Les véhicules diesel les plus anciens pourraient être interdits de circuler dans Lyon dans les prochaines années.

Anneau des sciences de Lyon : ce point qui ne va plaire à personne

Le projet d'autoroute urbaine de l'anneau des sciences (ex TOP) est au cœur de la campagne électorale à Lyon. Si les questions écologiques, d'utilité ou de risques d'augmentation du trafic reviennent régulièrement, deux autres sont souvent oubliées : le financement et la présence d'un péage. Sur ce point, même les défenseurs de l'infrastructure censée boucler le périphérique pourraient déchanter.

Lyon 2035, Gérard Collomb inaugure l'autoroute urbaine de l'Anneau des sciences qui boucle le périphérique à l'ouest de Lyon. Le premier conducteur d'un SUV, il n'y a plus que ça, s'approche de l'échangeur de la Saulaie à Oullins. Au péage, il découvre le prix qu'il va devoir payer pour aller jusqu'à la Cité internationale. Il décide de faire demi-tour et passe par le périphérique à l'Est, lui gratuit.

Le précédent TEO

Contrairement aux apparences, ce petit exercice de prospective n'est pas de la science-fiction. Il se base même sur des événements qui ont déjà eu lieu à Lyon. En 1997, lorsque le périphérique nord a ouvert, les conducteurs devaient payer 16 francs (3 euros aujourd'hui avec l'inflation). Immédiatement, la polémique éclate : TEO est considéré comme hors de prix. Les Lyonnais le boycottent. La concession obtenue par Bouygues est largement critiquée. Des manifestations sont organisées et les barrières du péage sont levées.

En 1998, après un recours d’Étienne Tête, le Conseil d’État annule la concession : "qui ne respectait pas une directive européenne qui lui imposait des mesures de publicité avant la signature du contrat". Il retoque également la grille tarifaire du périphérique. Téo devient gratuit pendant un temps, puis Lyon rachète l’infrastructure à Bouygues pour deux-milliards de francs. Dans la foulée, la collectivité baisse le prix du péage qui passe à 12 francs (2 euros aujourd'hui avec l'inflation). 2020, le montant pour emprunter TEO est désormais de 2,20 euros.

Le sujet qui cristallise les débats

2,20 euros, c'est aussi le prix qu'annonce Gérard Collomb pour pouvoir prendre la future autoroute urbaine de l'Anneau des sciences. Le candidat à la métropole de Lyon défend ardemment ce projet qui cristallise les débats lors de cette campagne électorale.

Certains y voient un "crime contre le climat" (lire ici). D'autres s'interrogent sur son utilité. Ils s'inquiètent de voir le trafic automobile bondir sur l'agglomération à cause d'un effet "aspirateur à voitures". Demeure aussi la crainte que l'addition de cette initiative, destinée aux véhicules individuels, empêche toutes les autres, notamment celles envers les transports en commun.

En effet, le coût de l'Anneau des sciences est estimé entre 4 et 5 milliards d'euros, échelle basse. Peu de chance d'obtenir un financement de l'Union européenne, elle se détourne de ce type de projet. Même constat du côté de la France, avec un président Emmanuel Macron qui a été clair sur les infrastructures. En septembre, il écrivait : "si elles polluent, nous ne les fiancerons pas" (lire ici).

Comment financer l'Anneau des sciences ?

Dans ce contexte, l'investissement reposerait sur les seules épaules de la métropole de Lyon. Pour tenter de trouver une porte de sortie, Gérard Collomb propose d'avoir recours à la concession. Ainsi, l'Anneau des sciences nécessiterait une participation financière directe des utilisateurs (en plus de l'impôt). Le prix du péage annoncé serait donc proche de celui de TEO : 2,20 euros en 2020. Cela permettrait "un reste à charge pour la métropole entre 75 et 100 millions d'euros par an sur trente ans", selon Gérard Collomb (lire ici). Rares sont ceux qui croient à cette somme. Le président sortant David Kimelfeld avance de son côté un coût pour la métropole de 150 à 200 millions d'euros par an, soit le double des chiffres annoncés par Gérard Collomb.

Par ailleurs, niveau tempo, ce type de montage financier résonne étrangement à l'heure où la métropole de Lyon choisit de casser le contrat de concession Rhônexpress.  Cette dernière serait "dès son origine structurellement déséquilibrée, avec une durée excessive par rapport à l’engagement financier et la prise de risque, très faible, du concessionnaire", estime la Chambre régionale des comptes en 2019. Déjà en 2007, elle était sans équivoque : "le délégataire ne supporte aucune charge d'investissement (...) L'intégralité du coût de l'investissement est supportée par la collectivité". 

La question du risque financier

Or pour l'Anneau des sciences, c'est bien le même type de montage qui se préfigure. Les géants capables de suivre de tels projets veulent limiter les risques, bien plus que sur un "tout petit'" Rhônexpress. "À Lyon, une concession, ça signifie parfois payer deux fois le prix à la fin, ce n'est pas la bonne carte à jouer après les Gilets jaunes", grince un proche de Gérard Collomb. En janvier, l'élu villeurbannais, Damien Berthilier, se fendait d'un ultime discours sur TEO au conseil métropolitain. Il estimait que les Lyonnais avaient payé trois fois le périphérique nord : "par le péage, par leurs impôts et par leurs poumons".

Oullins / Cité internationale pour 4,40 voire 5 euros ?

Dans l'hypothèse peu probable, où le coût de la construction ne dérape pas, tout comme celui du péage, avec une "concession saine" et sans surprise lors du chantier, il faudrait donc payer 2,20 euros pour relier Oullins à Écully par l'Anneau des Sciences. Pour continuer jusqu'à la Cité internationale par l'Ouest, dans une situation semblable à aujourd'hui, le tarif serait donc de 4,40 euros. Avec l'inflation, d'ici 15 ans, atteindre la barre des cinq euros n'est pas à exclure.

Choisir un concessionnaire, c'est aussi le risque de ne pas obtenir de prix comprenant les deux portions réunies au sein du même péage. En effet, les gestionnaires de chaque route devraient accepter un effort financier. Entre les deux, on retrouve également l'échangeur du Valvert qui n'aide pas la création d'un parcours intégré (à moins d'avoir des dispositifs de lecture de plaque). Autre hypothèse, la métropole peut toujours rendre TEO gratuit. Mais là encore, il est peu probable qu'elle se prive de cette manne.

Un péage pour l'Anneau, un pour traverser Lyon

En parallèle, pour détourner une partie du trafic de l'A6 / A7 déclassée, Gérard Collomb plaide pour la création d'un péage de transit. Grâce à un réseau de caméras, ceux qui traversent Lyon sans s'arrêter devraient payer une somme forfaitaire. Ce concept ne règle pas la question des véhicules qui entrent dans la ville. De même, le gouvernement a mis fin à toutes possibilités de mettre en place de genre d'initiative. L'idée pourrait cependant revenir après les élections, ce qui dans le cas de Lyon soulève d'autres questions.

Pour décourager le transit et pousser les gens vers d'autres routes, ce péage de transit doit être plus cher que les autres. Dans la loi mobilité, la somme avancée pour les voitures était de 5 à 6 euros. Or, s'il faut payer 4,40 pour prendre l'Anneau des sciences, ou 5 euros pour traverser Lyon via l'A6 / A7 déclassées, les automobilistes auront intérêt à prendre l'infrastructure gratuite la plus proche : le périphérique à l'est. Par ailleurs, s'ils doivent rentrer dans Lyon, ils pourront toujours prendre l'autoroute déclassée sans être pénalisés. Payant contre gratuit, l'arbitrage est simple à comprendre, nombreux le font déjà.

L'Est future victime de l'Anneau ?

Enfin, les applications de navigation type Waze ou Google Maps pourraient encourager ces mêmes conducteurs à se détourner des routes à péages pour passer à l'Est. À cause des applications, des axes mineurs accueillent du trafic de transit dès aujourd'hui. Sur certaines communes, ils sont devenus des axes majeurs, alors qu'ils ne sont pas prévus pour cela. De fait, impossible de savoir quelles routes à l'est comme à l'ouest pourraient se transformer en "axes Waze".

Conséquence logique, l'Est pourrait bien être le grand perdant de l'Anneau des sciences. De plus, le trafic induit* à l'ouest pourrait entraîner une augmentation du trafic à l'est. Par essence, une personne qui habite à l'Ouest pourrait penser trouver son intérêt à aller à l'Est en voiture. Or, sans infrastructure de type "Anneau des sciences", elle n'aurait pas forcément fait ce trajet ni cet arbitrage.

Exclus par l’infrastructure, pénalisés par l’infrastructure

Les questions écologiques ou de l'utilité de l'Anneau des sciences ont monopolisé les débats depuis plusieurs mois. Néanmoins, les problématiques de financement et de péage ne sont pas à négliger. À terme, les plus fragiles pourraient se retrouver de facto exclus par l’infrastructure, pénalisés par l’infrastructure.

Si le financement de l'Anneau des sciences se faisait au détriment du développement des solutions alternatives et accessibles au plus grand nombre, y compris les revenus les plus faibles, alors les conséquences pourraient être de profondes ruptures de mobilité, mais aussi sociales.

 

*Trafic induit : C’est l’effet “aspirateur à voitures”. La nouvelle route attire des conducteurs qui l’auraient prise quoi qu’il arrive, mais aussi d’autres qui pensent qu’ils vont y gagner en temps et en confort, sur un trajet qu’ils n’auraient pas forcément fait en temps normal. Cela entraîne plus de trafic, plus de congestion et les points bloquants ne changent pas, alors que de nouveaux apparaissent.

Le trafic induit ne concerne pas que les voitures. Ainsi, quand les TCL remplacent un bus par un tramway, l’amélioration des conditions de circulation entraîne une hausse du nombre de passagers. On retrouve à l’intérieur les utilisateurs habituels de la ligne, et de nouveaux, attirés par les gains apportés.

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