Sur le seul mois de mai, 16 personnes sont décédées dans les Alpes, dont 13 dans les avalanches survenues en Auvergne-Rhône-Alpes. Un bilan qui fait froid dans le dos, selon Météo France il s’agirait même du mois de mai le "plus meurtrier depuis 30 ans". Tentatives d'explications avec plusieurs acteurs du milieu.
Cette année le printemps a apporté son lot de tragédies dans les massifs montagneux de la région. En un peu moins d’un mois, 16 personnes sont décédées dans les Alpes françaises, dont 13, sur les seuls massifs situés dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (Isère, Savoie et Haute-Savoie). Un bilan qui fait froid dans le dos, à une époque de l’année où l’on déplore plutôt une avalanche pour un mort sur le mois de mai, selon l’Anena (Association Nationale pour l’Étude de la Neige et des Avalanches). Le 3 mai, deux personnes sont décédées à Saint-Christophe-en-Oisans (Isère), le 8, deux avalanches emportaient 7 skieurs sur les communes de Valloire et de Villaroger (Savoie) et enfin le 19 et le 21 deux nouvelles avalanches mortelles coûtaient la vie à 4 personnes à Chamonix (Haute-Savoie).
"L’hiver a joué les prolongations"
Alors, comment expliquer cet enchaînement de drames, qui fait dire aux services de Météo France que ce mois de mai 2021 est le "plus meurtrier des 30 dernières années" dans les Alpes. Pour Frédéric Jarry, chargé de mission à l’Anena "l’hiver a joué les prolongations au mois de mai". "Au-dessus de 2500 mètres, on a eu des conditions très hivernales. Normalement, au mois de mai, le manteau neigeux a plutôt tendance à se stabiliser avec l’arrivée du printemps, qui entraîne un cycle de gel et dégel, qui stabilise la couche de neige. Alors que là, c’est comme si l’on se retrouvait en plein hiver avec d’importantes chutes de neige", explique cet expert.
"On paye un lourd tribut pour le mois de mai, mais parce que c’est encore l’hiver, il n’y a pas d’autres explications. "
Lieutenant Grether du PGHM de Bourg-Saint-Maurice
Même son de cloche en Savoie, où 7 personnes ont disparu en moins de 24 heures, "c’est hors-norme pour une journée", déplore-t-on au sein du PGHM (Peloton de gendarmerie de haute montagne) de Bourg-Saint-Maurice. "On paye un lourd tribut pour le mois de mai, mais parce que c’est encore l’hiver, il n’y a pas d’autres explications" pour le lieutenant Grether. Les disparus du 8 mai étaient des montagnards aguerris, mais "qui vivent éloignés du massif. Ils ne sont pas inconscients, mais ils ne sont pas forcément au fait de tous les risques que présentent les secteurs où ils évoluent", analyse-t-il.
En hiver, le BERA (le Bulletin d’estimation du risque d’avalanche) permet de compenser ce manque d’information, en chiffrant quotidiennement le risque d’avalanche. Cependant, "dès lors que les stations ferment, le risque n’est plus chiffré, car il n’y a plus de retour sur place" et les pratiquants doivent alors faire leur propre analyse. "On invite donc les gens à nous appeler avant de partir en montagne, mais c’est très rare qu’ils le fassent. C’est un peu frustrant parce qu’on sent le vent tourner", regrette le lieutenant Grether.
Un effet "d’euphorie" lié au déconfinement
Toutefois, selon Frédéric Jarry l’instabilité du manteau neigeux et les conditions hivernales n’expliquent pas tous ces accidents, à son avis il y a "peut-être aussi eu un effet Covid avec le déconfinement". "On a eu quelques périodes de beau temps, qui faisaient suite à des conditions météo favorisant l’instabilité du manteau neigeux. Et pendant ces courtes fenêtres, je pense qu’il y a des gens qui avaient vraiment envie de sortir pour profiter de la poudreuse. Il y a peut-être eu des décisions qui ont été prises […] et qui n’étaient pas forcément raisonnées ou raisonnables", déplore-t-il.
"Il y a peut-être eu des décisions qui ont été prises […] et qui n’étaient pas forcément raisonnées ou raisonnables."
Frédéric Jarry, chargé de mission à l’Anena
Une hypothèse également évoquée du côté du PGHM de Chamonix, après l’avalanche du 19 mai, survenue le jour de la réouverture du téléphérique de l’Aiguille du midi. Avec le déconfinement, "il y a eu un phénomène d’euphorie lié à la réouverture, mais aussi à la neige fraîche et au beau temps", avance le commandant Espinasse. Avant d’ajouter qu’entre le 7 mai et les accidents des 19 et 21 mai "entre 1 m et 1m50 de neige se sont accumulés au-dessus de 2000 m. Avant que du vent ne vienne fragiliser le manteau neigeux", rendant ainsi les conditions propices aux avalanches.
Depuis quelques jours l'été semble enfin vouloir s'installer et en Isère, par exemple, "on rentre dans des conditions un peu plus printanières avec un ensoleillement qui va permettre de stabiliser en partie le manteau neigeux, donc ça devrait être peu plus calme", conclut Frédéric Jarry.