De gauche à droite : Bernard Cluzeau, Kevin Rafiie, Agnès Ménard et Jacques Cavezzan. (@NB)

"Arrêter, ce serait leur donner raison" : au Tonkin, le centre social répond à sa manière à la violence et au trafic

Alors que le quartier du Tonkin à Villeurbanne est confronté épisodiquement à des faits de violence et quotidiennement au trafic de drogues, le centre social du quartier constate un élan de solidarité entre les familles. Et intensifie même son action sociale.

Près de deux mois après une succession de fusillades, sur fond de trafic de drogues, au Tonkin à Villeurbanne, le quartier semble avoir retrouvé sa quiétude habituelle. Quelques jours plus tôt, une brigade de police dédiée à la lutte contre le trafic de drogue avait été installée par l'ancien ministre délégué chargé de la Sécurité au quotidien, Nicolas Daragon. Objectifs : "Être au contact des habitants" et "évacuer tous les points chauds".

Dans ce climat anxiogène, alimenté par des faits divers épisodiques mais parfois répétitifs, la vie doit pourtant suivre son cours. Notamment pour les habitants, touchés, inquiets, mais pas résignés. C'est en tout cas le message qui ressort du centre social et culturel Charpennes-Tonkin, un lieu ressourçant pour une partie d'entre-eux. Un lieu, aussi, qui a décidé de se confronter à cette réalité et de ne pas s'abaisser devant la violence et l'essor du trafic de stupéfiants.

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"Certes, il y a eu cinq ou six événements marquants sur le quartier cette année, qualifiés de violents. Mais au quotidien, dans les déplacements et les échanges avec les habitants, on ne ressent pas cette montée de la violence, balaie d'emblée Agnès Ménard, sa directrice. Au centre social, plus précisément, non plus. On constate plutôt l'inverse, avec beaucoup de liens de solidarité et d'entraide entre les habitants."

Une vigilance accrue de manière épisodique

De l'accueil en crèche jusqu'aux activités à destination des seniors, plus de 1 400 adhérents sont recensés au centre social. En ce qui concerne l'accueil de loisirs, seules deux familles sur une centaine se sont désinscrit cette année, ce qui est "extrêmement minime" selon la directrice. Preuve, selon elle, que chacun s'y sent en sécurité. "Dans le quartier, on voit la police. Elle n'était pas aussi présente il y a plusieurs années", apaise le co-président du centre, Bernard Cluzeau.

Ce qui est de nature à rassurer, même si l'enceinte n'a jamais été prise pour cible et que le trafic de stupéfiants reste très dispersé dans ce quartier de 26 000 habitants tout de même. Les acteurs sociaux peuvent aussi compter sur le soutien de collectifs, dont Tonkin Paisible. Tous les vendredis soir, ses bénévoles nettoient les rues du quartier et abordent les dealers.

De son côté, le central social Charpennes-Tonkin "a fait le choix que toutes les activités soient maintenues. On a pris des précautions parfois pour assurer plus de sécurité et renforcer l'encadrement, raconte Agnès Ménard. Notamment quand on déplace un groupe de 30 enfants le lendemain d'un événement marquant. Après les soirées que nous mettons en place, on peut aussi travailler sur des retours en groupes". Kevin Rafiie, l'un des 18 membres du conseil d'administration et bénévole, ajoute : "Des fois, oui, on est plus vigilants. Surtout le soir. Mais arrêter, ce serait leur donner raison".

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Débats, activités, accompagnement...

D'autant que les faits d'incivilité sont peu nombreux au sein-même du centre social eu autour de l'enceinte. Pour l'actuelle directrice, qui a autrefois connu le centre social de Mermoz dans le 8e arrondissement de Lyon, la situation n'a rien à voir : "Il fallait que j'y aille pour leur dire d'arrêter car les petits de la crèche dormaient. Ici, il n'y a pas ça, hormis des excès de vitesse de voitures..."

Quant aux événements marquants des mois derniers, évidemment, ils reviennent au cœur des discussions entre les acteurs sociaux et les familles du quartier, notamment les mères. "On entend des craintes, celle de la balle perdue qui revient souvent, mais aussi pour leurs enfants et leur avenir", partage Agnès Ménard. Un enjeu de taille qui se traduit par la mise en place de nombreuses actions liées à ces questions d'éducation et de scolarité.



À travers des débats organisés avec les jeunes, des temps de loisirs, des accompagnements pour monter des projets solidaires, de l'aide à la scolarité ou encore un travail sur le bénévolat. Pour Agnès Ménard, il s'agit de mener une réflexion avec eux : "Comment peuvent-ils prendre une place au sein de leur quartier et avoir une voix qui porte ?"

Pour autant, les acteurs du centre social et des associations sportives partenaires, dont fait partie Jacques Cavezzan, président de l'association sportive des Tigers, restent humbles sur leur action. "Si notre travail permet à certains jeunes de ne pas déraper ? On n'a pas forcément conscience de quelle manière notre action va les impacter", partagent les bénévoles.

S'adapter aux publics plutôt qu'à l'environnement extérieur

"En tout cas, c'est vraiment une minorité, la très grande majorité a une vie autre. Mais certainement que, quand on permet à des enfants d'avoir des vacances et des loisirs, ça impacte", souligne Agnès Ménard. Un travail de longue haleine mené par les acteurs sociaux, notamment les bénévoles, dans les quartiers de manière générale. Avec la particularité au Tonkin de ne pas s'adapter aux événements extérieurs. "Ce qu'on met en place, c'est inhérent au centre social, ça a toujours été comme cela. C'est la politique, et non le souhait de contrebalancer", maintient Kevin Rafiie.

À défaut de s'adapter à l'environnement extérieur, le centre social Charpennes-Tonkin s'adapte à ses publics. Concrètement, un projet de réflexion est mené pour soutenir les parents "fatigués, peut-être exacerbés par la crainte que leur enfant tourne mal ici. On a des mères de famille épuisées, qui se posent beaucoup de questions". Auxquelles le centre social répond par son engagement sans faille, quel que soit le contexte dans son quartier du Tonkin.

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