Vendredi 1er octobre, une audience au tribunal judiciaire doit statuer sur le sort du squat de la rue Denfert-Rochereau à Lyon (4e). Une ancienne bâtisse, propriété d'ICF Habitat, accueille depuis fin juin une quarantaine de jeunes migrants. Ni vraiment majeurs, ni vraiment mineurs, ils sont en recours devant le juge des enfants pour espérer être pris en charge par la Métropole de Lyon.
Dans la cour du Chemineur, le calme règne. Un ballon traîne au sol. Un vieux van, aux pneus dégonflés, porte une banderole : "Des cheminots aux chemineurs". Les "chemineurs" ce sont de jeunes migrants, qui habitent la maison. Comme tous les matins, ils sont au Secours Populaire, pour des cours de maths et de français. Dans les chambres, quelques uns se reposent, dans le noir. Car le bâtiment n'a pas d'électricité.
Fin juin, le collectif soutiens/migrants Croix-Rousse a installé une quarantaine de jeunes exilés dans cette bâtisse, près de Hénon. Ils disent être mineurs, mais la Métropole de Lyon ne les a pas reconnus comme tels. Sinon, elle aurait dû les prendre en charge. La plupart a entamé une procédure devant le juge des enfants pour voir leur minorité reconnue. Début juillet, Lyon Capitale les avait rencontrés alors qu'ils venaient de s'installer.
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Depuis, certains ont quitté Lyon, d'autres ont été reconnus mineurs. Mais pour ceux qui restent, la situation n'a pas changé. Pire : le Chemineur, plein à craquer, doit refuser les nouveaux arrivants, qui finissent par dormir à la rue.
Le squat devant la justice
Vendredi 1er octobre, un procès va déterminer si le squat doit être expulsé, et quand. Onze jeunes vont représenter le Chemineur, aux côtés d'associations comme la Ligue des droits de l'homme ou l'association lyonnaise Coordination Urgence Migrants. Car les jeunes se sont installés dans une propriété inhabitée d'ICF Habitat.
Le bailleur social de la SNCF porte un projet de logements sociaux sur cette parcelle et va débuter une démolition des bâtiments alentours. "On échange avec le collectif sur leur situation et sur l'entretien du bâtiment. On est heureux d'avoir ce dialogue", affirme Jérôme Orelu, directeur clientèle à ICF Habitat. "On attend l'audience pour savoir à quoi s'en tenir. On aimerait pouvoir lancer notre projet de logements sociaux, parce que des gens sont en demande", poursuit-il.
"On ne veut pas bloquer le projet de logements sociaux. On aimerait que tous les jeunes soient relogés et pris en charge par la Métropole, mais en attendant on a pas d'autre solution que le Chemineur", reconnaît Sébastien, un membre du collectif soutiens/migrants Croix-Rousse.
Le 23 juillet, une première audience s'était tenue devant le tribunal, et l'affaire avait été renvoyée au 1er octobre. Les avocates des associations et des soutiens du squat l'avaient demandé le temps d'obtenir l'aide juridique pour les jeunes occupants et pour préparer leurs éléments de défense.
Du côté du collectif, c'est l'embarras. "On ne veut pas bloquer le projet de logements sociaux", reconnaît Sébastien, un membre du collectif. "On aimerait que tous les jeunes soient relogés et pris en charge par la Métropole, mais en attendant on a pas d'autre solution que le Chemineur", explique-t-il. La juge pourrait décider de l'expulsion du squat mais donner un délai supplémentaire, avec une date d'expulsion plus ou moins lointaine. Le militant espère que dans ce cas de figure, un accord pourrait être trouvé pour remettre l'électricité.
Des conditions de vie difficiles
La vie dans le squat est bien réglée. Sur la porte, un emploi du temps récapitule les différents moments de la journée : cours de français, moment des douches, heure de coucher... Dans un classeur, un planning prévoit les tours de vaisselle. Une grosse batterie trône sur une table de la cour, pour recharger les téléphones.
"Tous les jours on va Secours Populaire pour apprendre, des fois on fait du sport et parfois des personnes de la Croix-Rouge viennent pour faire des activités", explique Souleymane*, qui dit avoir 15 ans. Venu de Côte d'Ivoire, il n'a pas vraiment choisi de venir en France. Il a été emmené par un adulte qui s'occupait de lui, dont il a été séparé en Libye. "On est pas tellement bien ici. On a une maison quand même mais il n'y a pas d'électricité. Il fait froid la nuit", explique le jeune qui voudrait être peintre ou électricien.
"Je veux qu'on confirme que je suis mineur et déménager. Ici, il va faire de plus en plus froid et ça va être pire", s'alarme Moussa*, jeune Malien habitant du Chemineur.
"Je me sentais très mal, je ne m'attendais pas à ça". Moussa*, 16 ans, se souvient de ses premières journées à Lyon il y a trois mois. Accueilli par l'association Forum-Réfugiés qui devait estimer s'il est mineur ou non, il a finalement été mis à la rue quatre jours plus tard, car estimé majeur. Après quelques heures d'errance, il finit par atterrir au Chemineur. "Je veux qu'on confirme que je suis mineur et déménager. Ici, il va faire de plus en plus froid et ça va être pire", s'alarme le jeune Malien. "Il faut nous aider", lance-t-il, en entrant à nouveau dans la maison.
Le squat ou la rue
Plus loin dans le 4ème arrondissement, une série de tente est alignée contre un mur à la Montée de la Grande Côte. Là, dorment de jeunes exilés, non-reconnus mineurs par la Métropole. Une cabine de toilettes est installée dans un coin du petit parc, seule installation sanitaire dont ils bénéficient. Quelques mois ou semaines auparavant, ils se sont présentés au Chemineur mais n'ont pu y trouver une place. Ils sont repartis avec une tente et un duvet.
Adama* émerge de l'une des tentes, il dit avoir 16 ans et venir de Gambie. Bien qu'il soit anglophone, il réussit à rire et discuter avec ses compagnons d'infortune, eux francophones. Il devient plus grave alors qu'il témoigne de sa vie depuis son arrivée en France.
"On ne peut même pas se doucher ni recharger notre téléphone. J'ai toujours voulu venir en France et à Lyon. Je pensais qu'on aurait de bonnes conditions de vie, qu'on pourrait étudier, pas qu'on dormirait dans la rue", s'insurge-t-il. Il espère pouvoir voir une avocate bientôt et récupérer ses papiers d'identité, nécessaires pour faire un recours auprès du juge.
"Depuis début août on donne une tente et un duvet à ceux qui se présentent au Chemineur", explique Sébastien. Avec quarante jeunes, le squat est déjà plein. Les membres du collectif notent le nom et le numéro de tous les jeunes qui se présentent, et procèdent par ordre d'arrivée. Si une place se libère, ils pourront quitter leur tente et venir au Chemineur.
Au niveau politique, le statu quo
À Lyon, il existe un lieu créé par la Métropole pour ces jeunes ni vraiment majeur, ni vraiment mineur : La Station. Elle comporte 52 places d'hébergement, avec une équipe d'éducateurs. À la sortie, 80% des jeunes qui font un recours sont reconnus mineurs et sont officiellement pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Un chiffre confirmé par la Métropole.
Les collectifs et associations qui aident les jeunes du Chemineur demandent la création d'autres lieux semblables. "On estime qu'il faudrait environ 150 à 200 places supplémentaires pour gérer le flux d'arrivée de mineurs", rapporte Sébastien. Mais avant tout, il souhaiterait que la méthode d'évaluation de la minorité soit changée. L'enjeu est de prendre plus de temps pour obtenir des documents officiels, difficiles à se procurer à cause de ruptures familiales ou de l'administration aléatoire des pays d'origine. "Quand les jeunes sont suivis et aidés, ils sont majoritairement reconnus mineurs", conclut-il.
"On estime qu'il faudrait environ 150 à 200 places d'hébergement supplémentaires pour gérer le flux d'arrivée de mineurs", affirme Sébastien, membre du collectif soutiens/migrants Croix-Rousse.
Aujourd'hui 117 jeunes sont suivi par le collectif et les associations. Mais d'autres sont dans la Métropole de Lyon et passent sous les radars. Face à l'urgence de loger ces jeunes à la rue, la Ville de Lyon était sortie de ses prérogatives en juin dernier, en proposant deux lieux d'hébergement.
En juin dernier, Renaud Payre, vice-président de la Métropole au Logement, affirmait qu'un nouveau lieu semblable à la Station pourrait ouvrir en fin d'année, en lien avec la préfecture. Contactée, la préfecture assure que "les discussions sont encore en cours", mais précise que "les mineurs non-accompagnés sont du ressort de la Métropole de Lyon jusqu'à ce qu'un jugement désigne leur majorité ou leur minorité". Contactée, la Métropole de Lyon n'a pu nous répondre à l'heure de la publication de cet article.
Commentaires ?
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La photo de l'immeuble ne correspond pas à celui qui est en travaux pas ICF rue Denfert-Rochereau Lyon 4°.
La photo présentée est tout à fait conforme au bâtiment concerné. Difficile de faire une photo des bâtiments qui seraient en cours travaux à cette adresse par ICF puisque, à ce jour, les travaux n'ont démarré dans aucun des trois bâtiments et qu'il y a encore au moins un locataire dans un des bâtiments...
Pourquoi cet article n'apparait-il pas clairement sur le site ... même quand on est abonné ? Bizarre.
Il s'agit pourtant d'une bonne présentation de la situation actuelle... avec une mise à jour qui pourrait préciser que l'audience du 1er Octobre au Tribunal Judiciaire a convenu de mettre en délibéré jusqu'au 5 novembre la décision du Tribunal.