Jérémy Paglia conteste son licenciement d’Amazon Saint-Priest aux prud’hommes. Crédit : C.Belsoeur / Lyon Capitale

Employé "modèle" chez Amazon Saint-Priest, il nous raconte pourquoi le géant de l'e-commerce l'a licencié

Lundi 17 janvier, une audience de conciliation au conseil de prud'hommes de Lyon se tenait entre les avocats d'Amazon et ceux d'un employé licencié pour avoir dénoncé les conditions de travail dans l'entrepôt de Saint-Priest du géant de l'e-commerce. Ce salarié s'est confié à Lyon Capitale.

Il est devenu malgré lui le symbole de la politique de management brutale imposée par Amazon à ses employés. À Saint-Priest dans la banlieue de Lyon, Jérémy Paglia était un salarié modèle. Au poste de scanneur, qui consiste à enregistrer les codes-barres de colis, il traitait jusqu'à 800 colis par heure quand Amazon fixait le seuil minimal autour de 300. Cette performance lui avait valu d'être élu employé "France" de l'enseigne pour l'année 2020.

Mais 2021 a pris une tournure différente pour ce trentenaire. Devant le bâtiment du conseil de prud'hommes de Lyon lundi 17 janvier, en attendant le dénouement de la conciliation qui se tenait entre son avocat et celui d'Amazon, Jérémy a raconté à Lyon Capitale comment les louanges de sa direction se sont soudainement transformées en reproches à mesure qu'il a commencé à défendre les droits de ses collègues. "J'ai laissé quatre messages sur la messagerie interne sur laquelle on nous invitait à partager nos remarques. Dans ces messages, je critiquais certaines conditions de travail. Les managers nous en demandaient beaucoup et plus on en faisait plus ils en voulaient".

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Bien que les managers incitaient les employés à faire remonter leurs remarques, les critiques de Jérémy ne sont pas passées. La direction l'a donc licencié en mai 2021 pour propos "calomnieux, insultants et provocateurs". "On m'a dit que j'étais un danger pour l'équipe". Avec l'aide du syndicat SUD Solidaires Commerces et Services, il conteste les raisons de son licenciement. "Il a respecté le droit du travail en dénonçant des conditions de travail. Il est important de faire la lumière sur les pratiques d'Amazon concernant les conditions de travail des salariés de cette entreprise", affirme Didier Goncalves, animateur syndical chez SUD.

Un rassemblement a été organisé par le syndicat SUD commerces et services pour soutenir le salarié licencié par Amazon Saint-Priest.

Une messagerie interne désormais vide

Lundi midi, la conciliation devant le conseil de prud'hommes a échoué et le dossier a été renvoyé. Malgré la brutalité de son licenciement, Jérémy espère toujours être réintégré chez Amazon Saint-Priest. C'est ce qu'il demande devant les prud'hommes. "Moi je suis prêt à y retourner. Il y a tous mes collègues et entre nous l'ambiance est bonne". Même si Amazon cherche à casser cette solidarité interne. "Après mon licenciement, j'ai reçu beaucoup de soutiens des collègues. Ils se sont rassemblés devant l'entrepôt pour me soutenir. Mais ceux qui ont manifesté ont ensuite été reçus pour des entretiens individuels. Je ne sais pas ce qui s'est dit, mais depuis plus personne ne parle sur la messagerie interne", ajoute t-il.

Didier Goncalves condamne les pratiques managériales d'Amazon. "Amazon demande à ses salariés de remplir des attestations nommées les CERFA, pour demander le licenciement d'autres salariés", dit le syndicaliste. Selon ce dernier, ces formulaires administratifs sont détournés de leur usage initial par Amazon pour servir à établir un faisceau d’indices susceptibles de faire pencher la balance en la défaveur d’un employé visé dans le cadre d’un licenciement.


"Si nous ne sommes pas vigilants, dans quelques années Amazon nous imposera des conditions à l'américaine"


En attendant la conclusion de son dossier, Jérémy est au chômage. Il vient de déménager à Pont-Evêque près de Vienne, "un déménagement prévu avant mon licenciement" précise t-il, et patiente. "Sans le syndicat, je serai tout seul chez moi sans aide et ça serait très dur. Là, je sais que j'ai du soutien. Je remercie énormément mon collègue syndicaliste qui m'a aidé à prendre un avocat et à monter un dossier". Du côté d'Amazon, c'est silence radio. L'avocat d'Amazon présent pour l'audience de conciliation au conseil des prud'hommes a refusé de commenter le litige en cours.

Un autre salarié attaque Amazon en justice

Un autre employé du dépôt de Saint-Priest est dans le collimateur de la direction. Il s'agit du salarié syndiqué qui a aidé Jérémy à monter son dossier. Mais c'est pour autre chose que Steeve N. est dans le viseur d'Amazon. Ce salarié accuse Amazon d'avoir enregistré des discussions entre lui et des employés qu'il conseillait dans le cadre de sa fonction de représentant syndical. Le syndicat SUD Solidaires Commerces et Services a porté plainte dans cette affaire. Il dénonce l'enregistrement et la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel. Selon le syndicat, la responsable des ressources humaines s’est même permis de tenter d’intimider le délégué en lui faisant savoir qu’elle détenait cet enregistrement. "Si nous ne sommes pas vigilants, dans quelques années Amazon nous imposera des conditions à l'américaine", avertit Didier Goncalves.

 

 

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