Affaire des éléphants : de la tuberculose à Brigitte Bardot, Lyon Capitale récapitule

Alors que le feuilleton des éléphantes du parc de la Tête d'Or, Baby et Népal, gagne un nouvel épisode chaque jour, il apparait nécessaire de remettre à plat la chronologie des évènements et répondre aux questions que vous vous posez. Les éléphantes sont-elles atteintes de la tuberculose ? Un traitement existe-t-il ? Qui sont les acteurs du dossier ? Qui sont les soutiens ? Où en est la procédure judiciaire ? Lyon Capitale récapitule.

Baby et Népal ont-elles la tuberculose ?

Il s’agit de la question centrale du dossier, et pourtant ce point est également le plus obscur. Il faut d’ailleurs différencier les animaux malades de la tuberculose et les animaux porteurs. Dans ce dernier cas, l’animal ne développera pas obligatoirement la maladie. D’après nos informations, Baby et Népal ne présentent à ce jour pas de symptômes cliniques typiques de la tuberculose (dépérissement, difficultés respiratoires, perte d’appétit…).

Mais sont-elles porteuses? Les tests datent de 2010. Les deux échantillons prélevés sur Baby démontraient que celle-ci était saine, tandis qu’un des tests effectués sur Népal se révélait "douteux". "Ces tests ne semblent pas confirmer à l’époque une quelconque infection au bacille de la tuberculose", nous a affirmé un vétérinaire spécialiste de cette pathologie tout en notant que le statut sérologique des deux éléphantes a pu évoluer et que la fiabilité du test n’est pas totale.

Y-a-t-il d’autres cas de tuberculose chez des éléphants en captivité?

Les plus vieilles descriptions de tuberculose chez l’éléphant captif remontent à 2000 ans, mais aucune étude n’a mis en évidence cette pathologie chez l’animal en liberté. Entre 1994 et 2006, 36 cas avérés de tuberculose ont été décrits chez des éléphants captifs aux Etats-Unis. Plusieurs cas ont également été confirmés dans d’autres parcs zoologiques d’Europe, d’Afrique du Sud et d’Asie. Une étude américaine a estimé que la prévalence de la tuberculose chez l’éléphant d’Asie était de 12 % au sein de la population captive aux Etats-Unis. Une estimation similaire est faite en Europe mais le test de la tuberculose chez les éléphants n’est pas obligatoire.

Que dit la loi ?

C’est là que se trouve le problème. Le cas de la tuberculose de l’éléphant se trouve dans un vide juridique. Car si la détection d’un cas de tuberculose dans un cheptel d’élevage entraine l’abattage du troupeau, il n’en va pas de même pour les espèces sauvages.

"Même si aucun texte ne traite spécifiquement de la tuberculose chez les espèces sauvages, certains articles plus généralistes peuvent tout de même être appliqués à l’éléphant. L’alinéa 2de l’article 224 du Code Rural (modifié par le DM du 20 février 2002) précise que :"lorsqu’elle est mise en évidence (…), la tuberculose due à Mycobacterium bovis ou à Mycobacterium tuberculosis est une maladie à déclaration obligatoire chez toutes les espèces animales domestiques ou sauvages (…)". Ainsi, l’apparition d’un cas confirmé de tuberculose chez un éléphant doit être déclarée aux autorités compétentes (c'est-à-dire à la direction départementale des services vétérinaires, pour la France). En revanche, la législation ne précise pas quelles sont les démarches à effectuer lorsqu’un cas est suspecté." (Docteur Pauline Delnatte, Étude de la tuberculose chez l'éléphant : importance en parc zoologique)

La tuberculose de l’éléphant et celle de l’homme ont-elles la même origine ?

Le plus souvent la mycobactérie la plus fréquemment impliquée lors de tuberculose chez l’éléphant est Mycobacterium tuberculosis qui est l’agent responsable de la maladie chez l’homme. Des contaminations croisés ont déjà été décrites.

Un traitement existe-t-il ?

Oui plusieurs traitements existent, néanmoins, on dispose de peu de recul sur leur efficacité, la prise en charge de la tuberculose chez l’éléphant étant très récente. Aux Etats-Unis, un exemple de traitement pour une éléphante d’Asie malade de la tuberculose a été chiffré à 50 000 dollars pour une durée d’un an.

En 2010, le vétérinaire et directeur du parc de la Tête d’Or de l'époque, David Gomis, affirmait au Progrès : "La décision de ne pas les traiter se fonde sur plusieurs raisons : les traitements sont très lourds, nécessitent presque des conditions hospitalières. Nous ne voulons pas prendre de risque pour les soigneurs. Enfin nous n’aurions aucune garantie de non-récidive. Éthiquement, professionnellement, on ne doit pas les traiter. C’est un peu difficile à entendre. Pour moi, le premier en tant que vétérinaire."

L’euthanasie de népal et Baby pourrait-elle créer un précédent ?

Oui. Le cadre légal autour des éléphants suspectés de tuberculose n’étant pas défini, une décision d’abattage de Baby et Népal, pourrait alors créer une jurisprudence.

Chronologie

1999 – Népal et Baby sont confiées au zoo de la Ville de Lyon par le cirque Pinder. Une convention de mise en pension entre la Ville et le cirque est signée. Elle prévoit que le placement des deux éléphantes est temporaire, le temps que Pinderland, parc dédié au cirque Pinder, voit le jour et que Gilbert Edelstein puisse alors récupérer ses éléphantes. Les deux pachydermes qui ont été écartées du chapiteau suite à une relation parfois difficile avec les deux autres éléphantes du cirque, rejoignent Java, déjà présente au parc depuis de nombreuses années.

17 août 2010 – Baby et Népal sont suspectées d’être porteuses du bacille de la tuberculose. Les tests de l’époque révèlent que Népal est saine sur l’ensemble de ses prélèvements et Baby "douteuse". Les équipes du parc ne parviennent pas à effectuer de test sur Java, la vieille éléphante du parc. Un avis est demandé à la direction départementale de protection des populations (DDPP).

4 janvier 2011 – La DDPP demande à ce que les trois éléphantes soient isolées du public et à ce que des mesures de protection des soigneurs soient mises en place. Un périmètre de sécurité est alors installé autour de l’enclos. Les animaux ne pouvant plus être présentés au public, la Ville met alors fin à la convention de prêt et demande à Gilbert Edelstein, PDG de Pinder, de récupérer ses éléphantes. Mais suite à des retards administratifs Pinderland ne sera pas opérationnel avant fin 2013 et le cirque ne reprend pas possession de Baby et Népal.

Avril 2011 – Gilbert Edelstein est reçu par Gérard Collomb. Selon le patriarche du cirque, l’édile lyonnais lui aurait promis de "sauver ses éléphants".

14 août 2012 – Java, l’éléphante du parc meurt de vieillesse, alors qu’elle était la doyenne des éléphantes d’Asie en Europe. Une autopsie est réalisée, qui met en évidence une infection tuberculeuse. L’animal était "excréteur", c’est-à-dire que le bacille de la tuberculose se retrouvait dans ses déjections.

11 décembre 2012 – L'affaire s'accélère. Un arrêté préfectoral enjoint la Ville de procéder à l’euthanasie des deux éléphantes dans un délai de trente jours, "considérant les risques graves que l’infection dépistée chez cet animal fait peser sur la santé des personnes évoluant dans l’environnement proche des animaux".

Le 12 décembre 2012 – la Ville, par un courrier de Jean-Louis Touraine, premier Adjoint, informe Pinder de l’arrêté préfectoral d’abattage.

Le 17 décembre 2012 – L’euthanasie des éléphantes est prévu pour ce jour-là mais, à 1h30 du matin, Jean-François Carenco, préfet du Rhône, suspend son arrêté pour permettre à Pinder d’opposer un recours. Le cirque doute que Népal et Baby soient malades.

21 décembre 2012 – le tribunal administratif de Lyon rejette le recours du cirque Pinder contre l’arrêté préfectoral ordonnant l’abattage des deux éléphantes. Népal et Baby devront être euthanasiées. Mais Pinder annonce se pourvoir en cassation. Malgré tout le pourvoi n’est pas suspensif et l’euthanasie peut intervenir à tout moment.

24 décembre 2012 – Brigitte Bardot adresse une lettre ouverte à Jean-François Carenco dans laquelle elle demande à ce que Baby et Népal soient confiées à la fondation qui porte son nom. Dans un même temps un comité de soutien des éléphantes en appelle au chef de l’Etat, François Hollande, et lui adresse une pétition qui compte alors 62 000 signataires. Stéphanie de Monaco propose d’envoyer son vétérinaire pour effectuer de nouveaux tests.

26 décembre 2012 – Le cirque Pinder s’indigne. Sa vétérinaire, Florence Olivier-Courtois est empêchée d’accéder aux éléphants pour effectuer de nouveaux tests permettant de clarifier le statut sérologique des éléphantes.

28 décembre 2012 – Gilbert Edelstein doute sérieusement que ses éléphantes soient malades et redoute une "vengeance" du préfet, après une affaire précédente.

31 décembre 2012 Gilbert Edelstein écrit à François Hollande pour demander une grâce présidentielle.

2 janvier 2013 – Gilbert Edelstein annonce de nombreux soutiens pour ses éléphantes comme Alain Delon ou la présidente du Medef Laurence Parisot. Localement, les politiques lyonnais se saisissent de l’affaire, Nora Berra, Michel Havard et Emmanuel Hamelin dénoncent un dossier "révélateur du mode de gouvernance de Gérard Collomb". Etienne Tête, conseiller municipal EELV, estime que l’euthanasie des deux éléphantes est "une aberration sur le plan juridique et médical".

3 janvier 2013 Baby et Népal sortent du couloir de la mort… provisoirement. Le Conseil d’Etat juge recevable le pourvoi en cassation et suspend l’arrêté préfectoral d’abattage, le temps que la requête de Pinder soit examinée.

4 janvier 2013 – À l’instar de Gérard Depardieu, Brigitte Bardot menace de prendre la nationalité russe, non pas pour des raisons fiscales, mais si Baby et Népal venaient à être euthanasiées. Gilbert Edelstein, commente "Je sais qu’elle n’aime pas le cirque, mais je dis ‘Chapeau bas madame ! C’est certainement vous qui allez sauver Baby et Népal’"

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