Philippe Barbarin
© Tim Douet

Affaire Barbarin: lynchage médiatique, les avocats se répondent

Alors que les premières accusations de lynchage se font jour avec la médiatisation grandissante de l’affaire Barbarin, maître Emmanuelle Haziza, avocate d’une des victimes, nous confiait la semaine dernière que le combat de l’association La Parole Libérée vise uniquement à faire appliquer le principe de tolérance zéro porté par le pape François. Mais, en face, les défenseurs du cardinal déplorent des attaques personnelles bafouant le principe de présomption d’innocence.

Philippe Barbarin ()

© Tim Douet

"Faire sauter la chape de plomb sur ce type d'affaire." C'est ainsi qu'Emmanuelle Haziza, avocate d'une des victimes du père Bernard Preynat, présentait en fin de semaine dernière son objectif dans l'affaire Barbarin. Alors que plusieurs plaintes pour non-dénonciation d'actes pédophiles ont été déposées contre quatre responsables diocésains dont le cardinal Barbarin, l'affaire trouve selon elle "un vrai écho". Et la diffusion nationale de l'affaire depuis ce début de semaine ne dit pas autre chose.

Lynchage médiatique ?

Mais justement, en mettant sur la place publique un coupable prédésigné, alors même qu'une enquête préliminaire du parquet est en cours, les médias sont accusés, notamment par maître André Soulier, avocat de l'archevêque lyonnais, de bafouer le principe de présomption d'innocence. C'est d'ailleurs le sens de la réponse du cardinal Barbarin à Manuel Valls, qui lui demandait mardi de "prendre ses responsabilités".

 

Le primat des Gaules a dit attendre du Premier ministre, qui "connaît mieux que [lui] les lois de la République", qu'il "respecte la présomption d'innocence". "N'a-t-il pas autre chose à faire qu'à se prononcer sur un dossier qu'il ne connaît pas, puisque les magistrats ne communiquent pas les éléments de procédure ?" a renchéri dans la foulée André Soulier, invitant Manuel Valls à la modération.

Des référendums pour remplacer les juges

"Le juge d'instruction Michel Noyer a raison et applique l'article 11 du Code de procédure pénale à la lettre : la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète", explique l'avocat, indiquant que lui-même n'a pas accès au dossier – car n'étant pas partie civile dans l'affaire Preynat. "Il n'y a rien, du point de vue strictement juridique contre le cardinal Barbarin", finit-il par rappeler. Et d'en conclure : "Vous ne pouvez pas prendre la soutane de Barbarin et la traîner publiquement au sol." D'aucuns voient encore en ce déferlement d'accusations une vengeance froide contre les positions du cardinal sur le mariage pour tous.

 

"Le cardinal Barbarin est déjà jugé. On l'a mis au milieu de la place publique et on a dit : Voilà le coupable !" s'insurge son avocat. "Il faut supprimer les juges en France et organiser des référendums pour dire qui est coupable !" ironise le doyen du barreau de Lyon. Une pétition de soutien au cardinal Barbarin a d'ailleurs été lancée en réponse à ce "lynchage" et à une autre pétition en ligne, réclamant la démission du cardinal.

Pétition de soutien au cardinal Barbarin

Change.org (capture écran)
Pétition de soutien au cardinal Barbarin

Des cas similaires ont été dénoncés par le cardinal

Lors de la conférence de presse donnée mardi à Lourdes, le cardinal s'est par ailleurs chargé de rappeler que par deux fois depuis qu'il est en poste à Lyon, il a dénoncé des prélats dont il avait connaissance des agissements pédophiles. "Cela fait dix-sept ans que je suis évêque, il m'est arrivé deux fois d'avoir connaissance de faits par de personnes qui viennent me le dire", en 2006 et en 2014, a-t-il lancé. "La police m’en est témoin et m’a rendu justice à ce sujet en me disant que j’avais réagi immédiatement", a poursuivi Philippe Barbarin, assurant qu'à "aucun des deux" prélats concernés il n'avait "redonné de ministère".

Reste que, concernant le cas du père Bernard Preynat, réintégré par le cardinal Decourtray en 1991 après six mois de suspension suite à des plaintes pour actes pédophiles, la situation est moins nette. Le diocèse l'ayant muté à plusieurs reprises depuis, et promu doyen de plusieurs paroisses dans la Loire en 2013, se retrouve accusé d'avoir laissé au contact d'enfants un homme connu en interne pour ses actes pédophiles passés, comme le prouve une conversation électronique datée de 2014.

Il ne s'agit pas pour les membres de l'association La Parole Libérée de faire du cardinal un bouc émissaire, mais de le mettre face à ses responsabilités. "Une enquête préliminaire est ouverte, il appartient désormais à la police de trouver des éléments, à charge et à décharge, expliquait ainsi Me Haziza. Nous voulons voir l'application du principe de tolérance zéro énoncé par le pape. Cela afin qu'à l'avenir les victimes choisissent de parler."

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