La session du bac 2021, première expérimentation de la réforme Blanquer, semble déjà désastreuse. Entre convocations tardives, surmenage des professeurs et manque de préparation des élèves, le syndicat enseignant SNES-FSU demande la suppression pure et simple du Grand oral.
Il s'agissait de la première session du bac "Blanquer" qui a acté la suppression des filières classiques au profit de choix personnalisés de spécialités. Selon la responsable académique du secteur Lycée du syndicat enseignant du secondaire SNES-FSU, Rindala Younès, contactée par Lyon Capitale, c'est pourtant un échec cuisant, et qui n'est pas seulement dû au contexte sanitaire.
"Un cafouillage complet"
"C'est une vraie usine à gaz", nous explique-t-elle tout d'abord. L'organisation de cette nouvelle forme du bac, et notamment du Grand oral, demande déjà un certain nombre de considérations très complexes. "Composer les jurys est très compliqué", puisqu'ils doivent être adaptés aux choix de spécialités de chaque élève. "Un vrai casse-tête", surtout quand il s'agit de mobiliser des professeurs de philosophie ou de lettre, déjà bien occupés ailleurs, entre copies à corriger et oraux du Bac de Première à faire passer.
L'organisation s'annonçait déjà périlleuse, elle est devenue "désastreuse" : de nombreux enseignants n'ont par exemple reçu leur convocation que très tard,, un jour à peine avant les réunions garantes d'équité. Certains ne l'ont même jamais reçu. "On était déjà abasourdis de voir que les convocations tombaient le jeudi pour les réunions du vendredi, mais en plus, hier matin [lundi 22 juin] des collègues ont reçu des coups de fils pour faire passer le Grand oral des élèves, au débotté, sans avoir même participé aux réunions d'entente".
Le problème, explique cette enseignante lyonnaise en lettres, est que les convocations des élèves ont été faites avant celles des professeurs, ce qui annonçait déjà l'embouteillage. "Beaucoup trop d'élèves étaient convoqués par demi-journée. On savait déjà que ça allait bloquer de ce côté là".
Certains élèves ont appris le matin même de leur épreuve qu'elle serait finalement reportée, d'autres n'ont pu que constater l'absence des jurys. "Ceux prévenus à la dernière minute étaient très en colère. Et contre nous en plus : ils avaient l'impression qu'on était en grève, alors que ce n'est pas le cas".
"Ce n'est pas respectueux des profs, qui doivent se préparer à la dernière minute, ni du travail des élèves"
Pour compenser ces dysfonctionnements, les professeurs se voient donc surmenés : sans compter les 140 copies en moyenne à corriger en sept jours seulement, certains enseignants, de philosophie ou de lettres, doivent également jongler avec les oraux (du Grand oral ou du bac de Français)."Cette année, avec le cafouillage, les collègues ont double tâche".
Enfin, à ceci s'ajoute encore un grand nombre de problèmes techniques divers : entre la visioconférence de la réunion de vendredi et la plateforme de correction qui ne fonctionnent pas, ou encore avec la nouvelle numérisation des copies, parfois défaillante (entre pages dans le désordre et dossiers impossibles à ouvrir), et qui oblige par ailleurs les enseignants à fixer leur écran 7h d'affilée.
Un manque de préparation alarmant
"On a pas pu préparer équitablement les élèves", déplore-t-elle, "et le Grand oral demande énormément de préparation".
Selon elle, les conditions normales -à plus de 30 élèves par classe- ne permettent déjà pas de préparer une telle épreuve. La covid a rendu les choses impossibles : entre demi-jauges et fermetures de classes, "c'est pas à distance qu'on travaille l'oral".
"Il y a du stress [chez les élèves], ils se sentent pas prêts, et à juste titre. On a fait ce qu'on a pu cette année, on a pu maintenir quelque chose, mais ce bac est une mascarade"
Elle pointe également du doigt des épreuves inadaptées. Une partie du Grand oral doit par exemple être consacrée à l'orientation, or, de nombreux élèves attendent encore leurs résultats Parcoursup, s'ils n'ont pas déjà essuyé des refus : "c'est compliqué de parler de leur orientation quand ils sont dans une impasse".
Toutes ces raisons expliquent, de fait, les revendications du syndicat. Pour eux, il faudrait "tirer des conséquences de cette session désastreuse du baccalauréat 2021", supprimer le Grand oral et recruter massivement du personnel "à la hauteur de la forte augmentation du nombre d'élèves dans l'académie".