La commission de réexamen de la Cour de cassation a tranché. La justice se penchera une troisième fois sur l'affaire Agnès Le Roux. La commission a suivi la recommandation de la Cour européenne des droits de l'homme : cette affaire à rebondissements, véritable marronnier des émissions de faits divers, reviendra devant la cour d'Assises de Rennes dourant 2013-2014. Retour sur cette affaire hors-norme.
Dans un arrêt rendu le 10 janvier dernier, les magistrats de Strasbourg ont estimé que ce septuagénaire , condamné en 2007 à vingt ans de prison pour le meurtre de la disparue, n'avait pas bénéficié d'un procès équitable car le verdict n'était pas été motivé. Lors de l'audience ce jeudi matin, le parquet général de la cour de cassation s'est déclaré favorable à un autre procès. La commission a donc suivi cet avis et a autorisé sa libération sous condition.
Avec toi, jusqu'à la mort
L'histoire débute il y a plus de trente ans. Agnès le Roux, riche héritière de 29 ans, disparaît à la fin du mois d'octobre 1977. Elle et sa voiture, une Range Rover blanche. Un scénario hollywoodien se profile alors. Agnès est la propriétaire d'un casino à Nice, le Palais de la Méditerranée. Depuis un an, elle fréquente Maurice Agnelet, un avocat à la réputation controversée, souvent décrit comme un type antipathique. Il accumule aussi les aventures et ne semble guère fidèle à Agnès. Pourtant la jeune femme est "comme aveuglée", selon le témoignage d'une amie. Elle l'aime mais lui non. Durant leur liaison, elle va même jusqu'à vendre ses parts à l'ennemi intime des Le Roux, Dominique Fratoni, un autre patron de casinos à Nice. En échange 3 millions de francs vont être versés sur un compte suisse au nom d'Agnès et de Maurice. C'est dire... En octobre 1977, la jeune femme fait deux tentatives de suicide. Elle ne parle plus à sa mère. A son réveil à l'hôpital, elle écrit à Maurice "avec toi jusqu'à la mort". A la Toussaint, la jeune femme se volatilise. Du fait de leur querelle familiale Renée Le Roux ne portera plainte que trois mois plus tard. Une information judiciaire est ouverte le 1er mars 1978 pour séquestration arbitraire. Sa mère est persuadée que Maurice Agnelet est coupable, mais un non lieu sera prononcé en sa faveur en 1985. C'est le volet financier de l'affaire qui va rattraper Maurice Agnelet à la fin des années 80. Il doit répondre devant la justice du montage financier élaboré avec Dominique Fratoni pour obtenir le contrôle du Palais de la Méditerranée. En 1990, il est condamné à 30 mois de prison dont deux ans ferme pour complicité de vente d'actions et abus de confiance. Dans l'esprit de Renée Le Roux, une certitude désormais : Maurice Agnelet a bien tué Agnès pour récupérer seul les 3 millions de francs dormant dans un compte suisse. C'est là dessus que l'accusation bâtira ensuite son hypothèse.
La volonté d'une mère
Les années passent mais la ténacité de Mme le Roux mère demeure. Les enquêtes privées contre Agnelet se multiplient. Pour écarter la prescription, Renée le Roux use même d'un joli tour de passe-passe en déposant plainte pour recel de cadavre. "C'est ma mère qui a porté ce dossier, qui s'est battue", confirme encore Jean- Charles Le Roux, ce jeudi matin au micro de RTL. En 1999, coup théâtre : l'ex épouse d'Agnelet affirme qu'elle a donnée un faux alibi lors de l'instruction en 1981. Maurice et elle n'ont jamais voyagé en Suisse lors de ce fameux week-end de la Toussaint en 1977. A cette époque, Maurice Agnelet est depuis longtemps radié du barreau, n'est plus franc maçon. Il s' installe un temps au Québec, souhaite même obtenir la nationalité canadienne. En 2000 il vit au Panama. Une nouvelle instruction débute et il est mis en examen pour homicide volontaire puis pour assassinat en mai 2004. Maurice Agnelet ne fuit pas la justice : il revient en France pour être finalement renvoyé devant les assises.
Acquitté puis condamné
Le premier procès débute le 23 novembre 2006 à Nice. La journaliste du Monde, Pascale Robert Diard raconte les débats sur son blog. Il y a la passion, touchante, d'Agnès pour Maurice, qui lui ne la voit pas. Et cette conversation enregistrée quelques jours avant la disparition d'Agnès "Je te rappelle," lui dit-il alors qu'elle sanglote. Il ne la rappellera pas.. Comme il ne semble pas préoccupé par l'absence d'Agnès, malgré les appels répétés de son frère, Jean-Charles. Pendant le procès, la partie civile, en la personne de Me Kiejman met en avant la personnalité de l'accusé, retorse et dominatrice à l'époque. Pas ce sexagénaire au pantalon de velours et col roulé, présent à la barre. La défense, elle, pose les éternelles questions : où ? Quand ? Comment ? Pas de réponses. Quatre semaines de débats pour un acquittement, " le doute doit profiter à l'accusé ", avait alors avancé son avocat lyonnais Me Saint Pierre, en ciblant sa plaidoirie sur l'erreur judiciaire. Le parquet interjeta appel, l'affaire n'est pas finie. A peine un an plus tard, le 17 septembre 2007 s'ouvre le procès en appel devant la cour d'assises d'Aix en Provence. Michel Henry, journaliste à Libération a consacré à un livre à Maurice Agnelet. Dans la partie des charges, il relève les annotations bizarres dans des exemplaires de la Pléiâde. L'accusé y écrit "reclassement du dossier, liberté". Car c'est un "archiviste acharné" avance le journaliste. Pourtant aucun élément nouveau ne vient s'ajouter au dossier . Un procès copie conforme du précédent. La défense soutient que l'ancienneté des faits ne permet pas un procès équitable, qu'il n'y pas de preuves formelles, qu'il n'y a pas de corps. Et toujours les éternelles questions : où ? Quand ? Comment ? Pourtant Maurice Agnelet est condamné à 20 ans d'emprisonnement le 11 octobre 2007. Et le 15 octobre 2008, la cour de cassation rejette son pourvoi. Prochain verdict dans quelques mois.