Après le scandale de la viande de cheval et de mouton, le développement de la junk food dans les lycées et les collèges, une étude vient démontrer la présence d’insecticides perturbateurs endocriniens dans notre alimentation. Et particulièrement dans celle des enfants.
Quel est le point commun entre les spaghetti Panzani, les biscuits BN au blé complet fourrés à la fraise et Petit Déjeuner Belvita, les céréales complètes Chocapic et Spécial K3, les brioches Doowap aux pépites de chocolat, les croissants Pasquier, le pain de mie Harris et le pain complet Carrefour ? Réponse : ils contiennent tous des pesticides perturbateurs endocriniens.
C’est ce qui ressort de l’étude publiée, mercredi 20 mars, par l’ONG Générations futures. On savait – ou pour le moins on s’en doutait très fortement – que les sprays et lotions antipoux, les colliers pour chiens antipuces ou encore les produits antifourmis contenaient des produits chimiques.
Mais l’étude en question montre que les aliments de consommation courante sont eux aussi cafis d’insecticides.
L’ONG a fait analyser 12 produits alimentaires de consommation courante. Il s’agit de produits de grandes marques vendus dans la plupart des supermarchés français, quotidiennement consommés par les enfants et qui font partie de leurs aliments préférés, à savoir les “céréales” au sens large. L’enfant est donc susceptible de manger un de ces aliments à chaque repas, explique l’étude, à savoir : le matin au petit-déjeuner (céréales ou pain), le midi (pâtes alimentaires et/ou pain), au goûter (biscuits et/ou pain) et le soir (pâtes alimentaires et/ou pain).
Or, les enfants sont les plus vulnérables aux perturbateurs endocriniens, des substances pouvant interférer avec le fonctionnement hormonal et suspectées de jouer un rôle important dans l’augmentation d’incidence de nombreux troubles et pathologies.
8 aliments sur 12 contaminés
Les résultats sont sans appel : 75% des échantillons analysés contiennent des résidus de pesticides. Et, sur ces 75%, tous contiennent une ou plusieurs substances suspectées d’être perturbatrices du système endocrinien.
Il s’agit des biscuits BN blé complet fourrés à la fraise et Petit Déjeuner Belvita, des céréales complètes Chocapic et Spécial K3, du pain complet Carrefour, du pain de mie Harris, des spaghettis Panzani, des croissants Pasquier et des brioches Doowap aux pépites de chocolat.
Tous, sans exception, contiennent du pipéronyl butoxyde, à différentes doses (jusqu’à 0,23mg/kg pour les biscuits Petit Déjeuner Belvita), et 8 aliments sur 9 contiennent du pirimiphos-méthyl. Il s’agit d’“insecticides et de synergisants qu’on asperge sur les céréales stockées dans les silos pour lutter contre les charançons notamment”, explique Nadine Lauverjat, chargée de mission à Générations futures. En agriculture biologique – ce que l’étude omet de dire –, le pipéronyl butoxyde est également autorisé et utilisé, mais uniquement pour le nettoyage des lieux de stockage de céréales vides.
Les céréales montrées du doigt
La France reste le premier utilisateur de pesticides en Europe et le troisième au monde (62.700 tonnes vendues en 2011). La consommation de pesticides a augmenté de 2,6% depuis 2008, et ce malgré le lancement du plan Écophyto, la même année, qui vise à les réduire de moitié d’ici à 2018. 75% des pesticides et insecticides et 80% des fongicides utilisés le sont sur les céréales à paille (blé tendre et orge) et le colza.
Cette étude “ne prétend pas être parfaitement représentative de la consommation alimentaire française moyenne et ne prétend pas refléter exactement l’état moyen de la contamination par des substances chimiques des aliments à base de céréales vendus en France, déclare François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Mais elle permet de prendre clairement conscience de l’exposition ubiquitaire à des insecticides perturbateurs endocriniens. Il est urgent d’agir dès aujourd’hui pour réduire au maximum l’exposition du public à ces substances.”
L’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) ne tranche pas
C’est justement sous la pression du public, et plus particulièrement de la direction générale de la santé et des consommateurs de la Commission européenne, que le même jour (le 20 mars) l’EFSA a rendu public un rapport très attendu. Mais l’autorité européenne de sécurité des aliments ne tranche pas : “Il n’existe pas de critère scientifique spécifique défini pour distinguer les effets nocifs potentiels des perturbateurs endocriniens par rapport à une régulation normale des fonctions corporelles (appelées “réponses adaptatives”). Des experts doivent évaluer le poids des éléments probants disponibles au cas par cas.”
Il y a quelques semaines, pourtant, l’OMS publiait un rapport sur le sujet. L’Organisation mondiale de la santé venait de reconnaître que ces substances chimiques “pourraient avoir des conséquences non négligeables sur la santé”.