Deuxième jour de manifestation au lycée Robert-Doisneau de Vaulx-en-Velin. La situation s’est tendue. Témoignages de lycéens et de professeurs sur place, où Parcoursup est vu comme un amplificateur des difficultés des établissements de banlieue.
Des notes de piano résonnent dans le hall vide du lycée Robert-Doisneau de Vaulx-en-Velin. À l’extérieur, la manifestation s’est calmée. Quelques élèves patientent devant les grilles de l’établissement. Des pancartes réalisées la veille par les internes recouvrent le portail. À quelques encablures, une vingtaine de policiers en tenue de maintien de l’ordre surveillent la zone. “Ce matin, la situation a été tendue, confie un professeur. Un élève a été plaqué contre un mur sans raison visible, juste parce qu’il rejoignait le blocage, et les policiers ont rapidement envoyé des grenades lacrymogènes pour disperser la foule. Il faut dire qu’ils étaient peu, ils ont dû stresser.” “On était calmes et rassemblés, un de nos amis a jonglé devant les CRS, quand ils se sont rapprochés petit à petit”, raconte une lycéenne. “Clairement, j’ai eu peur quand l’un d’eux m’a mise en joue avec son flashball”, explique une de ses camarades, en option cirque.
Situation tendue avec la police
Vers 11h, sur l’esplanade qui borde l’établissement, une centaine d’élèves regardent tranquillement les forces de l’ordre postées à quelques mètres. Il ne faut pas grand-chose pour tendre la situation. Dans la rue Émile-Zola, parallèle à la mairie, l’ambiance change d’un coup. Une trentaine de jeunes envoient balles de tennis et cailloux aux policiers qui répliquent avec des grenades lacrymogènes. “Police, police, on t’encule !” scandent les manifestants, qui reculent vers l’arrêt de bus au croisement de la rue Rabelais. Des badauds passent par là sans trop se soucier de ce qu’il se passe. Un des lycéens est embarqué. “Il n’a rien fait ! Une voiture de police s’est approchée de nous, il a couru, le policier lui a dit “Arrête-toi ou je te nique”, puis l’a arrêté et embarqué”, affirment quelques lycéens. Qui a fait quoi ? Difficile de démêler le vrai du faux, les informations et les rumeurs circulent aussi vite les unes que les autres. Préoccupée par cette arrestation, la principale de l’établissement a appelé la commissaire de la ville. “Ça arrive que l’on soit en contact quand il arrive quelque chose avec un élève. Là, elle n’était pas encore au courant”, confie-t-elle. Tout le personnel de l’établissement joue un rôle de modérateur à l’extérieur et à l’intérieur de l’établissement.
Avec les Gilets jaunes, “nos combats se rejoignent”
Cette semaine, les lycéens semblent prêts à continuer. L’action nationale prévue vendredi par l’UNL sera suivie dans l’établissement. Pour tous, le mouvement des Gilets jaunes a été une aubaine pour reprendre le combat contre Parcoursup, mais pas seulement. “Quand on dit que l’on vient de Vaulx-en-Velin, c’est un handicap, avec leur réforme ça va être encore pire. On comprend les Gilets jaunes sur le matraquage fiscal. On voit des gens d’ici partir faire des études et revenir avec un travail si peu payé qu’ils doivent dormir chez leurs parents. Donc, nos combats se rejoignent”, explique un lycéen.
“On ne bloque pas pour se marrer”
Les pronostics vont bon train sur la durée du blocage. “Une semaine pas plus”, disent les uns, “jusqu’à Noël”, affirment les autres. Déjà, les contingences de chacun apparaissent. “Clairement, il y a le bac à la fin de l’année, donc on doit penser à notre avenir”, concède l’un. “Oui, enfin, notre avenir, c’est aussi pour cela que l’on bloque aujourd’hui”, rétorque une autre. Tous attendent des réponses rapides de la part du Gouvernement. “Ils attendent quoi ? Que les gens cassent tout ? On ne bloque pas pour se marrer. Personne ne nous écoute. Dans les médias, on ne parle que des casseurs, alors qu’il y a des raisons pour lesquelles on fait ça”, s’emporte une lycéenne.
De la valeur d’un bac à Vaulx
Les enseignants, quant à eux, sont de plus en plus solidaires du mouvement, même s’ils regrettent que cela ne se passe pas dans le calme. Une journée d’action est prévue vendredi par l’intersyndicale de l’Éducation nationale, en même temps que celle des lycéens. “On voit bien qu’un baccalauréat obtenu ici à Vaulx-en-Velin est beaucoup moins valorisé. Et ce sera pire quand il y aura le contrôle continu”, confie un professeur de mathématiques. À midi, la situation s’est apaisée. Toujours vide, l’établissement va tourner au ralenti pour le reste de la journée. “Monsieur, on a cours cet après-midi ?” demande une jeune fille à son professeur en haut de l’escalier du lycée. “Oui, tant que rien de contraire n’est affiché, le cours est maintenu”, lui répond l’enseignant.