À Lyon, la mise en place du contrôle du pass sanitaire dans les lieux de culture et de loisirs, accueillant plus de 50 personnes, ne se fait pas sans difficultés et incompréhensions depuis le mercredi 21 juillet. Alors que de nombreux établissements enregistrent une baisse de fréquentation, parfois difficilement quantifiable, tous s'accordent pour dire que ces premiers jours ont été marqués par des efforts importants de pédagogie au sujet du pass sanitaire. Reportage.
Smartphone à la main, Jean-Philippe est posté à l'entrée du cinéma Pathé Bellecour. Il accueille les spectateurs de l'après-midi. La plupart tendent un papier ou un téléphone avec un QR code. "Il me faut votre pass sanitaire !", lance-t-il joyeusement à ceux qui n'ont pas encore pris le pli. En quelques secondes sur son écran, une ligne verte ou rouge indique la validité du pass. Il se décale, laisse passer les spectateurs en règle, puis scanne un nouveau QR code. Le geste est devenu une formalité.
Car depuis le 21 juillet, les lieux de culture et de loisirs sont accessibles uniquement sur présentation d'un pass sanitaire. C'est-à-dire, la preuve d'une vaccination complète, d'un test négatif ou d'une rémission du covid-19. Emmanuel Macron, président de la République, l'avait annoncé le 12 juillet. Musées, cinémas, zoos, théâtres... etc sont concernés. À Lyon, le système se met en place tant bien que mal.
Une nouvelle procédure et quelques accrocs
Pour assurer le contrôle des pass, le Pathé Bellecour a engagé une personne en plus en semaine et deux le week-end via un prestataire de services. Plutôt que de prévoir plusieurs films à la même heure, le cinéma a décidé de décaler les séances pour permettre une entrée fluide, surtout en soirée. "Pour des films qui font plus d'entrées, comme Kaamelott, Suicide Squad ou Jungle Cruise, il faut les isoler pour ne pas créer de bouchons. Concrètement, cela signifie que l'on a un peu moins de séances sur la semaine", détaille Pierre Barthélémy, le directeur.
"J'ai eu le covid et je n'ai eu besoin que d'une seule dose de vaccin. Mais ils se sont trompés en ne me validant qu'une seule dose et pas une vaccination complète." Meliha, une spectatrice du cinéma Pathé Bellecour
"Notre système pour flasher les billets a été mis à jour et peut flasher les QR code. L'agent voit seulement si le pass est valide ou non. Il ne sait pas s'il s'agit d'une vaccination, d'une rémission ou d'un test. Il n'a pas accès à des données personnelles de santé", souligne-t-il. Impossible également de demander une pièce d'identité pour vérifier l'authenticité du pass, l'agent doit se contenter de scanner le QR code.
Globalement, l'ensemble des spectateurs venus cette après-midi-là ont pu entrer sans soucis. Certains, à cause d'une mésinformation ou de problème administratif ont eu quelques soucis. Meliha est venue avec son père. Pour rentrer, elle brandit son téléphone. Mais un problème avec un certificat de vaccination l'empêchera de rentrer. "J'ai eu le covid et je n'ai eu besoin que d'une seule dose de vaccin. Mais ils se sont trompés en ne me validant qu'une seule dose et pas une vaccination complète", soutient-elle, mécontente.
Dans les lieux de culture gérés par la Ville, il a également fallu un petit temps d'adaptation et un peu de pédagogie. "Après quelques jours de « rodage » et quelques cas particuliers, les habitudes sont prises et le dispositif se déroule sans heurt. Une bonne partie de nos équipements municipaux (bibliothèque d’arrondissements, parcs, mairies d’arrondissements…) restent ouverts sans pass sanitaire", explique la mairie. Elle gère le zoo, les grandes serres, la bibliothèque de la Part-Dieu, les piscines et deux musées, qui nécessitent le pass.
C'est le cas notamment du musée Gadagne, où la mise en place des contrôles du document sanitaire ne s'est pas fait sans quelques incompréhensions la première semaine. Du côté des services du musée, on laisse entendre que la situation a été particulièrement difficile avec certains touristes étrangers, plus particulièrement pour les Américains. "Ils avaient un bout de papier griffonné que l’on ne pouvait pas contrôler, car nous avons besoin d’un QR code. On a du en refuser beaucoup. C’est un drame pour nous, car si vous refusez une personne une fois, elle ne revient plus. Moralement ça a été dur, le pass sanitaire ça nous a mis dedans", se désole le musée.
Ailleurs, l'adaptation s'est parfois faite plus rapidement, comme au musée des Confluences où l'accès au musée est "assez fluide". Les services du musée du 2e arrondissement laissent entendre que, pour leur grande majorité, les clients "viennent avec un pass sanitaire valide et le scan du QR code est simple et rapide".
Des efforts de pédagogie
Néanmoins, tout ne se passe pas toujours aussi facilement et les équipes de nombreux lieux culturels sont à l'écoute des visiteurs, pour les aider ou tout simplement leur expliquer le fonctionnement du pass sanitaire. "Certaines personnes, âgées ou fragiles, ont été vaccinées tôt et n'ont pas eu de QR code à ce moment-là. Elles présentent un certificat papier, qui prend plus de temps à contrôler", explique Pierre Barthélémy, directeur du cinéma Pathé Bellecour. L'établissement a expliqué la procédure à ses clients sur ses réseaux sociaux et n'hésite pas à répondre aux demandes par téléphone.
Jean-Philippe, installé à l'accueil du Pathé Bellecour prend le temps de blaguer avec les clients un peu perdus et de leur expliquer la procédure. Quelques minutes plus tard, une jeune femme se présente. Elle montre un certificat de test PCR négatif et pense qu'il est valable pour 72 heures. Or, le pass sanitaire nécessite un test de moins de 48 heures. Il reste 7 minutes avant l'expiration de son test. Elle entre, de justesse.
Le personnel du musée Gadagne reconnaît qu'il a lui aussi du faire preuve de beaucoup de pédagogie. Lors des premiers jours ils étaient ainsi quatre devant le bâtiment "pour faire de la médiation", aux côtés des deux agents vigipirate chargés de contrôler le pass. Certaines situations illustrant parfois le manque d'information des visiteurs. "Une personne âgée s’est présentée avec son pass sanitaire, pensant qu’il était complet, mais en fait elle n'était vaccinée que depuis 2 heures. Elle a fait une heure de route pour rien", souffle avec regret une employée du musée.
Un impact difficile à mesurer sur la fréquentation
Au Pathé Bellecour, on constate une baisse de fréquentation depuis la mise en place du pass sanitaire, comme les autres Pathés de Lyon avec lesquels le directeur est en contact. Si Pierre Barthélémy confirme une tendance à la baisse, il reste prudent sur l'interprétation des chiffres. "On constate un recul de moins 40% cette semaine par rapport à 2019, mais 2019 était une année record. Et on ne peut pas comparer cette semaine avec la précédente, car les sorties, la météo, les vacances peuvent jouer sur la fréquentation", détaille le directeur.
Même son de cloche du côté de la Ville de Lyon. Une baisse de la fréquentation est constaté dans plusieurs lieux, mais sans données précises. "Au Musée des beaux-arts par exemple, la fréquentation n’est pas du même niveau que les années précédentes. Sur certains sites comme le zoo en week-end, où des personnes viennent de plus loin, certains usagers ne peuvent accéder à l’équipement, car ne disposant pas du passe sanitaire", détaille la Ville de Lyon.
La situation semble encore plus difficile au musée des Confluences, où depuis la mise en place du pass sanitaire le coup d'arrêt est brutal. Selon le musée la fréquentation a chuté de "40% par rapport aux premières semaines de juillet, qui montraient des signes positifs".
"On remarque une baisse importante de la fréquentation. Normalement, l'été on remplit plutôt bien les ateliers. Mais je pense que les causes sont multiples." Musée Gadagne, dans le 5e arrondissement de Lyon
À Gadagne, les équipes ont plus de mal à quantifier la baisse de la fréquentation même si elles constatent qu'il y a moins de monde au musée. Néanmoins, du côté du service médiation, chargé d'organiser les ateliers ou encore les balades urbaines, "on remarque une baisse importante des réservations. Normalement, l'été on remplit plutôt bien les ateliers, mais je pense que les causes sont multiples. Il y a la mise en place du pass sanitaire, mais aussi le fait que les Lyonnais ont besoin de partir en vacances".
Annulations et nouvelles stratégies
L’extension du pass sanitaire perturbe également certains évènements musicaux, à l’instar de l’Afterwork Reperkusound, organisé par Mediatone, et qui devait se tenir vendredi 30 juillet à Villeurbanne. La soirée a dû être annulée. "Tout au long du mois de juillet, nous avons pu organiser des évènements avec moins de 1000 personnes pour ne pas avoir à contrôler le pass sanitaire", explique-t-on du côté de l'association. Toutefois, la situation a changé depuis les nouvelles annonces d’Emmanuel Macron. "La baisse de la fréquentation est trop importante. On a donc préféré annuler la soirée, surtout qu’il y avait un risque d’orage", laisse entendre un membre de Mediatone.
Plutôt que d'appliquer le pass sanitaire, d'autres se rabattent sur une limitation du public. L'institut Lumière a opté pour une jauge de 49 personnes jusqu'au 17 août. Car, en dessous de 50 personnes nul besoin de pass sanitaire. "Ce n'est pas militant, mais on tient à ce que les spectateurs puissent se rendre librement au cinéma. On voulait leur laisser la possibilité de s'organiser pour avoir un schéma vaccinal. Aller faire un test pour aller au cinéma, ce n'est pas l'idéal...", explique l'institut qui dispose de quatre établissements : le Hangar, les cinémas Fourmi, Terreaux et Bellecour.
"Les jours qui marchent le mieux sont ceux sans le pass. On est très souvent plus complets. Tant qu’on peut le laisser comme ça on va le faire." Le cinéma de Rillieux-la-Pape
"Nos capacités nous le permettaient puisque notre plus grande salle a 110 places. On perd moins de fréquentation à faire ça plutôt que le pass sanitaire ", développe l'institut Lumière. Un constat partagé par le cinéma de Rillieux-la-Pape qui a aussi voulu maintenir des jours sans pass sanitaire. Un jour sur deux, les salles sont limitées à 49 personnes. "Les jours qui marchent le mieux sont ceux sans le pass. On est très souvent plus complets. Tant qu’on peut le laisser comme ça, on va le faire", soutient le cinéma.
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D'autres encore, comme le musée Gadagne, font preuve d'ingéniosité, ou tout simplement "d'intelligence", en collaborant avec des pharmacies locales pour permettre aux visiteurs qui viennent sans pass sanitaire, ou avec un document non conforme, de se faire tester facilement. "On essaye simplement de trouver des solutions pour faciliter le processus", explique le musée. À peine revenus d'une longue période de fermeture, les employés de la culture doivent s'improviser videurs, pédagogues et stratèges.
Hadrien Jame et Marie Allenou