaise, la justice, l’État et le secteur médical ont mis sur pied des méthodes inédites qui portent leurs fruits.
Dans le jargon policier, on les appelle les “FMD”, pour faux mineurs délinquants. L’idée : se faire passer pour des moins de 18 ans et bénéficier, à ce titre, de mesures plus indulgentes, à vocation éducative. La technique est bien connue des premiers, et parfaitement rodée par les seconds. Un “grand classique” qui s’est amorcé et se concentre place Gabriel-Péri, à la Guillotière.
“Le mot est passé, ils se sont refilé l’astuce entre eux”, explique un commissaire de police, observateur averti de la délinquance lyonnaise.
Terre d’accueil et d’asile historique, c’est à la “Guill’”, depuis toujours, que l’on héberge le vagabond malvenu dans les rues lyonnaises et que l’on soigne le va-nu-pieds refusé à l’Hôtel-Dieu de l’autre côté du fleuve. “Au cours du temps, la place du Pont, cœur du quartier de la Guillotière, autrefois gros bourg à l’entrée de Lyon, est devenue un quartier populaire et historique, où les immigrés qui ont fait escale à Lyon au cours des siècles s’implantent, se retrouvent… De ce carrefour de l’immigration, Russes, Allemands, Grecs, Italiens, Espagnols, Arméniens, Juifs, Bulgares, Maghrébins ont écrit l’histoire”, rappelle Azouz Begag dans son livre Lyon, Place du Pont. La place des Hommes Debout. Un point de chute, un lieu de transit pour toutes les populations ayant suivi les grands mouvements migratoires. Ce lieu “chargé d’histoire où il se passe des choses porte les stigmates de l’insécurité, de l’insalubrité, de l’immoralité” poursuit Begag.
Migration clandestine
D’après le professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, Alain Bauer, “la Guillotière est une zone d’interconnexion entre trois territoires : la place Mazagran, le square Saint-Michel et la place Gabriel-Péri, qui sont autant de places fortes de trafics de toutes sortes : stups, prostitution, marché aux voleurs, etc. C’est donc une zone de chalandise qui déclenche mécaniquement un phénomène d’attrait où l’offre et la demande s’entrecroisent”. Ce secteur historiquement populaire a connu une flambée de délinquance ces dernières années, sur fond de migration clandestine. À l’été 2022, le ministre de l’Intérieur affirmait que 39 % des actes de délinquance à Lyon étaient le fait d’étrangers, “souvent multirécidivistes”, un chiffre qui grimpait jusqu’à 60 % dans le quartier de la Guillotière. Selon une source policière, 9 personnes sur 10 sont d’origine maghrébine, et, sur ce chiffre, 75 % sont des Algériens.
Une situation embrumée de la question, très sensible, des mineurs non accompagnés (MNA), qui a émergé à partir de l’année 2017. Selon la Sûreté départementale du Rhône, 6 % des personnes mises en cause à Lyon pour des faits de droit commun se sont déclarées MNA l’année dernière.
La difficulté pour la police est alors de valider ou démentir la minorité avancée par le prétendu mineur dans le temps de la garde à vue. L’enjeu est de taille car de cette attestation dépend l’adaptation de la réponse pénale.
“Il y a une volonté très claire du parquet et des services enquêteurs d’investiguer sur cette question. C’est un dispositif qui a fait preuve de son efficacité.”
Nicolas Jacquet, procureur de la République
Il vous reste 67 % de l'article à lire.
Article réservé à nos abonnés.