Dimanche 28 septembre, en fin d'après-midi, à la maison d'arrêt de Varces (Isère), un détenu de 29 ans a été abattu par balles, par un tueur posté à l'extérieur, alors qu'il effectuait la dernière promenade de la journée dans la cour de la prison. Sghaïr Lamiri écopait d'une peine de huit ans de prison pour sept vols à main armée commis entre 2001 et 2002. Il y a quelques mois, ce petit grenoblois d'1,55 mètres mais au CV long comme le bras, avait été entendu par les policiers lyonnais sur sa participation aux réglements de comptes sanglants qui défraient la chronique à Grenoble depuis plus d'un an et demi. En toile de fond : le contrôle du trafic de stupéfiants de l'agglomération grenobloise. Faute de preuves, l'homme avait été acquitté. Mais les enquêteurs n'en n'avaient pas fini avec lui et le soupçonnaient d'être impliqué dans une autre affaire d'assassinat. Son frère, Lassad, trafiquant notoire, avait été tué par balles le 13 janvier février 2003. L'acquittement, en février 2007, des supposés tueurs avait alors été suivie d'une guerre des gangs, mortelle pour une dizaine de jeunes de bandes rivales.
" Dans une maison d'arrêt, on n'est pas censé avoir des détenus de ce pedigree "
Ce dimanche 28 septembre, aux environs de 16h45, Sghaïr Lamiri tombe dans la cour de promenade de la maison d'arrêt. Tué net. Un autre détenu en attente de jugement pour trafic de stups, Nourredine Agaguena selon Le Dauphiné Libéré, voulant porter secours à son " ami " est touché à la main. Selon un surveillant de Varces qui connaissait la victime, " il y a de fortes chances pour que Sghaïr Lamiri ait un contrat sur la tête ", s'interrogeant même sur le fait que l'homme blessé à la main n'ait pas été lui aussi abattu puisque " fortement impliqué dans un réseau de drogue ". Le sniper, un homme de 58 ans, a été arrêté dans la forêt, sur la colline surplombant la prison, d'où il a tiré au fusil à lunettes. Les surveillants, " choqués ", dénoncent le problème de la colline depuis des années. " On a des projections de drogues, de téléphones portables, de pinces coupantes pour couper les grillages ou de couteaux régulièrement " explique Gaël Girault, surveillant et trésorier de l'UFAP de Varces (Union fédérale autonome pénitentiaire).Pour Jean-Jacques Bellet, le maire de la commune de Varces, " dans une maison d'arrêt, on n'est pas censé avoir des détenus de ce pedigree. Il faisait partie d'une des deux bandes rivales qui s'entretuent pour contrôler le territoire du cannabis. Il ne devrait pas y avoir de délinquants fichés au grand banditisme". Et de confirmer que de la colline, la vue plongeante sur la prison est très " visible ". En fait, l'autre versant de la colline arborée est habitée. Plusieurs routes les desservent, et de nombreux promeneurs, vététistes, se baladent dans le coin régulièrement. En même temps, on ne peut pas interdire la circulation sur la colline. A moins que l'Etat ne la rachète. " D'accord, mais à ce moment, il faudra mettre des gardiens et la déboiser. Et là, ni les écolos, ni moi d'ailleurs, ne laisseront faire ".
" On marchait le long du mur d'enceinte " (un ancien détenu de Varces)
Michel Papet, ancien voyou lyonnais, aujourd'hui rangé* des affaires, connaît bien la maison d'arrêt de Varces pour y avoir passé quelques mois. " Varces, j'y suis rentré quelques mois au milieu des années 80. Je me rappelle, il y avait aussi les frères Maldera (ndlr : considérés comme les ex- parrains de Grenoble). On avait appris qu'un type qui avait bien " balancé " allait être incarcéré à Varces. On se doutait qu'il allait se faire taper (ndlr : tuer). Du coup, on marchait en rang d'oignons le long du mur d'enceinte car on savait que de la colline, en face, un bon tireur pouvait facilement dégommer un mec dans la cour. Sur cette affaire, je ne comprends pas comment le tireur s'est fait arrêter : c'est vraiment simple, on a une vue dégagée sur toute la cour et avec une trial, on s'enfuit facilement ".
Rachida Dati, la ministre de la Justice, venue sur place dimanche tard dans la soirée, a annoncé une série de mesures pour améliorer la sécurité de la maison d'arrêt de Varces, notamment l'installation de caméras de surveillance au-delà des murs, qui seront aussi surélevés. En attendant, à Grenoble, tout le monde est crispé. La tension est palpable en prison, comme dans les quartiers. La guerre des gangs a, semble-t-il, franchi une nouvelle étape, inédite en France, dans sa quête de pouvoir et de contrôle des territoires.
*joué par François Cluzet dans Les Liens du Sang. Auteur, de J'ai tué, j'ai payé (Ed. Des Traboules).
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