Il n'est pas question de se substituer à la justice, ni de prétendre détenir la vérité. Mais seulement d'entendre une autre version des faits, proche de la défense. Interview.
Quelles sont les conditions de détention d'Emilie Lelouch, des autres Français, des trois Tchadiens et du Soudanais ?
Les six Français sont dans deux cellules de 9m2, ce qui est déjà bien mieux que les autres prisonniers. Quant aux Tchadiens et au Soudanais emprisonnés, il y en aurait deux qu'ils n'auraient jamais rencontré. Ils ne les connaitraient même pas. Emilie Lelouch et les autres Français ont entamé une grève de la faim pour protester contre la procédure judiciaire. Ils ne sont pas d'accord avec les chefs d'inculpation retenus. Ils s'estiment innocents. Ce qui était à leur décharge n'a pas été pris en compte. Ils n'ont même pas pu faire appel des chefs d'inculpation car le juge était injoignable. Pourtant ce même juge a rejeté l'appel, alors justement qu'il ne l'a jamais reçu ! C'est une parodie de justice.
Les membres de l'Arche de Zoé ont-ils réellement cherché à savoir si les enfants venaient du Darfour et étaient orphelins ?
Ils ont joué la carte de la confiance avec les chefs de villages, car ils ne sont jamais allés chercher les enfants dans leurs villages comme on l'a entendu. Ce qui n'a jamais été dit, c'est que les enfants étaient pris en charge médicalement, et que nombre d'entre eux souffraient de malnutrition ou avaient contracté l'hépatite B. Certains ont été soignés puis ramenés dans leurs villages. Seuls les enfants qui avaient une attestation écrite certifiant leur statut d'orphelin et leur origine darfouri ont été emmenés à Abéché. Emilie posaient de nombreuses questions pour connaître l'histoire de ces enfants, et notamment les causes de décès des parents.
Qui était au courant de leur action ?
Tout le monde. Les autorités tchadiennes et françaises. Rama Yade a dit d'un côté qu'elle n'était pas au courant et d'un autre qu'elle a fait capoter l'action. Elle était au courant. Pourquoi, si elle condamnait cette action, ne l'a t-elle pas arrêtée avant ? Eric Bréteau avait été reçu pendant l'été par la Brigade des Mineurs. Il leur a expliqué qu'il s'agissait seulement d'un accueil d'urgence. Le but était de demander le statut de réfugiés de guerre pour ces enfants.
Mais toutes les familles étaient-elles dans l'optique d'un simple accueil d'urgence ?
254 des 257 familles, oui. On a rabâché le fait que des familles avaient porté plainte, mais elles ne sont que trois ! La PJ interroge les familles, actuellement celles du Rhône, pour leur demander quelles étaient leurs intentions. Toutes confirment qu'elles ne voulaient pas adopter.
Quel était l'objectif de l'Arche de Zoé ?
L'association était chargée de ramener des orphelins de guerre en France, pour ensuite passer le relais aux services sociaux. L'Arche de Zoé ne devait en aucun cas participer à l'adoption de ces enfants darfouris ! Toutes les familles sauf trois avaient compris que ces enfants pouvaient être amenés à rentrer chez eux un jour.
Les Français de l'Arche de Zoé ont-ils encore une chance d'être reconnus innocents ?
Ça me paraît difficile. Pourtant Emilie nous a écrit dans l'une de ses lettres que les vidéos tournées par Marie-Agnès Peleran* (journaliste de France 3 rapatriée en France) pourraient les disculper. Dans ces vidéos, on voit que les enfants leur étaient confiés avec des papiers justifiant qu'ils venaient du Darfour et qu'ils étaient orphelins. Mais France 3 garde cette vidéo, pour la diffuser en décembre dans l'émission 'Pièce à Conviction'. C'est limite criminel de ne pas donner cette vidéo à la justice. Ils vendent leurs âmes. Ils privilégient le scoop alors que des personnes sont en prison.
Mais les journalistes qui suivaient au quotidien l'association qualifient l'action de l'Arche de Zoé comme idéaliste ?
Quand on écoute les trois journalistes, on entend trois fois la même chose, presque à la virgule près. J'imagine qu'ils ont des pressions. Mais pourquoi les membres de l'Arche de Zoé auraient accepté d'être filmés si leur action était illégitime ? Ils ont toujours été transparents. On imagine mal une équipe de braqueurs demander à la télévision de les suivre !
Qu'en est-il des enfants aujourd'hui ?
Ils sont toujours à l'orphelinat d'Abéché. Ils n'ont pas été remis aux " familles " car il n'y a pas encore eu l'autorisation des autorités tchadiennes. Je pense que les témoignages des enfants retrouvant leurs familles ont été fabriqués. De même pour la manifestation anti-française. Il y avait dix personnes, tout a été monté. Les avocats français présents sur place à ce moment-là nous l'ont confirmé. Après le départ des journalistes, il n'y avait plus personne.
Que pouvez-vous faire aujourd'hui pour aider les six Français ?
On essaye de convaincre des députés et des sénateurs de demander une enquête parlementaire, pour connaître la responsabilité de l'Etat dans cette affaire.
Propos recueillis par Gaétan Mathieu
* Depuis lundi, Marie-Agnés Peleran est mise en examen pour " entrave au fonctionement de la justice ". Elle est présumée innocente. France 3 refuse de répondre aux questions des journalistes. La diffusion de Pièces à Conviction, prévue vendredi 21 décembre, a été dé-programmée. (N.D.L.R.)
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