Premier et unique maître d’art en horlogerie de France, François Simon-Fustier a non seulement atteint l’excellence dans son domaine, mais il est aussi en train de le révolutionner. De la restauration des plus belles horloges du monde à la création d’une archive numérique internationale de l’horlogerie en passant par la formation d’apprentis, l’horloger de la Croix-Rousse est devenu la référence de l’horlogerie ancienne.
Inspiré des trésors nationaux vivants japonais, le titre de “maître d’art” est décerné à vie par l’État français à “des femmes et des hommes de passion, pour la singularité de leur savoir-faire, leur parcours exceptionnel et leur implication dans le renouvellement des métiers d’art”. Cette année, la promotion des artisans distingués a accueilli une nouvelle discipline : l’horlogerie, amenée par celui qui est désormais le seul maître d’art horloger en France, le Lyonnais François Simon-Fustier. Dans son atelier de Caluire, il a fait de la restauration et de la réparation d’horloges et pendules anciennes une spécialité, aiguisée au fil d’une longue carrière d’artisan et de formateur. Entre deux interventions sur des horloges mythiques du monde entier, François Simon-Fustier a en effet formé quinze apprentis en seulement treize ans et est en train de révolutionner sa discipline en utilisant la 3D. Avec l’un de ses apprentis, il s’est en effet lancé dans la confection d’une bibliothèque numérique de l’horlogerie ancienne qui pourrait bien devenir une référence pour le métier dans le monde entier.
“Je pars faire mon expérience de la vie”
S’il officie depuis plus de vingt-deux ans dans la région lyonnaise, “l’horloger de la Croix-Rousse” a rencontré l’horlogerie il y a bien plus longtemps. “Quand j’étais jeune, la situation était compliquée à la maison avec mes parents. Un jour, je suis parti, sur un coup de tête. J’ai fugué, comme dans les films, par la fenêtre en laissant pendre mes draps. Je n’ai laissé qu’un mot sur la table : “Je pars faire mon expérience de la vie””, se souvient François Simon-Fustier. Le jeune homme met alors le cap sur Paris, puis décide un peu par hasard de suivre la tradition familiale et d’apprendre l’horlogerie. Il commence sa vie professionnelle dans une grande entreprise d’horloges numériques. C’est le décès de son père qui va le ramener à l’artisanat d’art. “Au bout d’un certain nombre de week-ends à trier les outils de papa dans son atelier, ma femme m’a fait remarquer que j’y passais vraiment beaucoup de temps… Alors j’ai créé mon propre atelier”, explique le maître d’art, qui met sur pied ce qui fera sa patte : pas de boutique, pas d’horaires d’ouverture et une prestation d’excellence.
Son dernier chantier : 25 tonnes de mécanismes datant de 1730
Vingt ans plus tard, François Simon-Fustier est fier de ce qu’il a accompli. “J’ai validé tout ce que je voulais valider. Je me suis comparé à tout ce qui existait et j’ai passé tous les concours (…) J’ai travaillé sur l’horloge du château de Vaux-le-Vicomte, une horloge d’édifice avec quinze mètres de câble et vingt de tringlerie. En ce moment, je m’occupe des deux plus grosses horloges carillons du monde : vingt-cinq tonnes de mécanismes datant de 1730.”
Outre la qualité de son travail – et de celui de ses apprentis –, François Simon-Fustier est particulièrement fier de ses méthodes innovantes et de son projet de bibliothèque numérique. Car, pour la majorité des horloges anciennes, il n’existe aucune documentation technique. Chaque restauration, chaque réparation commence donc par un fin travail d’analyse de la structure et du fonctionnement de l’objet afin d’en comprendre les rouages. Une étape longue et fastidieuse, que la rencontre entre le maître d’art et l’un de ses jeunes apprentis, a transformée. “J’ai recruté Sébastien qui avait des compétences en informatique, il m’a fait découvrir des logiciels de modélisation 3D et m’a convaincu qu’on pourrait en faire quelque chose de vraiment utile dans notre métier.” Grâce à ces outils, chaque mécanisme est recréé, inventorié et testé sur ordinateur et participe à la formation d’une véritable bible de l’horlogerie ancienne. Un projet auquel le maître d’art est particulièrement attaché puisque c’est désormais la transmission de son savoir-faire qui le motive plus que tout. “Je suis arrivé en haut de la montagne ! Maintenant, je vais pouvoir aider un maximum de gens à grimper…”
La technique et l’émotion
Pour en arriver à un tel degré d’excellence, François Simon-Fustier s’est laissé conduire par sa passion. Celle de la technique bien sûr, mais aussi et surtout celle de l’émotion que dégage la relation entre une pièce unique et son propriétaire. “Quand je vois une cliente qui verse une larme après qu’on a réparé la pendule de son Charles décédé, je pleure aussi ! C’est ça qui m’anime”, s’émeut l’artisan, pour qui la relation avec les clients est tout sauf un détail. “J’ai besoin d’avoir un bon contact avec les gens. Je dois arriver à leur faire comprendre qu’une horloge ancienne ne fonctionnera jamais comme une montre de précision suisse ! Ça m’est arrivé de refuser des clients parce que je n’avais pas le bon feeling, confie-t-il. Il faut que les gens comprennent qu’ils ne sont pas propriétaires de l’horloge. Ils sont des détenteurs provisoires d’un bout d’histoire, ils sont des passeurs.”
Malgré tous ses succès, l’horloger de la Croix-Rousse ne compte pas s’arrêter là. Avec Robin, l’apprenti qui reprendra un jour l’atelier, il a décidé de monter un projet pour que “la légitimité du titre de maître d’art soit définitivement indiscutable”. Le binôme est en train de reconstruire une horloge mythique, celle de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Comme si le challenge n’était pas à la hauteur, ils ont décidé que chacun des trois mécanismes qui composeront cette pièce unique sera produit avec des techniques et des matériaux d’époque. Le premier mécanisme témoignera ainsi de l’horlogerie du XVIIIe, le deuxième de celle du XIXe et le dernier de celles du XXe et du XXIe siècles. Une création unique en son genre, que François Simon-Fustier espère voir un jour exposée dans un musée.
CARTE D’IDENTITÉ