Benoît Hamon, à Lyon
Benoît Hamon, mardi 16 mars 2021 à Lyon / Philippe Desmaze AFP

Benoît Hamon à Lyon : "c'est dur pour le PS de discuter avec EELV en n'étant plus dans une position hégémonique"

Benoît Hamon, candidat du Parti Socialiste à l'élection présidentielle en 2017, est venu soutenir Fabienne Grébert, la tête de liste des écologistes aux régionales, ce mardi à Lyon. Hamon, désormais membre du parti Générations, évoque la situation de la gauche dans la région et notamment la candidature de Najat Vallaud-Belkacem (PS), pour qui il a de "l'affection". "Ca aurait de la gueule qu'il y ait un grand rassemblement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes derrière Fabienne Grébert",  explique-t-il. Interview.

Il a défendu l'idée d'un revenu universel pendant l'élection présidentielle. "Cette question du revenu universel, complètement utopique il y a 4 ans, est devenue un sujet central", souligne Benoît Hamon désormais. Il était à Lyon ce mardi, pour soutenir la candidate écologiste aux régionales de juin 2020, Fabienne Grébert.

L'écologiste propose notamment, s'il elle est élue, de lancer le chantier d'un revenu d'autonomie pour les jeunes de 18-25 ans de la région vivant sous le seuil de pauvreté. 50 000 personnes sont "visées" par ce dispositif. 400 euros pourraient être versés à chaque jeune. Lundi, la Métropole de Lyon a voté le déploiement de manière expérimentale d'un « Revenu de Solidarité Jeunes » (RSJ) sur son territoire pour les 18-24 ans sortis du système scolaire, sans soutien et en situation de précarité (lire tous les détails ici).

Pour les régionales, Benoît Hamon soutient donc la liste écologiste de Fabienne Grébert. Pas celle de la socialiste Najat-Vallaud Belkacem, candidate officiellement depuis samedi. Il s'explique.

LyonCapitale.fr : Des collectivités locales veulent mettre en place un RSA jeunes ou un revenu d'autonomie pour les 18-24 ans sur leur territoire. Vous qui défendez l'idée d'un revenu universel depuis des années, vous devez être satisfait ?

BENOIT HAMON. C'est un dispositif qui essaye de combler les trous dans la raquette. Mais les limites de ce genre de dispositif, c'est que d'une ville à une autre, certaines agissent, d'autres pas. Donc il y a une vraie rupture d'égalité en France par rapport au minimum décent pour vivre. On n'est pas en capacité dans la République, en dépit de ce que nous affirmons, de ce que la République affirme sur l'égalité des citoyens, d'assurer une égale dignité des personnes.

Il faudrait évidemment, au niveau national, étendre le principe du RSA aux 18-25 ans, l'automatiser, mais moi ma position elle va au-delà, elle n'est pas simplement d'assurer un minimum pour vivre à celui qui n'a rien, c'est de verser un revenu universel à celui qui travaille, à celui qui ne travaille pas, à un retraité. Pour compléter les revenus que l'on tire de son activité pour pouvoir gagner en autonomie, s'émanciper, s'épanouir, disposer d'un filet de sécurité, créer, aller au bout des projets qu'aujourd'hui on s'interdit ou parce qu'on a un trop petit salaire, ou parce qu'on n'a pas de salaire du tout, ou parce qu'on a une trop petite pension.

A la fois je me réjouis que ces questions soient désormais dans les priorités de certaines majorités municipales ou locales, mais en même temps ce n'est qu'une première marche. Cette marche, elle a été montée dans la Métropole de Lyon, mais dans d'autres villes elle ne l'est pas. Dans d'autres collectivités, elle ne l'est pas. Et même si elle a été montée ici, il y a plein d'autres étapes qui relèvent des actions du Parlement et du gouvernement. Ils sont tragiquement absents de cette question sociale aujourd'hui.

Pendant la crise sanitaire, les employés qui ne peuvent pas travailler disposent du chômage partiel. Les jeunes, eux, ils se sentent oubliés...

Il y a cette idée aujourd'hui qu'il faut en baver entre 18 et 25 ans et que même en période de crise, on a une forme de "tolérance" pour la pauvreté des jeunes qui est incroyable. Les jeunes sont les premiers à être montrés du doigt quand ils font une fête etc... Personne ne prend en compte la situation incroyablement précaire dans laquelle ils sont placés de la part de gouvernants qui pour 95% d'entre eux ont eu une jeunesse dorée. Il y a indiscutablement une indifférence pour la jeunesse.

Entre 20 et 21 ans, heureusement que je n'ai pas été un an seul chez moi, à ne pas pouvoir sortir, à suivre des cours seul dans ma chambre, rencontrer personne. Quand on a 20 ans, c'est le moment de toutes les opportunités et toutes les rencontres. Quels seront les impacts psychologiques et sociaux de tout ça ? Probablement très importants. Mais un tel niveau d'indifférence et de "sécheresse" du gouvernement par rapport à cette situation-là est préoccupante.  C'est inacceptable.

Vous avez été plus de 30 ans au PS. Vous avez été le candidat du PS à la dernière présidentielle. Samedi, Najat-Vallaud-Belkacem a annoncé sa candidature aux régionales en Auvergne-Rhône-Alpes. Vous soutenez de votre côté Fabienne Grébert. Désunie, la gauche peut-elle vraiment battre Laurent Wauquiez ?

Najat, c'est une amie. On a fait des choix politiques différents. Ca aurait de la gueule qu'il y ait un grand rassemblement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes derrière Fabienne Grebert. Elle a une centralité politique que ni les Insoumis/Communistes d'un côté, ni les Socialistes n'ont. Il y a un principe d'efficacité. La seule qui pourrait être la locomotive d'un grand rassemblement, c'est Fabienne Grébert. Après Najat a fait d'autres choix, je la respecte et je me mettrai jamais contre elle, c'est une femme d'une grande intelligence et de grande conviction. Mais il me semble aujourd'hui que sur le fond, comme sur le plan politique, le sens de l'histoire est d'opérer des rassemblements pour nous permettre, je vais prendre un mot que les libéraux aiment bien, d'être un minimum compétitifs sur le plan politique. Car nous ne le sommes plus aujourd'hui.

J'ai beaucoup d'affection pour Najat. Je lui ai écrit pour lui dire que je venais soutenir Fabienne, ce n'est pas contre elle et ce n'est jamais contre elle que moi je m'engagerai. Mais je pense aujourd'hui que si nos engagements sont à la fois écologiques et sociaux, c'est auprès que Fabienne qu'il faut être.

Dans les Hauts-de-France, l'union de la gauche s'est faite derrière la candidate écologiste, Karima Delli. En Ile-de-France, vous Benoît Hamon, vous appelez à l'union derrière le candidat écologiste, Julien Bayou. Vous avez bien connu les courants aux PS, les fameuses synthèses. Aujourd'hui, pour faire la synthèse des gauches, c'est uniquement possible derrière les écologistes ?

Ce n'est pas uniquement derrière eux. Mais ils ont une position centrale que personne d'autre n'a. Il fut un temps, c'était le PS qui avait cette position centrale... Quand on avait cette centralité-là, on avait une responsabilité. C'est cette responsabilité qu'assume Fabienne en disant : je suis prête à construire ce rassemblement sur des bases politiques, programmatiques qui sont transparentes. C'est plus dur culturellement pour le PS de se mettre dans la situation de discuter avec les écologistes en n'étant plus dans une position hégémonique comme dans le passé. C'est peut-être plus dur, mais il faut que cette révolution culturelle et intellectuelle se fasse, sinon les chances pour la gauche et les écologistes d'exercer le pouvoir dans ce pays, dans les régions, seront encore très lointaines. Et moi je souhaite que ça arrive le plus vite possible, c'est pour ça que je pense que ce rassemblement peut s'opérer dès ces élections régionales.

On a à la fois une demande forte d'écologie et en même temps sur la demande sociale les partis de gauche avec leurs recettes assez classiques ne convainquent plus avec les réponses qu'ils formulent. Cette question du revenu universel, complètement utopique il y a 4 ans, est devenue un sujet central. Pourquoi Fabienne Grebert est centrale aujourd'hui ? Elle fait déjà une synthèse, entre une ambition en matière de transition écologique et une ambition en matière de justice sociale. Elle n'est pas sur un côté de ce rassemblement, elle est au coeur de ce rassemblement possible. Ensuite, il y a un argument d'efficacité. La France Insoumise ne se ralliera pas à une tête de liste socialiste et le PS ne se ralliera à une tête de liste insoumise ou communiste. La centralité aujourd'hui, c'est l'écologie politique qui l'incarne. Quand elle assume son ambition en matière de justice sociale.

Ma tradition, c'est une tradition socialiste. Mais une vraie. Je me suis posé une question : c'est comme quand vous avez un deuxième enfant. Vous vous demandez toujours si vous aimerez le deuxième autant que le premier. Ce que vous découvrez avec votre 2e enfant, c'est que la source avec laquelle vous allez puiser votre amour est inépuisable. Et elle grandit. Quand j'ai dit que je ne serai plus jamais socialiste sans être écologiste, ce n'est pas pour être moins socialiste. Je me sens encore pleinement socialiste en étant écologiste. Je le dis aux gens de gauche, ils ne perdront rien dans l'engagement écologique de leur fibre sociale, leur fibre solidaire, au contraire, elle va grandir.

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