Photographie de la caméra, avec l’un des filtres de couleur positionné. © Olivier Bonin/SLAC National Accelerator Laboratory.

Avec leur caméra, ces scientifiques lyonnais veulent protéger la Terre des astéroïdes

Plusieurs scientifiques lyonnais ont participé à la conception de la plus grande caméra astronomique du monde. Cette dernière sera installée dans les prochains mois au Chili et devrait permettre de cartographier le ciel avec une précision inédite.

C'est une caméra qui devrait permettre d'observer le ciel comme jamais auparavant. La caméra LSST sera installée en mai prochain à l'observatoire Vera C. Rubin, au Chili. Dotée de 3,2 milliards de pixels, c'est la plus grande caméra astronomique jamais construite. Sa conception, qui a nécessité plus de vingt ans de travail, a mobilisé des centaines de scientifiques à travers le monde. Parmi ceux-là, une équipe de scientifiques lyonnais, basée à Villeurbanne au sein du centre de calcul de l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3).

"Ce sera la cartographie du ciel la plus complète que l'humanité n'ait jamais produit"

"Notre institut a aidé à la conception du capteur de lumière et à sa construction" débute Fabio Hernandez, membre depuis 30 ans de l'institut de recherche du CNRS. L'objectif de cette caméra, qui devrait être opérationnelle d'ici la fin d'année 2024, est de prendre des milliers de clichés du ciel. "Toutes ces photos devraient nous permettre d'étudier l'évolution de l'univers. Car on pense connaître son fonctionnement mais il nous reste encore beaucoup de choses à découvrir" explique l'ingénieur.

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Pendant dix ans et à raison d'au moins 800 clichés chaque nuit, cette gigantesque caméra astronomique devrait permettre de cartographier dans le moindre détail le ciel. "Ce sera la cartographie du ciel la plus complète que l'humanité n'ait jamais produit" décrypte, enthousiaste, Fabio Hernandez.

"Cette caméra est extraordinaire à plus d'un titre, poursuit-il. Premièrement, elle possède 3 200 millions de pixels. C'est ce qui se fait de mieux aujourd'hui, et de loin. C'est trois fois plus que le satellite européen Gaia, actuellement en orbite autour de la terre. A titre d'exemple, les appareils photos des meilleurs Smartphones ne dépassent pas les 24 millions de pixels".

"L'autre caractéristique remarquable de la caméra c'est qu'elle va pouvoir faire des photos extrêmement rapidement, en moins de 30 secondes, contre plusieurs minutes parfois pour certains télescopes actuels. Ça va nous permettre de multiplier les prises de vue en un temps réduit" se réjouit l'ingénieur du CNRS.

20 milliards de galaxies scrutés par la caméra

Chaque objet céleste devrait ainsi être photographié entre 800 et 1 000 fois sur les dix prochaines années, ce qui permettra aux scientifiques d'étudier l'évolution des galaxies. En quatre jours, l'ensemble du ciel devrait être balayé par la caméra. "Avoir autant de données sur un même objet céleste, qui est amené au cours de sa vie à changer de position, de luminosité, de couleur, ça va nous permettre de faire des études statistiques sur l'évolution de l'univers" détaille Fabio Hernandez. Au total, 20 milliards de galaxies et 17 milliards d'étoiles devraient être scrutés par la caméra astronomique.

"La matière noire, on ne comprend pas bien comment ça fonctionne"
Fabio Hernandez, ingénieur de recherche au CNRS

L'autre avancée technologique embarquée dans cette caméra astronomique concerne les filtres placés devant l'objectif, partie de l'appareil conçu entièrement en France. "On a mis en place un changeur de filtre robotisé qui permet de changer le filtre devant la caméra en moins de 2 minutes. Sur les télescopes actuels, ça prend parfois plus de 30 minutes" expose le scientifique. Ainsi, cinq filtres de couleurs différentes seront présents sur la caméra, permettant de mieux cibler les lumières observées par le télescope en provenance de galaxie lointaine.

Les images prises chaque nuit par la caméra depuis le Chili seront ensuite envoyées régulièrement vers Villeurbanne. Les universités de Stanford, en Californie, et d'Edimbourg, en Ecosse, participeront également au projet. 5 000 terra octet seront ainsi nécessaires chaque année pour stocker les images brutes prises par le télescope.

Protéger la Terre des astéroïdes

Des images qui pourraient permettre de comprendre l’énergie sombre, identifiée comme le moteur de l'expansion accélérée de l'Univers. "Aujourd'hui, la matière noire, on ne comprend pas bien comment ça fonctionne. On sait que dans certains coins de l'Univers la lumière est parfois déviée à un endroit précis par une masse que l'on qualifie d'énergie noire. Mais sans comprendre vraiment comment ça fonctionne. Avec ces observations on espère pouvoir observer suffisamment de trou noir pour créer un modèle et comprendre leur fonctionnement" espère l'ingénieur qui travaille sur ce projet depuis 2009.

Enfin, cette caméra astronomique aura pour rôle de protéger la planète bleue d'un potentiel astéroïde qui viendrait la menacer dans le futur. "On va voir les objets qui changent de position dans notre système solaire. On va pouvoir calculer plus précisément leur trajectoire et leur taille. La taille de cette caméra va nous permettre de voir plus d'objets et d'anticiper encore plus leur possible collision avec la Terre". À ce jour, quelque 34 000 astéroïdes sont identifiés à proximité de notre planète, dont 2 700 auraient un potentiel à risque. Mais fort heureusement aucun ne devrait percuter la Terre dans les deux cents prochaines années.

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