Graphe Aide publique au développement

Afrique : la France moins généreuse que l'Angleterre

Selon un rapport de l’OCDE, les aides de la France aux pays les plus pauvres ont diminué. Si elle fait la part belle aux prêts, elle consacre peu de moyens pour les dons et subventions.

Alors que la France avait promis, avec l’ensemble des pays de l’Union européenne, de consacrer 0,7 % de sa richesse nationale à la lutte contre la pauvreté d’ici à 2015, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) assure, dans un rapport publié le 3 avril, que les aides publiques au développement (APD) sont en baisse depuis 2010. Explication avec Christian Reboul, en charge des questions de l’aide au développement chez Oxfam France, association de solidarité internationale.

Lyon Capitale : L’OCDE a remis le 3 avril dernier son rapport sur les contributions des pays les plus riches pour les pays les plus pauvres. Pour la deuxième année consécutive, cette APD a diminué de 4% de manière générale. La baisse pour la France est de 1,6 %. Cette aide ne représente que 0,45 % de sa richesse nationale, alors que la France s’est fixé un objectif de 0,7% pour 2015. Le Gouvernement se désintéresse-t-il de la situation des pays les plus pauvres ?

Christian Reboul : Avec la crise, il y a malheureusement un repli sur les problématiques nationales. Or il ne faut pas opposer solidarité internationale et solidarité nationale. Malgré la crise, nous sommes un pays riche, au sein de l’UE, qui reste malgré les difficultés actuelles une zone de richesse au regard de certains pays qui nous entourent. L’APD est donc légitime en temps de crise. Le Royaume-Uni connaît aussi la crise, pourtant le pays a décidé d’allouer une enveloppe correspondant à la promesse des 0,7 % pour l’année 2013-2014. C’est avant tout une question de volonté politique.

La France a donc fait un choix budgétaire. Elle reste tout de même le quatrième pays en volume d’aide, avec un budget de 9,336 milliards d’euros…

La réalité de l’aide publique au développement est assez sombre, alors que cette politique publique est fondamentale. Les crédits réellement attribués à la lutte contre la pauvreté – en particulier pour la zone prioritaire de la France, l’Afrique subsaharienne – sont beaucoup plus faibles que ceux affichés. Dans le chiffre global donné par l’OCDE sont comptabilisées les aides bilatérales, multilatérales et européennes, et, pour les aides bilatérales, les prêts sont largement comptabilisés. Ces prêts sont tout à fait légitimes, notamment pour la construction de grandes infrastructures. Mais l’aide française leur fait la part belle, alors qu’elle ne consacre qu’une part très minoritaire de ses crédits sous forme de dons à la lutte contre la pauvreté.

Alors, à combien évaluez-vous ces aides directes ?

Dans la loi de finances de 2013, les crédits sous forme de subventions bilatérales pour les 17 pays prioritaires de la France, dont beaucoup se situent en Afrique subsaharienne, s’élèvent à 167 millions d’euros, ce qui équivaut à 10 millions d’euros par pays et par an. C’est très peu. Les fonds bilatéraux gérés par le ministère des Affaires étrangères pour renforcer les missions régaliennes des États sont seulement de 55 millions d’euros. Ces deux lignes budgétaires ne cessent de baisser alors que ce sont des fonds pour les populations les plus pauvres. La Grande-Bretagne donne cinq fois plus sous forme de subventions bilatérales.

Comment expliquer un tel fossé entre le chiffre global annoncé par la France et la réalité des aides directes ?

Parce que la France a tendance à gonfler ses chiffres grâce aux prêts… Aussi, contrairement à d’autres pays comme la Grande-Bretagne, la France a un système d’aide particulièrement complexe, en particulier son organisation institutionnelle. Continue de prévaloir un système bicéphale faisant intervenir, parfois de manière concurrente, le ministère de l’Économie et le ministère des Affaires étrangères. Cela nuit directement au pilotage stratégique de l’aide. C’est quelque chose que nous critiquons chez Oxfam. Nous ne sommes pas les seuls. L’OCDE, la Cour des comptes soulignent dans des rapports récents cet état de fait… Mais nous ne voyons pas venir de volonté réformatrice.

Début février, François Hollande a affirmé vouloir se consacrer à la “phase de l’aide au développement” pour le Mali. Il a même annoncé le déblocage de 150 millions d’euros…

Cette enveloppe annoncée est constituée de fonds déjà engagés qui ont été stoppés lors du coup d’État de mars 2012. De plus, ces fonds sont constitués aux deux tiers par des prêts. Alors que la conférence des donateurs pour le Mali se profile – elle aura lieu le 15 mai prochain –, nous nous interrogeons sur la réalité des moyens additionnels que la France va dégager afin de contribuer au développement du Mali et du Sahel. En 2011, l’aide était de 8,5 millions d’euros sous forme de dons et de 44 millions d’euros sous forme de prêts. Quel procédé arithmétique a permis aujourd’hui à la France d’annoncer cette première enveloppe surdimensionnée de 150 millions d’euros d’aide ?

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