Il revient pour Lyon Capitale sur l'investiture de Barack Obama.
Lyon Capitale : Quels ont été les temps forts de l'investiture de Barack Obama ?
Vincent Michelot : Sans aucun doute le discours lui-même parce que c'est le moment le plus attendu. D'une façon un peu surprenante, on retiendra aussi le bafouillement de Barack Obama au moment de la prestation de serment, lorsqu'il prononce son deuxième prénom. Ca a été à la fois un moment d'émotion et de drôlerie dans une cérémonie marquée par une très grande gravité.
Qu'avez-vous retenu du discours d'investiture ?
Le fait que Barack Obama ait décidé, délibérément, d'atténuer son lyrisme traditionnel et de faire dans la sobriété, de manière à mieux faire passer le message principal de son discours. Celui de la responsabilité et du sacrifice. C'est l'idée de mettre les Américains devant leurs responsabilités et de recréer un lien politique entre eux, en s'inspirant des idéaux des pères fondateurs.
C'est la fameuse " nouvelle ère de responsabilité "...
C'est une manière très efficace et très intelligente de renvoyer les Etats-Unis, et la communauté internationale, à leurs propres responsabilités. Autrement dit, Barack Obama a refusé de se présenter comme l'homme providentiel. Il a cité ces quelques investitures qui s'étaient déroulées dans des moments de crise et de très grande tension en disant que dans chacun de ces cas - Abraham Lincoln en 1861 ou Franklin Roosevelt en 1933 - on n'a pas fait appel à la logique de l'homme providentiel mais à la responsabilité et au retour du peuple américain vers les valeurs d'union, celles qui ont présidé à la révolution américaine. Barack Obama a d'ailleurs fait référence à la révolution, notamment le moment le plus noir de la guerre d'indépendance, à savoir l'épisode de Georges Washington dans une bataille très difficile.
N'a-t-on pas trop idéalisé Barack Obama ?
Non, absolument pas. Le vote est prioritairement un geste d'adhésion, à la fois à une idéologie, à un programme mais aussi à un homme. Dans les circonstances économiques et militaires actuelles, si le président nouvellement élu ne disposait pas d'un énorme capital de confiance politque, son pouvoir transformateur serait amputé. Il est hors de question de dire qu'on a trop encensé Barack Obama. Il n'est pas responsable de cette " obamania " et des attentes qu'il suscite. Le message de Barack Obama est très similaire à celui de Kennedy et du fameux : " ne demandez pas à l'Etat ce qu'il peut faire pourvous mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour l'Etat ".
Stephen Chu, prix Nobel de Physique et spécialiste du réchauffement climatique, a été nommé secrétaire d'Etat à l'Energie. Est-ce une vraie rupture avec l'administration Bush ?
Il y a deux choses : la rupture se marque d'abord par la symbolique de la nomination, et ensuite par le retour de la science dans l'Etat. L'administration Bush a fait semblant de ne pas voir ce qu'était la science ou a délibérément mis la science de côté au profit des affaires ou de la religion. Avec Obama, on assiste à un retour de la science et de la rationnalité dans la gouvernance.
Pour autant, la politique énergétique des Etats-Unis est un petit peu comme la diplomatie américaine : c'est un super tanker qui vogue sur son aire et qu'il est extrêmement difficile de changer d'un jour à l'autre. Effectivement, le plan de relance prévoit un certain nombre de réformes en matière énergétique et plus de 50 milliards de $ seront alloués à des projets d'énergies renouvelables. Mais ce n'est pas la priorité absolue des Américains. La protection de l'environnement ne sera privilégiée que si elle peut contribuer à la relance de l'économie américaine.
Quels sont les grands défis auxquels sera confronté le 44e président des Etats-Unis ?
Le défi économique à l'intérieur et le défi, à l'extérieur, de pouvoir mener deux guerres en même temps, c'est à dire de terminer honorablement le retrait de l'Irak et de résoudre ce problème essentiel qu'est la promesse d'une victoire des Etats-Unis, ce qui paraît hautement improbable.
Sous cette nouvelle ère, quels changements la France peut-elle attendre de ses relations avec les Etats-Unis ?
Le seul changement que la France puisse attendre de l'inauguration d'un président Obama, c'est d'être mise au pied du mur en termes de responsabilité. A savoir que le président Obama aura vraisemblablement comme premier geste de demander à la France, et à l'Europe en général, un gros investissement dans le dossier irakien et dans le dossier afghan, avec notamment une demande de renforcement de la présence militaire française en Afghanisatn. Ces demandes vont aussi tester notre capacité de parler en tant qu'Européen et non pas en tant que Français, qu'Allemand, qu'Espagnol ou qu'Anglais.
Etes-vous d'accord avec cette phrase d'un journaliste français : " les Américains voient en Obama, au-delà de l'accomplissement du " rêve " de Martin Luther King, l'homme qui pourra peut-être redonner substance au rêve américain en crise " ?
Oui, symboliquement. Mais cette idée d'un rêve américain en crise c'est plutôt celle d'un modèle politique et économique américain en crise. Il s'agit non pas de recréer un rêve mais de reconstruire l'Etat. C'est bien, pour cela que Barack Obama a essentiellement centré son programme sur le renouveau de l'Etat. D'ailleurs dans son discours d'investiture, Barack Obama a dit qu'il était beaucoup plus important de s'interroger sur l'efficacité de l'Etat plutôt que de savoir s'il y avait pas assez ou trop d'Etat.
> Pour en savoir plus
Le président des Etats-Unis, un pouvoir impérial ? (Vincent Michelot, Gallimard, 2008).
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