Elle ne surgira pas sans douleur tant elle exige que nous revisitions le sens de l'agir en cohérence avec des pratiques mettant au pas les logiques de puissance.
L'approche morale n'est pas un forceps mais la reconnaissance d'une nécessité à changer pour faire bouger une société paralysée par la peur des uns et l'intérêt des autres, quand bien même est observée la réalité d'un abîme mettant à mal la cohésion sociale.
Le discernement n'est donc pas absent. Il convient de s'en réjouir. Pour autant ne le réduisons nous pas à des mots qui sont d'autant plus forts qu'ils procèdent davantage d'un réagir que de la volonté pleinement partagée d'un agir autrement ?
L'information, à dessein, se succède pour être vite couverte d'un silence comme si d'une certaine façon elle nous offrait les 'habits' pour tenter d'effacer les 'mocheries' afin de ne donner à voir que ce que nous voudrions être. Si l'économie durable est celle de l'homme reconnu, il faut veiller à nous rappeler la sagesse des anciens : 'l'habit ne fait pas le moine'.
Ces silences, il nous faut avoir le courage de les briser.
Un trésor de guerre de 600 millions d'€ dont dispose l'UIMM est révélé. Depuis le 26 septembre 2007 où fut dénoncée cette 'caisse noire', que s'est-il finalement passé si ce n'est un silence qui ne fait même plus de bruit ! Tous les partenaires sociaux ont parlé, certains ont crié au scandale jusqu'à s'emporter mais pour quoi faire ?
Laurence Parisot, Présidente du MEDEF, s'en est émue au point de se considérer 'salie' par de telles pratiques. Martin Hirsch suggérait, à juste titre, que cet 'argent noir' soit finalement blanchi en l'affectant à destination des populations fragilisées. La Présidente du MEDEF ne contesta pas la pertinence de cette demande. Alors, vers quelle cause ces fonds ont-ils été orientés ?
Il faut garder à l'esprit que 600 millions d'€ permettraient de financer au moyen d'un Prêt Locatif Aidé d'Insertion (PLAI) près de 10 000 logements pour des familles en difficulté.
Des fonds qui " dorment " pendant que des personnes dorment dans la rue ! Si cette observation ne fait pas bouger c'est que sans doute nous sommes moins vivants que nous le croyons.
La crise des 'subprimes' est aussi celle d'un silence, au moins d'un mal-dit, pour avoir essayé de taire une pratique à grande échelle qui a consisté à proposer la propriété à des acquéreurs qui n'avaient pas la solvabilité requise pour faire face aux prêts. Le maintenant fut préféré à toutes autres considérations au point d'insulter l'avenir.
L'autre silence a été d'enfuir cette pratique par la titrisation de ces prêts dans des véhicules de placement dits 'dynamiques' qui n'ont finalement pu occulter un désastre, évalué à plus de 1000 milliards de dollars partis en fumée. Les marchés sont désormais fragilisés au point de faillites annoncées. Là où le silence l'emporte sur la vérité, la confiance s'écroule mais avec elle celle pour les plus démunis de tout espoir. Dans l'illusion entretenue de pouvoir accéder à la propriété, d'aucuns se retrouvent à la rue qui affiche désormais des panneaux 'à vendre' ou 'à louer'.
Quand de telles pratiques se font jour comment ne pas s'inquiéter du silence qui finalement les a autorisées sous couvert d'habiletés qui n'étaient que malhonnêtetés.
Les crises seront largement évitées quand les silences seront enfin brisés. Il ne s'agit pas seulement de transparence - un mot qui ne cesse de 'fleurir' sur les tombes d'un monde déjà mort auquel pourtant nous donnons vie, pour facilement nous inscrire dans le champ du palliatif- mais bien d'une volonté de faire connaître et reconnaître les réalités pour croire que notre société a la capacité de parler vrai.
A une heure où le projet de loi pour une mobilisation du logement risque de remettre en cause une des dispositions de la loi SRU que l'Abbé Pierre, à la veille de sa mort, gagna de haute lutte pour avoir obtenu la suppression de l'amendement de M. Ollier, nous ne pourrons pas rester silencieux, non pas tant pour dénoncer que pour énoncer des propositions dans cette attention à ce que les populations fragilisées ne se voient pas interdites de ville.
Comment sortir de ces silences étouffants pour nous ouvrir à une parole libérante ? Ne sommes-nous pas ici au cœur de cet enjeu éthique, moral, auquel est associée l'économie durable ?
Un avenir se fait jour. Il s'exprime déjà par une demande pour une plus grande participation de tous. Saurons nous l'entendre jusqu'à briser les silences ?
Bernard Devert