“Non, faire travailler gratuitement les auteurs d’arts visuels n’est pas être respectueux de la loi”, s’insurge l’Union des syndicats et organisations professionnelles des arts visuels, dans la lettre ouverte qu’elle envoie aujourd’hui au maire de Lyon. La polémique a éclaté suite à un appel d’offres pour le CHRD la semaine passée (lire ici).
Lettre ouverte au maire de Lyon
“Monsieur le Sénateur-Maire,
“Vous n’êtes pas sans savoir que le caractère inique des appels d’offres destinés aux auteurs d’arts visuels régulièrement lancés par la Ville de Lyon fait aujourd’hui tristement événement. L’Union des syndicats et organisations professionnelles des arts visuels (USOPAV) est en effet alertée de façon récurrente sur les pratiques abusives de votre municipalité. Les professionnels que nous représentons sont aujourd’hui excédés. Aussi, de nombreux graphistes ont manifesté leur colère directement par mail en appelant les responsables à un respect des préconisations du ministère de la Culture (préconisations qu’il a été nécessaire de spécifier dans une circulaire tant les mauvaises pratiques au détriment des auteurs d’arts visuels sont courantes parmi les commanditaires publics).
“Interrogés par Lyon Capitale, au lieu de faire amende honorable, vos services ont cru bon de répondre à cette colère légitime par le cynisme et le mépris en alléguant qu’ils ne faisaient “qu’appliquer le Code des marchés publics” et que “le guide des bonnes pratiques conçu par le ministère de la Culture avec les professionnels ne se substitu[ait] pas au Code des marchés publics. La loi, c’est la loi…” Cette réponse est indigne.
“Non, Monsieur le Sénateur-Maire, faire travailler gratuitement des auteurs d’arts visuels n’est pas être respectueux de la loi, c’est en faire une interprétation fallacieuse et faillir aux principes fondamentaux de la commande publique, notamment ceux de la libre concurrence et de l’égalité de traitement des candidats. C’est faire fi non seulement de la circulaire du ministère de la Culture mais encore des préconisations de la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, qui spécifie clairement : “Seule une rémunération sérieuse des partenaires économiques garantit une véritable mise en concurrence. L’absence de versement de primes pourrait avoir pour effet de restreindre les marchés aux seuls candidats capables de supporter financièrement leur élaboration sans contrepartie. La prime permet à des petites structures d’accéder à la commande publique par la réduction des charges nécessaires à la réalisation d’une esquisse ou d’un projet. Elle est un des éléments garantissant l’efficacité de la commande publique par la préservation d’un marché concurrentiel. On prendra garde que la remise de ces échantillons, maquettes ou prototypes ne doit, en aucun cas, constituer un début d’exécution des prestations du marché”.
“Les “pistes créatives” que la Ville de Lyon demande sans cesse gratuitement aux auteurs d’arts visuels constituent incontestablement “un début d’exécution des prestations du marché”. Et si l’article 49 du Code des marchés publics mentionne “quel que soit le montant du marché, le pouvoir adjudicateur peut exiger que les offres soient accompagnées d’échantillons, de maquettes ou de prototypes concernant l’objet du marché”, il précise également que “lorsque ces demandes impliquent un investissement significatif pour les candidats, elles donnent lieu au versement d’une prime”.
“Dès lors qu’un travail spécifique pour le marché est demandé aux candidats, il s’agit sans conteste d’un “investissement significatif” qui doit donc donner lieu au versement d’une prime. Prétendre l’inverse relève de la mauvaise foi et d’un déni du travail des auteurs d’arts visuels auxquels la Ville de Lyon fait néanmoins régulièrement appel.
“En l’état, vos appels d’offres excluent sciemment les professionnels indépendants et les petites structures qui n’ont pas les moyens de travailler gratuitement. En l’état, vos appels d’offres violent la liberté d’accès à la commande publique, principe fondamental de l’article 1 du Code des marchés publics. Ces faits constituent un scandale qui ne saurait perdurer.
“C’est pourquoi, par la présente, l’USOPAV vous demande de reconnaître publiquement le caractère fautif des pratiques de vos services et de revoir sans délai les modalités des appels d’offres de la Ville de Lyon destinés aux auteurs d’arts visuels.
“Dans l’attente de votre réponse,
USOPAV”