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© Vincent Poillet

Arménie : la diaspora lyonnaise observe le soulèvement avec fierté

Un soulèvement populaire et sans précédent a poussé le Premier ministre arménien Serge Sarkissian a démissionner lundi 23 avril. Une "révolution de velours" pacifique et inattendue que la communauté arménienne de Lyon observe avec émerveillement et fierté.

C'est un soulèvement populaire sans précédent qui secoue l'Arménie depuis deux semaines. Le Premier ministre arménien Serge Sarkissian a présenté sa démission lundi 23 avril et le pays, dans l'attente d'un débouché politique, vit depuis dans une ferveur révolutionnaire.

"L’Arménie avait jusqu’à 2016 un régime présidentiel avec un président élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois", explique Arout Mardirossian, Directeur de la publication du journal France Arménie dont le siège se trouve à Lyon. "Sarkissian avait fait ses deux mandats et a fait une réforme constitutionnelle pour passer à un régime parlementaire. Son parti ayant remporté les législatives à cette réforme il a proposé d’être Premier ministre poursuivant ainsi au-delà de son mandat présidentiel. Ce choix politique a créé un profond trouble dans l’opinion publique arménienne qui a immédiatement commencé un certain nombre d’opérations de désobéissance civile sous l’égide de Nikol Pachinian, lui-même à la tête d’une coalition parlementaire ayant recueilli 9 % des suffrages aux législatives."

Les Arméniens restent néanmoins suspendus aux tractations politiques. Nikol Pachinian, qui était le seul candidat au poste de Premier ministre en remplacement de Mr Sarkissian, n'avait pas obtenu la confiance du parlement mardi dernier. "Il doit y avoir un nouveau vote le 8 mai. En attendant, Pachinian a accentué le mouvement en grève générale. Tous les soirs, il appelle à un rassemblement sur la place de la république", indique le journaliste de France Arménie.

"C’est une énorme fête"

"Tout le monde est dans la rue, la jeunesse chante et danse" témoigne Jacques Raffi Papazian, co-président du Centre National de la Mémoire Arménienne situé à Décines-Charpieu. C'est complètement par hasard qu'il s'est retrouvé au beau milieu de la "révolution de velours". "Je suis là dans le cadre de vacances, j’avais prévu des visites, mais les rues sont toutes bloquées, raconte le coprésident du CNAM, donc je me suis rendu place de la république. À distance on avait des craintes que ce soit tendu. Mais en réalité, c’est une énorme fête. Je peux même vous dire que j'ai vu des policiers danser avec les manifestants !"

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"Au début, on a été un petit peu incrédules. Raconte Raffi Krikorian, le président du Conseil de Coordination des organisations arméniennes de France qui connaît bien la diaspora lyonnaise. "On ne comprenait pas tellement, même si on connaissait très bien la situation sur place, les inégalités sociales, le manque de représentativité. Et au final, on a été agréablement surpris par cette incroyable impulsion de la jeunesse arménienne." Il salue également l'attitude du pouvoir en place et des forces de l'ordre qu'il juge responsable et mesurée. "Cette fois-ci l’Arménie n’est plus dans une simple transition démocratique, c’est bien la démocratie qui prévaut et c’est une leçon aux autres anciennes républiques soviétiques", lâche-t-il fièrement.

À 4 200 kilomètres de là, la communauté arménienne de Lyon pose un œil enthousiaste, mais surtout vigilant, sur la crise politique en cours. "Dans la diaspora, tout le monde est favorable au mouvement démocratique, assure Jacques Raffi Papazian. Mais on a tous cette crainte qu'il y ait des violences. On aimerait que les choses ne se terminent pas comme en Ukraine ou en Syrie. Pour l’instant, les choses se passent très bien, c'est vrai. Mais il y a énormément de monde dans la rue et la moindre étincelle pourrait embraser les choses."

"Nous ce que l'on peut faire, c'est être les passeurs"

"La diaspora n’est pas là pour donner des leçons, précise Raffi Krikorian. Mais on va essayer d’assurer la sécurité parce que l'on pèse un peu sur les institutionnels là-bas, on représente une voix qu’ils sont obligés d’entendre. Et surtout, on a un poids économique et culturel, le désenclavement de l’Arménie passe par la diaspora". Le Président du CCAF rappelle à ce titre le rôle particulier de la ville de Lyon vis-à-vis de l'Arménie et cite en exemple l’inauguration le 19 avril de la liaison aérienne Lyon-Erevan. "La région Auvergne-Rhône-Alpes représente quelque chose pour l’Arménie, son rayonnement est très concret", constate-t-il.

Les Arméniens de Lyon, même s'ils ne pourront pas prendre part à d'éventuelles législatives anticipées, comptent bien participer à l'écriture d'une nouvelle page d'histoire de leur pays. "Suite au vote de lundi, nous appelons à des élections législatives le plus rapidement possible, déclare Jacques Raffi Papazian . On soutient la jeunesse arménienne à 100%, notre souhait, c’est aussi que tout cela reste pacifique et que cela donne rapidement des débouchés politiques pour lutter contre l’oligarchie, la corruption et les inégalités."

Le président du CCAF abonde : "en tant que responsable associatif j'appelle au strict respect de la constitution. Je n’ai pas envie que les jeunes se fassent voler tous leurs espoirs. Nous, ce que l'on peut faire, c'est être les passeurs grâce à la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les Arméniens de là-bas doivent découvrir ce qu’il y a de l’autre côté du monde dans lequel ils vivaient jusqu’à présent."

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