Chaque année, le dispositif hivernal de l’hébergement d’urgence innove. Cette année, les préfets ont la possibilité de repousser l’ouverture des places supplémentaires. Depuis l’entrée en vigueur de ce Plan froid, chaque nuit, à Lyon, au moins 200 personnes se retrouvent sans solution d’hébergement.
Comme chaque année, à partir du début du mois de novembre, des places supplémentaires sont financées par l’Etat dans les centres d’hébergement d’urgence, pour mettre au chaud les sans abri. Trop peu, estiment, chaque année, les professionnels du secteur. Nouveauté de ce Plan froid version 2010-2011 : la possibilité de repousser l’ouverture de ces places supplémentaires, en vertu de l’application d’une circulaire de la Direction générale de la cohésion sociale du 15 octobre relative "aux mesures hivernales". En annexe 2 de cette circulaire, on peut lire en effet, que "la décision de passer d’un niveau à un autre relève de l’appréciation de l’autorité préfectorale".
Confusion et incompréhension
Dans le département du Rhône, le préfet, Jacques Gérault, a apprécié. Deux semaines avant de partir pour le cabinet du nouveau ministre de la défense, il a activé le niveau 1, le 3 novembre, date d’entrée en vigueur du dispositif hivernal. Comme chaque année, les maraudes du Samu Social ont été doublées et les équipes qui répondent au 115 (le numéro pour trouver un hébergement d’urgence) ont été renforcées. Mais jusqu’au 18 novembre, la préfecture a décidé de ne pas "activer" les 36 places d’hébergement d’urgence prévues pour ce Plan froid qui sont disponibles dès à présent (sur un total de 76). A Villefranche-sur-Saône, les associations s’étaient pourtant mises d’accord avec la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS, ex-DDASS), pour ouvrir les 22 places dès le 3 novembre. Mais le 4 novembre, la DDCS leur a demandé d’attendre pour ouvrir. Certaines structures, comme la Calade et l’Accueil à Villefranche ont donc ouvert le 3, fermé le 4 et réouvert le 18 novembre.
Un niveau record des "sans-solutions"
Pourtant, depuis l’entrée en vigueur de ce Plan froid nouvelle formule, les appels au 115 pour trouver une solution d’hébergement atteignent des sommets. Fautes de places, ils sont nombreux à se trouver sans solution. Ils étaient 280 mercredi soir et 275 lundi soir. Des sommets ont été atteints vendredi et samedi dernier avec environ 350 "sans-solutions" pour chaque soir. C’est deux à trois fois plus important que l’année dernière. "L’une des explications réside dans l’afflux important de demandeurs d’asile que le dispositif classique d’accueil n’arrive pas à absorber", explique Jérôme Colrat, le directeur d’une nouvelle association d’hébergement et de réinsertion, ALYNEA (lire par ailleurs). A l’image d’autres professionnels du secteur, il demande l’ouverture de centres d’hébergement pour l’hiver : "Le dispositif de mise à l’abri à l’hôtel est déjà saturé. On a besoin d’au moins 200 places : une centaine pour la demande d’asile et une centaine pour l’urgence".
Un pilotage en fonction de la météo
En réponse à ces demandes, le directeur de la DDCS qui pilote concrètement le dispositif d’hébergement d’urgence se veut rassurant. "Le préfet s’appuie sur les avis de Météo France. Un avis qui donne quatre jours de visibilité. Au premier grand froid, quand les températures sont négatives le jour et la nuit, on ne laissera personne dehors", explique Gilles May-Carle qui précise que le budget global de l’hébergement dans le Rhône coûte 30 millions par an. Un nouveau centre d’hébergement, la maison de Rodolphe, dans le 8e arrondissement, va ouvrir d’ici la fin du mois de novembre. D’une capacité de 40 places, il est géré par le Foyer Notre-Dame des Sans-Abri grâce à des fonds de la Fondation Mérieux pour le bâtiment et aux financements de la DDCS pour le personnel. Depuis le 15 novembre, l’Accueil de Nuit, rue Sébastien Gryphe, dans le 7e arrondissement est également ouvert à partir de 21 heures. Mais on ne peut pas y dormir.
Une goutte d’eau au vu des besoins. A la question de l’ouverture d’une nouvelle structure supplémentaire, Gilles May-Carle n’"a pas de réponse à faire". "Je dois être précautionneux. Je ne suis pas là pour faire de la publicité sur les capacités d’accueil de tel ou tel coin. (…) Le calibrage du Plan froid est fait pour les gens qui résident actuellement dans le Rhône, quelque soit leur situation, irrégulière ou régulière, peu importe, et qui peuvent être mis en difficulté par la survenue du froid. Le plan n’est pas calibré pour accueillir des populations supplémentaires qui viendraient spécialement pour profiter de ça. Sinon, je n’arriverai pas à faire face aux besoins propres au département". Avec un niveau record de personnes sans solutions chaque soir, on peut se demander si ce Plan froid est effectivement bien "calibré".