Avocate au palais de justice de Lyon @Hugo LAUBEPIN
Avocate au palais de justice de Lyon @Hugo LAUBEPIN

Agression raciste à Lyon : une peine exemplaire pour un dossier complexe

Deux jeunes hommes, dont un ancien cadre des identitaires à Lyon, ont été condamnés à de la prison ferme pour une agression raciste. Un mobile retenu davantage au regard de leur profil que des faits.

Il était environ 20 h lorsque le tribunal a rendu son délibéré dans ce qui fut l'épilogue d'un procès fleuve et complexe. Ancien porte-parole du groupuscule identitaire Les Remparts, Sinisha Milinov reste impassible dans le box des prévenus alors qu'il vient d'être condamné à une peine de 16 mois de prison dont six ferme, pour ce que le tribunal a décidé de considérer comme une agression raciste. A ses côtés, Pierre-Louis Perrier, un jeune homme à la gueule d'ange né en 2003, est quant à lui condamné à une peine de trois ans de prison, dont deux ferme. Lucide, il interroge la présidente : "l'appel est suspensif ?" La présidente répond par la négative. Lui et Sinisha Milinov ont passé leur première nuit en prison ce mardi soir.

"Nègre", "Bougn", "Blanco"...

Avocats comme spectateurs semblent presque surpris. "La peine est exemplaire, ce n'est pas toujours le cas avec ce genre d'individus", glisse une conseil habituée de la comparution immédiate. Un devoir d'exemplarité justifié autant au regard du profil des deux prévenus - l'un est connu pour son militantisme dans des groupuscules racistes et violents, l'autre fait partie de boucles Telegram sur lesquelles s'échangent des termes tels que "Nègre", "Bougn", "Blanco" - que par l'analyse des faits qui ne semblent pas révéler de caractère raciste derrière ces violences.

Sur les faits, les images de vidéosurveillance sont accablantes pour Pierre-Louis Perrier. Ce 1er février vers 5 h, alors qu'une altercation verbale débute dans une boite de nuit de la place des Terreaux avec un groupe de trois hommes, le groupe de quatre personnes dont il fait partie prend la direction du Vieux-Lyon. Avant néanmoins de faire demi-tour en direction des pentes de la Croix-Rousse, et de recroiser ainsi les trois individus avec lesquels de premières échauffourées avaient eu lieu. C'est bien ici que l'affaire se complique.

Le procureur écarte la thèse de la "chasse à l'étranger"

Pierre-Louis Perrier et Sinisha Milinov se dirigent en direction de la rue Désirée, sans prêter attention aux parties civiles. Ce sont elles qui prennent l'initiative de se rendre à leur contact pour, disent-elles, "s'expliquer" sur l'altercation antérieure. A 5 h 21, on observe ainsi l'une des parties civiles infliger une gifle à Pierre-Louis Perrier, la bagarre débute alors. S'en suit une violente agression à deux contre un sur le jeune homme, qui se relève, sort un couteau, et assène des coups au visage et la gorge des deux individus l'ayant mis au sol. La troisième partie civile se dirige ensuite vers Pierre-Louis Perrier, qui lui inflige des coups de couteau également. Au total, 12 coups sont relevés.

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Les victimes s'en sortent avec quatre, sept et dix jours d'ITT. "Vous avez de la chance d'être en comparution immédiate et pas en cour d'assises" lancent les conseils des parties civiles. Ecartant la thèse "d'une chasse à l'étranger", le procureur a néanmoins considéré que ce procès était "celui d’individus animés par des idées racistes ayant commis des violences". Le profil de Milinov, habitué pendant deux ans des entraînements de boxe au club associatif du groupuscule Les Remparts, et militant assumé, a forcément joué en sa défaveur.

D'autant que quelques heures seulement après les violences, il fait un "CR" (compte rendu) sur une boucle Telegram : "On a fait du 3v3 contre des bougns... PL a sorti un couteau. Il y a eu des coups au visage. Mort de rire." Mais pour Pierre-Louis Perrier, seule sa présence dans ces groupes est de nature à justifier une haine raciale. Des participants à la conversation évoquent quant à eux la "revanche de Crépol".

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Le caractère raciste néanmoins retenu

Lorsque les comparses de Perrier apprennent qu'il est interpellé, il envisagent ainsi de "faire le ménage" chez lui, demandant à Sinisha Milinov s'il possède les clés de son domicile. Les parties civiles ont par ailleurs indiqué dans leur déposition avoir été la cible d'insultes à caractère raciste. Mais ces déclarations n'ont été corroborées par aucun des deux témoins clés de l'affaire : un homme ayant tenté de s'interposer dans la rixe, qualifié de "nègre" dans la discussion Telegram des prévenus, et le serveur du bar BHV, témoin privilégié de la bagarre.

Le mobile raciste a ainsi été retenu "considérant le contexte de la commission des faits, corroboré par les messages retrouvé dans le téléphone", a justifié la présidente. Les parties civiles l'avaient demandé, le tribunal l'a fait : le contexte lyonnais, caractérisé par l'omniprésence de groupuscules d'extrême droite s'adonnant régulièrement à des descentes émaillées de violences gratuites, a été pris en compte en dépit peut-être, d'éléments factuels caractérisant le mobile raciste des violences, au moment précis où elles ont eu lieu.

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