Entre 1500 et 4000 personnes ont défilé à Lyon, jeudi 27 janvier, pour une journée de grève et de manifestation interprofessionnelle pour demander la hausse des salaires et du pouvoir d'achat. Très varié, le cortège a rassemblée tous les âges et tous les métiers. Et le sujet de la présidentielle s'est infiltré dans les discussions.
Le froid mordant de Lyon n'aura pas découragé les grévistes. Ils étaient 1500 selon la préfecture, et 4000 selon les syndicats, à défiler entre les Brotteaux et la Préfecture de Lyon jeudi 27 janvier à l'appel de l'intersyndicale. "Tout augmente sauf nos salaires", "c'est notre travail qui crée les richesses", "Augmentez les salaires sans contrepartie !". Les mots d'ordre affichés sur les pancartes sont clairs. Et collent aux préoccupations des Français. Selon un sondage France Inter-Ipsos du 23 janvier, le pouvoir d'achat est le principal sujet qui intéresse les habitants de l'Hexagone, à trois mois de l'élection présidentielle. Suivent ensuile système de santé et l'environnement.
Cheminots, professeurs, étudiants, livreurs, retraités, employés du privés… les profils des manifestants à Lyon représentaient toutes la société. Lyon Capitale est allé à la rencontre de ceux qui ont défilé, et de leurs attentes.
"Il faudrait une hausse d'au moins 400 euros des salaires pour rattraper l'inflation", Quentin Beaud, co-secrétaire de la CGT Educ'Action du Rhône
Nombreux dans le long cortège, aux côtés du SNUIPP-FSU, de Sud Education ou de la CGT Educ'Action, les personnels de l'éducation sont particulièrement remontés Il y a deux semaines, le 13 janvier, les personnels de l'éducation, ils étaient déjà en grève. Contre les changements de protocole sanitaire, mais surtout pour leurs salaires, de meilleures conditions de travail et l'embauche de personnels supplémentaires. "La revendication de la hausse des salaires est portée depuis longtemps par la CGT avec un SMIC au minimum à 1500 euros et 2000 euros à terme", entame Quentin Beaud, avant de parler plus spécifiquement de la situation des enseignants. "Le gel du point d'indice pour les professeurs a fait baisser leur pouvoir d'achat. Qui veut faire notre métier dans ces conditions là ? Il faudrait une hausse d'au moins 400 euros des salaires pour rattraper l'inflation", s'indigne-t-il. Le 18 novembre 2021, un rapport sénatorial pointait qu'au cours des 20 dernières années, les enseignants français ont perdu 15 à 25% de rémunération.
Le syndicaliste veut attirer l'attention sur deux métiers particulièrement précarisés au sein de l'Éducation nationale : les Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les Assistants d'éducation (AED), pour qui il demande des augmentations de salaires et des embauches pérennes. "Les AESH sont payés en dessous du SMIC, avec des contrats de 26 heures. L'inclusion dont le ministère se vante se fait au prix de la précarisation du personnel", conclut-il.
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"Le problème c'est l'ultra-libéralisme qui casse tout ce qui est social", Patricia, gilet jaune et retraitée
Le jaune de leur gilet s'est fait assez rare dans cette manifestation interprofessionnelle. Peut-être les gilets jaunes l'ont-ils raccroché, pour se fondre dans la masse des manifestants, adopter le rouge des syndicats ou l'habit d'un manifestant lambda. Mais Patricia, bien reconnaissable, arpente le cortège habillée de jaune fluo. Dans la tradition des gilets jaunes, elle arbore des pancartes presque surchargées d'écriture, scotchées sur elle, autour de sa tête, portée à la main. Cette retraitée se mobilise pour la hausse des salaires et "le plus important, le réchauffement climatique".
"Je suis à la retraite et je gagne 950 euros par mois. Macron avait promis qu'il n'y aurait pas de retraités à moins de 1000 euros par mois. Mais la première chose qu'il a faite c'est enlever l'Impôt sur la fortune", souligne-t-elle, amère. Très critique de l'actuel président de la République, "ultra-libéral" selon elle, elle soutient le programme de Jean-Luc Mélenchon pour l'élection présidentielle à venir. "J'étais pour l'union de la gauche. J'aurai aimé qu'ils se mettent tous dans la Primaire Populaire. C'est désespérant parce que la gauche ne sera pas au second tour…", se désole la retraitée.
Le sujet de la présidentielle s'est retrouvée semée ci et là dans la manifestation, entièrement incarnée par des partis de gauche. Des tracts à l'effigie de Nathalie Artaud ou de Fabien Roussel distribués le long du cortège, des drapeaux de la France Insoumise et du Nouveau Parti Anticapitaliste.
"L'inflation est de 3% et on a été augmenté de 20 balles", Ludovic Rioux, livreur et syndicaliste à la CGT Just'Eat
Précaires parmi les précaires, les livreurs des plateformes de livraison ont constitué un petit cortège d'une dizaine de personnes dans la manifestation. Souvent auto-entrepreneurs, lorsqu'ils travaillent pour Ubereats ou Deliveroo, certains ont réussi à être salariés à force de lutte, comme à Just Eat. Pour autant, ils restent insatisfaits de leurs conditions de travail et de leurs salaires. Pour nous parler de leurs conditions de travail, un livreur accompagné de son vélo nous désigne "Ludo". "C'est lui qui sera le plus à même de vous parler", ajoute le livreur. "On est en grève sur cette date interprofessionnelle pour une question centrale, celle des salaires. L'inflation est de 3% et on a été augmenté de 20 balles", déballe Ludovic, d'une seule traite. Le discours est bien rodé, les revendications déroulées du tac au tac.
"On demande une augmentation des salaires à 2000 euros brut, une prise en charge à 100% de notre matériel, vélo et téléphones par Just Eat, et une amélioration de nos conditions de travail, en terme de planning, et l'accès à un local pour se réchauffer", déroule Ludovic Rioux. Il évoque les contrats de 15h, qui poussent les livreurs à cumuler des boulots et travailler la majorité des soirées de la semaine, au bon vouloir de l'employeur. Des conditions de travail qui ne rendent pas leur travail attractif. "Le turn over est effarant", explique-t-il.
"On refuse d'être la génération sacrifiée", Karel Talali, président du syndicat UNEF Lyon
Lors de la crise sanitaire, les longues files d'étudiants cherchant des colis alimentaires ont ému l'opinion publique. Un groupe revendicatif de plusieurs syndicats étudiants s'est retrouvé dans le cortège interprofessionnel à Lyon. "Depuis le covid, c'est de plus en plus la galère, il y a de plus en plus de précarité étudiante. Et la réponse de Macron c'est de dire qu'il y a trop d'étudiants et donc de rendre l'université payante", tempête Karel Talali, président du syndicat étudiant UNEF Lyon. "On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants", avait lancé le président de la République le 13 janvier dernier, avant de se rétracter face à la polémique, et de nuancer plus tard son propos, évoquant des "formations professionnelles" "payantes" pour financer l'université.
"Comme c'est une date intepro, on est surtout là pour faire converger la lutte. Ils le disent assez bien dans le mégaphone d'ailleurs", souligne Karel, alors que des membres de son syndicat lancent le slogan "les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère, de cette société là, on en veut pas !". "Les étudiants d'aujourd'hui, ce sont les actifs de demain. On nous fait subir toujours plus de sélection, on empêche les plus pauvres d'accéder à l'enseignement supérieur, on les jette sur le marché du travail et on va leur demander de travailler 45 heures avec des salaires qui ne suivent pas. On refuse d'être la génération sacrifiée", argumente l'étudiant. Armés de mégaphone, trois étudiants s'activent pour animer le cortège, la voix parfois recouverte par la sono du camion de Force ouvrière non loin devant eux. Un bruyant mélange, représentatif de cette mobilisation interprofessionnelle.
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