Le Centre européen des consommateurs France a informé la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de nombreuses réclamations concernant la marque de cosmétiques Leuxia. Ces internautes - dont certains habitent dans la région Auvergne-Rhône-Alpes - pensaient tester un produit de beauté à petit prix, ils ont découvert leurs comptes débités de plusieurs centaines d’euros et une crème aux effets incertains.
Depuis début 2017, c’est plus d’une cinquantaine de plaintes à l’échelle nationale concernant les abonnements cachés qui ont été répertoriés par le Centre européen des consommateurs France. Une recrudescence par rapport à 2015, où, à titre de comparaison une centaine de réclamations ont été collectées tout au long de l’année. Si bien que Ralph Roggenbuck, le juriste de la CECF, chargé de la question, admet que “les gens ne vont pas forcément porter plainte pour des sommes de 70 à 90 euros”, et laisse supposer que les cas d’arnaques seraient beaucoup plus nombreux.
L’offre peut paraître alléchante : pour des frais de port de 3,90 à 5,90 euros, le consommateur se voit proposer une lotion cosmétique d’essai de la marque Leuxia. Mais derrière cette proposition se tapit une arnaque. Cachée dans les conditions d’utilisation, une clause stipule que le client souscrit un abonnement mensuel variant de 60,90 à 99,90 euros.
Des clients débités de 90 à 850 euros
Le 30 décembre 2016, Lonnie se plaignait sur le site Kosmetic des produits commandés : “ils m’ont prélevé presque 200 euros pour les deux crèmes Leuxia et Mastique”. Un témoignage qui fait écho à ceux de ses camarades d’infortune : chacun s’est vu débiter en moyenne de 90 à 350 euros avant de réussir à rompre l’abonnement, voire 850 euros dans le cas le plus grave.
Car se rétracter de cet abonnement est un chemin de croix pour les consommateurs abusés : appeler le numéro du service après-vente ne suffit pas toujours à se faire rembourser les sommes prélevées. Il faut insister auprès de sa banque, par mail auprès de la marque, voire menacer de déposer plainte pour obtenir parfois seulement la moitié d’un remboursement. De guerre lasse, beaucoup d’internautes préfèrent arrêter les frais en se satisfaisant d’avoir résilié l’abonnement.
Quant à l’efficacité du produit, Lisa du forum Kosmetic affirme "ces crèmes [lui] brûlaient le visage (...), j’avais des picotements permanents aux endroits où les crèmes étaient appliquées”. Parmi les ingrédients de la formule, on retrouve notamment de l’argireline, une neurotoxine qui paralyse les muscles et réduit la profondeur des rides faciales. Même si elle est utilisée (à très faible dose) par les chirurgiens plastiques avant une opération, son application quotidienne et prolongée peut exposer l’usager à des risques sanitaires. Au point que l’UFC Que Choisir l’a classée dans sa liste des composants indésirables dans les produits cosmétiques de 2017.
La marque change, l’arnaque reste la même
Depuis quelques jours, le site de Leuxia n’est plus disponible, mais une autre crème aux conditions d’utilisation tout aussi trompeuses a pris sa place. Dermagen iQ possède une interface similaire, ainsi que la même adresse pour les plaintes et les renvois de produits que son prédécesseur.
La compagnie derrière cette arnaque ? La mal-nommée Beauty and Truth (beauté et vérité) qui indique posséder une boîte postale à Las Vegas, bien que l’adresse de renvoi des colis soit elle à Chypre. Contacté par téléphone, le service après-vente de l’entreprise n’a pas été en mesure de nous mettre en relation avec Beauty and Truth.
Difficile dans ces conditions de lui faire répondre de ses actes devant la justice française. D’autant que depuis 2014, la firme cosmétique a changé à de multiples reprises le nom de ses produits - Perfect Serum, Clinic Derma, etc. - variant le prix mais jamais la recette de son escroquerie.
Pour contrer l’arnaque, le CECF conseille aux consommateurs de commencer par une opposition au paiement auprès de leur banque. Si cette première démarche se révèle insuffisante, l’organisme recommande d’utiliser une procédure “chargeback” en accord avec leur banque. Celle-ci “permet à un consommateur de revenir sur un ordre de paiement et d’être remboursé directement par l’émetteur de la carte bancaire ou de la banque lorsqu’un professionnel ne respecte pas les droits du consommateur”, précise le CECF.