A deux jours du vote du budget primitif 2024, le maire de Saint-Fons est isolé, sans majorité.
Le conseil municipal de Saint-Fons va-t-il imploser jeudi 14 mars alors que le budget primitif 2024 doit être voté. C'est en tout cas ce que prédisent plusieurs élus dont l'ancienne maire divers droites et ex-conseillère d'opposition Nathalie Frier pour qui "le budget ne sera pas approuvé". En cause, d'importantes tensions au sein de la majorité du maire divers gauches, Christian Duchêne dont la première adjointe Nadia Touris s'est vue retirer sa délégation.
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"En me retirant ma délégation, (Christian Duchêne) espère faire peur"
Si ces frictions existent depuis plusieurs mois, liées notamment à la diversité des sensibilités au sein d'une majorité que l'opposition qualifie de "circonstances", c'est en décembre 2023 qu'elles ont éclaté au grand jour. Ce jour-là, le conseil municipal a rejeté la mise en conformité du Régime indemnitaire sur les primes des agents municipaux. Au sein même de la majorité, plusieurs élus se sont ainsi opposés à cette délibération, notamment le groupe Saint-Fons autrement (présidé par Michèle Edery, qui a rallié le maire à l'issue du premier tour des municipales), qui compte sept élus sur les 16 composant la majorité, mais également au sein du propre groupe du maire, présidé par Nadia Touris, Saint-Fons Citoyenne et unie. "Le maire a rompu le dialogue avec les syndicats qui étaient majoritairement contre ce texte, c'est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés", décrypte-t-elle.
Une plainte du chef de la police municipale pour "harcèlement moral"
Suspendu de ses fonctions le 12 février, le chef de la police municipale de Saint-Fons a déposé plainte pour "harcèlement moral" contre Christian Duchêne, son directeur de cabinet et une responsable administrative révèle Le Progrès. Auprès de nos confrères, l'homme dit avoir été empêché de faire son travail et avoir subi des pressions. Un épisode "mal géré", dans lequel "le maire a pris les décisions seul", juge Nadia Touris et qui a participé à créer des dissentions au sein de la majorité. Sollicité, le parquet de Lyon ne nous a pas répondu pour confirmer ou non l'ouverture d'une enquête suite à cette plainte déposée le 27 février. Dans un communiqué transmis à Lyon Capitale, le maire de Saint-Fons "dénonce cette plainte qui constitue une nouvelle manœuvre de déstabilisation politique". Et d'ajouter : "Il n’est ainsi
guère étonnant que la plainte ait été déposée après que j’ai suspendu le chef de service de ses fonctions puis que j’ai demandé la mise en place d’une enquête administrative pour éclaircir les dysfonctionnements imputés. Ce n’est pas non plus un hasard que cette plainte soit médiatisée aujourd’hui au moment où l’enquête administrative est en cours de finalisation."
"La première adjointe a pris en otage le budget pour des raisons moins politiques que personnelles"
Quelques semaines plus tard, Christian Duchêne promet aux agents municipaux qu'une prime "pouvoir d'achat" leur sera octroyée, "à condition que le budget soit voté au conseil municipal du 14 mars". Un coup de pression sur les élus du conseil qui ne passe pas dans la majorité, relève Nathalie Frier qui considère "qu'on ne doit pas mêler les agents aux problèmes politiques". La première adjointe et présidente du groupe Saint-Fons Citoyenne et unie, Nadia Touris écrit dans la foulée aux agents pour leur assurer que la prime leur sera versée même en cas de rejet du budget primitif, puisque la préfecture règlera ce dernier par arrêté. Or, en cas d'impossibilité pour le maire de faire voter un budget, la préfecture fixe par arrêté un budget similaire à celui de l'exercice précédent. Exit donc la prime accordée aux agents.
Quatre jours plus tard, le maire Christian Duchêne sanctionne son adjointe et lui retire sa délégation. "Il y a des tensions depuis plusieurs mois déjà, explique-t-elle à Lyon Capitale. Les adjoints et conseillers font des revendications au maire qu'il n'écoute pas. En me retirant ma délégation, il espère faire peur aux autres qui sont vent debout contre sa gouvernance." Dans l'entourage du maire, la décision est assumé. "La première adjointe a porté des allégations erronées auprès des agents municipaux et le maire a pris une décision au regard de cet acte de déloyauté", indique-t-on. Selon l'équipe de Christian Duchêne, "la première adjointe a pris en otage le budget pour des raisons moins politiques que personnelles".
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Prudente, Michèle Edery, tête de liste aux élections municipales 2022 et présidente du groupe Saint-Fons autrement estime que ces tensions ne concernent que le groupe du maire, Saint-Fons Citoyenne et unie. "Les difficultés n'ont pas été réglées lorsqu'elles se sont présentées, on a laissé les choses s'envenimer pour arriver aujourd'hui à cette situation, juge-t-elle. Et d'ajouter : Tout cela est bien délicat, nous ne nous mêlons pas de leurs affaires." "C'est gonflé", rétorque un membre de l'opposition pour qui l'ancienne tête de liste n'est pas étrangère aux crispations qui parcourent l'Hôtel de Ville depuis le début du mandat. Mais pour Michèle Edery, "la balle est dans leur camp, à eux de nous proposer une solution à cette crise." Sauf qu'à deux jours du vote, le maire Christian Duchêne se retrouve "minoritaire", assure Nadia Touris qui attend "de voir s'il répond aux revendications du groupe".
Ainsi, le groupe présidé par Michèle Edery aura bien un rôle majeur à jouer dans l'issue de cet épisode délicat puisque sans les votes de ses élus, le budget primitif ne pourra pas être voté et la Ville se retrouverait "privée de son acte fondateur", juge Silvio Rofi, chef de file des Républicains à Saint-Fons, groupe non-représenté au conseil municipal. Ainsi, il se murmure que Michèle Edery pourrait négocier le vote favorable de son groupe en échange de la délégation de la première adjointe déchue. "Si le budget n'est pas voté, il faudra tirer le constat que cette majorité n'est pas capable d'aller au bout du mandat et convoquer des élections municipales anticipées", juge en tout cas Silvio Rofi, en embuscade. "Chaque groupe prendra ses responsabilités", suggère de son Michèle Edery, sans se risquer à un pronostic concernant l'issue du vote. Dans l'opposition, Nathalie Frier observe ces tensions avec dépit. "Quand on est dans une équipe, si on n'est pas d'accord, on démissionne. Aujourd'hui, ces élus prennent la ville en otage", juge l'ancienne première magistrate.
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Encore des problèmes de fric qui viennent saboter la "démocratie" représentative ?
Vivement une démocratie réelle, directe, au sein d'une économie postmonétaire.