Une juge d’instruction vient d'être saisie pour instruire une enquête sur une escroquerie internationale à l’aide médicale d’État, aux dépens de la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère. Une affaire qui relance le débat éminemment politique de cette prestation d’aide sociale.
1 600 pages de procédure. Deux cents noms cités. Dont des notables. Le dossier est colossal, avec des ramifications de l’autre côté de la mer Méditerranée, jusque dans le nord-ouest algérien. L’enquête, fraîchement confiée à un juge d’instruction, promet d’être tentaculaire.
Le 9 mars dernier, deux militants associatifs défendant des sans-papiers et un médecin, tous trois d’Échirolles, dans la banlieue grenobloise, comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Grenoble pour complicité d’escroquerie à l’aide médicale d’État. Créé en 2000 sous le gouvernement Jospin, ce dispositif permet aux étrangers en situation irrégulière résidant sur le territoire français de bénéficier de soins médicaux gratuits. Ce droit est soumis à trois conditions : l’irrégularité du séjour en France, la résidence continue de trois mois sur le sol français et des ressources annuelles inférieures à un certain plafond.
Dans la petite salle d’audience n° 4 du tribunal, que la présidente a dû faire vider pour respecter le protocole sanitaire, les trois prévenus sont un peu penauds. Ils risquent jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Leurs avocats, eux, sont outrés et virulents, arguant des "droits de la défense bafoués" et accusant le tribunal de n’être qu’une "chambre d’enregistrement" de la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère (Cpam).
197 ressortissants algériens et 2,5 millions d’euros de préjudice
C’est en effet l’organisme social qui a porté plainte en octobre 2019 pour ce qu’il estime être une vaste arnaque à l’aide médicale d’État. Ce dernier a mis au jour, suite à des signalements de ses propres services et d’autres externes, notamment ceux du consulat de France à Constantine et Annaba, les troisième et quatrième plus grandes villes d’Algérie, des pratiques frauduleuses permettant d’obtenir le bénéfice de l’aide médicale d’État sans remplir les critères légaux. L’avocat de la Cpam, Alexandre Bordon, a plaidé "un système d’automaticité caractérisé" pour permettre l’octroi illégal de l’aide médicale d’État. Hélène Cardinale, sa directrice, a détaillé à Lyon Capitale que "des requêtes ont été menées dans nos bases de données pour rechercher la récurrence d’anomalies du même type. Nous avons mis en exergue, à travers cette masse d’informations, des pratiques ayant permis à 197 personnes d’obtenir de manière frauduleuse, selon nous, le bénéfice de l’aide médicale d’État, alors qu’elles ne remplissaient pas les conditions requises par la loi".
La méthode était simple : l’établissement du dossier de demande d’aide médicale d’État, pour l’ensemble des demandeurs, a été fait, selon la Cpam, par deux militants associatifs à l’aide, pour la plupart d’entre eux, d’ordonnances médicales prescrites par un seul et même médecin et qui se sont révélées fausses.
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