MICHELOT

Affaire DSK : un procès "d'ici à la fin de l'année"

Professeur d'université à l'Institut d'études politiques de Lyon, Vincent Michelot est spécialiste des institutions américaines. Il pense que le socialiste français encourt dix ans de prison. Pour lui, l'accusation est en position "favorable". "Elle va essayer de présenter DSK comme un pervers sexuel récidiviste".

Lyoncapitale.fr : Ce vendredi se tient le Grand Jury. Va-t-on enfin connaître la ligne de défense de DSK ?

Vincent Michelot : Non, il n'y a pas de nouvelles à attendre. Vendredi, le Procureur fera face à un jury populaire. Il décidera ou non de mettre en examen DSK. C'est une procédure accusatoire uniquement à charge. L'accusé peut être entendu mais sans le conseil de ses avocats. Ce qu'il dira alors sera retenu contre lui.

DSK risque-t-il effectivement 74 ans et 3 mois de prison ?

On est dans le domaine de la justice fiction. Ce chiffre correspond à l'ensemble des chefs d'accusation, si tous sont retenus, et si la peine maximale est à chaque fois prononcée. Au final, il encourt plus sûrement une dizaine d'années de prison qui pourront être réduites à cinq et là encore ce n'est qu'une forme de spéculation. On va entrer dans un processus transactionnel. Le viol peut être réduit à agression sexuelle voire tentative d'attouchement. Les séries télé sont très instructives. S'il a suffisamment de preuves, le Procureur peut refuser. Mais s'il y a des zones d'ombre, il peut accepter.

Quand aura lieu le procès ?

Les Etats-Unis sont attachés à la notion de "fair trial" (procès juste et équitable). Quand le procès se déroule très longtemps après les faits, il ne peut être juste. Dans un mois au plus, l'accusation aura rassemblé les preuves dont elle a besoin. Au plus tard, le procès se tiendra d'ici à la fin de l'année. Peut-être même avant.

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On risque alors de fouiller dans le passé de DSK...

L'accusation va tenter de montrer que ces actes s'inscrivent dans un comportement habituel. Elle va essayer de présenter DSK comme un pervers sexuel récidiviste. Il est tout à fait possible qu'on appelle des Françaises à témoigner. Mais la défense va aussi chercher à remettre en cause les dires et les compétences de l'accusation et toutes les étapes de la procédure. On va, par exemple, vérifier les diplômes des médecins qui ont examiné DSK et la victime.

La presse américaine va sans doute chercher à révéler d'autres affaires concernant DSK...

Elle va le faire pour deux raisons. Parce qu'il est intéressant de voir qu'un homme d'une telle importance pourrait avoir utilisé ses fonctions à des fins non honorables. Et aussi parce qu'il y a une vraie indignation des Américains et surtout des Américaines contre notre tolérance coupable vis-à-vis de ce type de phénomène.

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Les médias américains ont condamné DSK. Pourquoi font-il fi de la présomption d'innocence de l'homme ?

En France, on fait de la présomption d'innocence une présomption de mensonge de la jeune femme. Il faut respecter les deux paroles. Quand Ségolène Royal dit : "je pense d'abord à l'homme", ça fait froid dans le dos. La présomption d'innocence est une conception juridique et aussi une conception juridico-médiatique. En France, est-ce que celle-ci a joué en faveur d'Eric Woerth ou de Xavier Dupont de Ligonnès ?

Y a-t-il encore une chance pour DSK que l'affaire se dégonfle et qu'il soit très vite blanchi ?

Il faudrait que son accusatrice ait été payée pour piéger DSK. Celui qui aurait alors monté l'affaire risque dix fois plus que DSK. Dimanche, lundi, on pensait que le prévenu serait libéré sous caution. S'il ne l'a pas été, c'est que le juge estime qu'il y a un risque de fuite et que les éléments du dossier sont solides. La première étape semble plus favorable à l'accusation qu'à la défense.

Enfin selon vous, est-ce que si ces accusations avaient été portées en France, elles auraient conduit au même résultat ?

Oui. C'est un "oui" d'espérance. J'ose espérer que si de tels faits s'étaient produits dans une suite d'un grand hôtel parisien avec un homme politique français, il aurait été mis en examen. Sinon, nous serions une République bananière. En revanche, la France a une tolérance coupable envers ceux, à la main leste, qui ont un comportement de vieux machos.

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