Les experts de l'Anses et de Santé publique France, deux organismes qui s'inscrivent dans le dispositif de veille sanitaire en France, vont rendre public ce matin leur rapport sur ce qu'il est convenu d'appeler "l'affaire des bébés sans bras". Entretien avec Emmanuelle Amar, la lanceuse d'alerte à l'origine du "scandale d'Etat".
Alors que le rapport intégral du comité d'experts sur les cas de malformations congénitales observées dans l'Ain, le Morbihan et la Loire-Atlantique va être rendu public aujourd'hui (et au lendemain de l'annonce des conclusions de ce même rapport), qui poursuit les investigations seulement dans le Morbihan, Emmanuelle Amar, la directrice du Remera (Registre des malformations en Rhône-Alpes) revient pour Lyon Capitale sur l'argumentaire "tordu" et "sans fondement scientifique" des autorités sanitaires.
Comprenez-vous les conclusions du rapport d'expertise des autorités sanitaires ?
Je les craignais mais je me disais quand même au fond de moi que de telles conclusions ne pourraient pas être prises tellement c'était gros. Je me suis trompée : on y est allé dans le trop gros.
En quoi l'argumentaire de l'Anses et de Santé publique France ne vous satisfait-il pas ?
Leur argumentaire est totalement inacceptable car ils ont réduit la fenêtre d'observation du cluster de l'Ain après les signalements officiels que nous avons faits via le registre (Remera, registre des malformations en Rhône-Alpes, NdlR). Cela signifie qu'ils n'ont pas pris en compte tous les autres cas antérieurs. Mais ce sont de vrais enfants avec de vraies malformations. On leur dit "circulez, y a rien à voir"? L'argumentaire des autorités sanitaires n'a aucun fondement scientifique, aucun.
Si je comprends bien, leur dialectique consiste à dire que lorsqu'il n'existe pas de registre, il ne peut y avoir de cluster ?
C'est ça : il ne peut y avoir de cluster du moment où il n'y a pas de registre. Ça n'a aucun sens. ce sont des arguments complètement tordus. Vous imaginez : il n'existe que six registres de malformations congénitales en France qui ne couvrent que 19 départements, soit 19% des naissances. Donc, partout ailleurs, il ne peut pas y avoir de cluster sous peine qu'il n'y a pas de registre. On marche sur la tête ! En plus, ils nous disent qu'ils ont des systèmes de surveillance impeccables. Quels sont-ils ? Qu'ils nous les montrent. Et puis c'est quand même incroyable que l'organisme choisi pour rendre cette expertise est celui chargé de s'autoévaluer. Ça n'a aucun sens.
Quid des lots de pesticides interdits ou contrefaits qui ont été saisis à Villefranche-sur-Saône (révélation de Lyon Capitale en mai dernier), dont la composition en substances actives pourrait ne pas correspondre à l’étiquetage ?
Bonne question. On n'en sait rien, à croire qu'ils s'en fichent complètement.
L'affaire est donc close pour l'Anses et Santé publique France dans le département de l'Ain ?
Exactement. L'affaire est close dans l'Ain. Il n'y a pas d'excès de cas. On est pile dans le scandale sanitaire, dans le scandale d'Etat.
Quelles suites va donner le Remera à ce rapport d'expertise ?
Nous allons répondre point par point, de manière très scientifique, à l'argumentation de l'Anses et de Santé publique France.
Trafic de pesticides illégaux, un sujet tabou en Auvergne-Rhône-Alpes