Bien communiquer avec les autres n’est pas une compétence innée. Pourtant, l’enjeu est de taille. Dans la cour du collège ou du lycée, en classe, en famille… puis plus tard en couple ou encore au travail… Communiquer avec respect aide à vivre en harmonie avec les autres et à résoudre les conflits. Quelles sont les clés pour apprendre à son adolescent à avoir des relations de qualité avec son entourage ?
Bien communiquer ne va pas de soi, notamment à l’adolescence. Un jeune est par nature davantage dans l’opposition que dans l’entente généralisée avec les autres. De là naissent des conflits qui, quand ils ne sont pas bien gérés, peuvent polluer la relation. Avec ses parents qui lui mettent des limites et des interdictions qu’il n’accepte pas toujours, avec ses enseignants qui attendent de lui toujours plus d’efforts et de travail, et parfois avec ses amis, quand il s’agit de se positionner face à la pression du groupe. “Le désaccord fait partie des relations humaines, souligne Nathalie Anton, psychologue et enseignante, auteure du livre Le potentiel caché de votre ado. On a tous des besoins, des valeurs et des sentiments différents. C’est encore plus criant à l’adolescence, ce moment compliqué de définition de soi, où l’on sort de la tutelle de ses parents pour affirmer ses opinions et ses choix. Il faut préparer son enfant à développer des rapports de qualité avec les autres, et lui expliquer ce qui peut apaiser ou a contrario envenimer un désaccord. L’idée, c’est de faire du conflit quelque chose de constructif et de non dévastateur.”
Les bases de la communication non violente
À l’adolescence, communiquer en toute sérénité avec les autres n’est pas évident. C’est bien souvent sur un ton agressif que le jeune s’exprime : “Lâche-moi”, “Tu me soûles”, “Qu’est-ce que tu racontes ?”, “T’es sérieux ?” sont des constantes de son vocabulaire. Il est possible d’apprendre à son enfant une communication plus fluide et respectueuse, pour éviter qu’un malentendu ou un désaccord n’émerge, ne s’envenime et dégénère en conflit toxique. “Il faut expliquer à son enfant comment s’exprimer de manière assertive, c’est-à-dire de façon non violente mais avec conviction, recommande Nathalie Anton. Pour faire passer un message, résoudre un conflit, l’ado doit essayer de parler de lui, de s’en tenir au fait, tout en se mettant à la place de l’autre.” Le “tu” accusateur, qui engendre bien souvent une attitude défensive et une spirale négative, gagne à être remplacé par le “je”, qui apaise et aide à désamorcer le conflit. Le parent peut très bien revenir sur une situation vécue pour donner à son enfant une sorte de mode d’emploi. Par exemple, il peut lui expliquer qu’au lieu de dire : “Tu me soûles à ne jamais me laisser sortir”, le parent préfère entendre : “Quand tu m’interdis de sortir, je me sens infantilisé et fâché, car tous mes copains, eux, ont le droit, et j’ai besoin que tu me fasses davantage confiance. Est-ce qu’on pourrait en reparler et revoir les règles pour qu’elles nous conviennent à tous les deux ?” L’adolescent comprendra que ce mode de communication est beaucoup plus sain car il favorise l’écoute, l’échange, la discussion, la réflexion…
Bien se connaître et identifier ses émotions
Tous les ados n’ont pas le même caractère, ce qui influence grandement leur manière de communiquer, de se positionner, de résoudre les conflits. L’adolescent doit apprendre à se connaître pour pouvoir travailler en conscience sur certaines de ses réactions qui ne seraient pas appropriées. Ce n’est pas toujours facile car derrière certaines réactions, comme la colère, se cache souvent une émotion, comme par exemple une peur ou un sentiment d’injustice. “Il faut aider son enfant à identifier ses émotions et ses réactions liées à son caractère. Et aussi lui faire comprendre les conséquences d’une telle attitude, pour qu’il puisse modifier son comportement. Certains réagissent avec agressivité, ce qui peut générer des regrets chez eux et de l’injustice chez les autres. Les caractères passifs évitent le conflit, ne prennent pas leurs responsabilités, mais ils risquent d’en ressentir de la culpabilité car ils se disent qu’ils auraient dû agir. Avec le risque qu’un jour les émotions contenues explosent, et que la réaction soit à ce moment-là véritablement disproportionnée. Certains jeunes ont tendance à être soumis, ils veulent plaire alors ils mettent leurs émotions de côté. Avec pour résultat un sentiment de frustration et une baisse d’estime d’eux-mêmes.” “J’ai dû mal à m’affirmer face aux autres”, explique Clément, 15 ans. “Je veux éviter les conflits, j’ai peur que les autres soient fâchés contre moi, qu’ils me mettent à l’écart, qu’ils se moquent... Il m’arrive de dire oui alors que je pense non. Après je ne suis vraiment pas content de moi, et ça me met parfois dans des situations embarrassantes. Quand j’arrive à donner mon avis franchement, j’en suis toujours fier.” Il est important de rassurer son enfant sur le fait qu’exprimer ses sentiments n’est en aucun cas un signe de vulnérabilité, mais bien au contraire une preuve de courage, comme par exemple être capable de dire non !
Écouter activement
Bien écouter l’autre est capital pour une bonne communication. Cela permet d’éviter bon nombre de malentendus. “Un conflit est comme un iceberg, prévient la psychologue. Il y a toute une partie immergée de choses qui se sont accumulées et qui explosent à la première occasion. C’est souvent le résultat de propos mal entendus, de non-dits, ou encore d’interprétations.”
Stéphanie, mère d’Alice, 14 ans, explique : “Ma fille était invitée à une soirée par des amis plus âgés. Lorsque nous avons compris que la plupart des jeunes invités étaient des lycéens, et qu’il y aurait de l’alcool, nous n’avons pas voulu qu’elle y aille. La discussion a été houleuse, Alice nous reprochait de ne pas lui faire confiance. Nous sommes restés fermes, en lui expliquant que contrairement à ce qu’elle nous disait, on lui faisait confiance, mais que selon nous ce genre de soirées n’était pas adapté à son âge, et que cela risquait de la mettre dans une situation difficile. Elle a fini par comprendre qu’on cherchait à la protéger, et elle semblait même soulagée.” Il faut apprendre et montrer à son enfant comment écouter activement, ce qui n’est pas forcément évident. Pour bien écouter quelqu’un, il faut s’intéresser à lui, montrer son attention pour l’inciter à s’exprimer. En la matière, les ados sont rarement des exemples : les yeux rivés sur leur portable, écouteurs vissés dans les oreilles, ils sont plus enclins à abréger toute conversation qui excède plus de deux phrases, voire à interrompre sans vergogne leur interlocuteur. “C’est très compliqué de savoir écouter l’autre, prévient Nathalie Anton. Cela sous-entend d’être patient et calme pour pouvoir le laisser parler, de poser des questions ouvertes, d’essayer de reformuler – ce qui permet de voir qu’on a bien compris et encourage l’interlocuteur à poursuivre. A contrario, certaines attitudes peuvent décourager, comme l’ironie, le jugement, les généralisations ou encore l’exagération.” À éviter à tout prix sous peine de distendre voire rompre la communication.
La famille est le premier lieu où l’enfant pourra s’entraîner à communiquer avec sérénité. Pour ce faire, il faut accepter que ce dernier ait un avis différent, sans pour autant renier ses valeurs. L’enfant gagnera en confiance car il se sentira libre de s’exprimer, et osera se positionner et échanger sans se sentir jugé ni menacé.