et qu'il développe dans son dernier livre Mon utopie.
Né à Lyon 'par hasard'
Je suis à Lyon, mais tout à fait par hasard. J'y suis né quand mon père était fonctionnaire et qu'il allait de poste en poste. J'ai quitté la ville à l'âge de deux ans, je n'y ai jamais vécu. Maintenant, j'arrive à la Part-Dieu, je fais une conférence, je rencontre des gens et je repars le soir...
Abolir la propriété
Je ne pense pas à une abolition totale de la propriété mais à une façon d'enlever ce caractère définitif à l'appropriation des biens qui, au fond, est très invraisemblable. C'est pourquoi j'évoque comment les Hébreux remettaient les pendules de la richesse à zéro, tous les 50 ans.
Et aussi comment les musulmans ont un impôt sur la fortune de 3% par an. Ce qui énorme. Normalement ils doivent donner 3% de ce qu'ils possèdent ce qui fait qu'au bout de 30 ans, ils ont tout perdu. Ça me parait sain, en ce sens qu'il y a un excès dans l'appropriation qui aboutit à une accumulation.
Ce n'est pas dû à la méchanceté des gens mais tout simplement à une mécanique simple : plus on a d'argent, plus il est facile d'en gagner. Et moins on en a, moins c'est facile d'en gagner.
D'où l'appropriation d'un côté, l'appauvrissement de l'autre.
Planétarisons la fiscalité !
L'ISF devrait être beaucoup plus fort, multiplié, mais à condition que ce ne soit pas seulement en France mais un peu partout.
Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est qu'on prétend faire l'Europe mais qu'on n'a pas encore harmonisé les régimes fiscaux. Il faudrait commencer par là ! On le voit avec Johnny Hallyday et beaucoup d'autres. Les régimes fiscaux sont sources de déséquilibres.
Il faut d'ailleurs planétariser la plupart des choses, admettre enfin que l'humanité est une. Les systèmes sanitaires, éducatifs et fiscaux doivent être unifiés entre tous les pays.
Cette unification planétaire est peut-être ma principale utopie. A la fin de mon livre je propose de commencer par la santé. En disant : "tout malade est un malade sans frontières, tout médecin est un médecin sans frontières". Ne mettons pas de frontière quand il s'agit de soins. Le système sanitaire doit être planétarisé, organisé par un seul ministère des soins qui serait par exemple l'OMS à Genève. Il échapperait aux gouvernements locaux. Ce serait la première action d'un gouvernement planétaire.
Churchill, un grand communiste
Le mot communisme ne me fait pas peur. Ça veut dire : mise en commun. C'est le plus beau mot qui soit. Finalement, pour être véritablement humain, il faut être capable de rencontrer d'autres humains, donc de mettre en commun. Mais je crois à un communisme qui n'a rien à voir avec Staline, ni avec Lénine, ni avec le parti communiste actuel. Mais un peu avec Marx. Pour moi des meilleurs communiste ça été Winston Churchill quand il a décidé que le droit aux soins serait généré par le besoin de soins. C'était en 1942. Ça c'est du communisme ! A chacun selon ses besoins et non pas selon ses mérites. En France, d'ailleurs, le système de la sécurité sociale fonctionne plutôt bien.
Ne pas mettre l'éducation au service de la production !
L'école actuelle est malheureusement trop orientée vers la préparation de la vie active. L'objectif, c'est de construire des personnes. Mais actuellement, hélas, on entend le contraire. On met le système éducatif au service d'un système de production. L'école n'a pas à fournir aux patrons les employés dont ils ont besoin, ce n'est pas son rôle. Ce qu'on doit apprendre à l'école c'est à comprendre le monde, ce n'est pas à faire fortune avec cette compréhension. Ce qui compte, c'est le plaisir de comprendre. Les mathématiques que j'aime tant, c'est le plaisir de comprendre à l'état pur.
(A suivre)
Mon utopie par Albert Jacquard. Editions Stock.
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