Jonathan Bocquet
Jonathan Bocquet

Budget : "une double peine pour les classes moyennes : plus d'impôts et moins de services publics

Jonathan Bocquet, adjoint aux finances de la Ville de Villeurbanne, est l'invité de 6 minutes chrono pour évoquer la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités.

Alors que les collectivités locales finalisent leurs budgets 2025, l'Etat complique l'équation en annonçant une baisse de cinq milliards d'euros de ses dotations. "On a construit notre budget avec un certain nombre d'incertitudes et puis un certain nombre de certitudes. Sur les certitudes, globalement, c'est que des mauvaises nouvelles, notamment les droits de mutation qui ne reviennent pas, l'inflation qui diminue moins vite que prévu. Et l'incertitude, c'est le projet de loi de finances avec quand même quelques annonces qui nous promettent des pertes de recettes et de nouvelles dépenses", regrette Jonathan Bocquet, adjoint aux finances de Villeurbanne. Le manque à gagner pour sa ville est estimé à six millions d'euros.

"Les collectivités devront prendre leur part mais il faudra faire le tri c'est à dire qu'il faudra faire des priorités ça les élus locaux savent le faire mais dans des proportions raisonnables. Aujourd'hui 6 millions sur Villeurbanne, des montants similaires sur d'autres communes c'est pas possible c'est quand même nous qui sommes en prise avec les populations, les populations les plus précaires notamment les classes moyennes elles vont avoir la double peine elles vont payer plus d'impôts elle va avoir moins de services publics c'est pas tenable sur la durée", assure-t-il.

La retranscription intégrale de l'entretien avec Jonathan Bocquet

Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale et aujourd'hui nous accueillons Jonathan Bocquet. Vous êtes adjoint aux finances à Villeurbanne, on voulait revenir avec vous sur finalement les difficultés que peuvent rencontrer les collectivités locales, dont Villeurbanne, à l'heure de boucler leur budget, sachant que le budget de l'État lui-même n'a pas encore été voté et que les grands arbitrages concernant les collectivités locales sont encore un peu flottants. Déjà, est-ce que vous, vous allez pouvoir présenter votre budget à temps à Villeurbanne ?


Oui, on reste pour l'instant dans le calendrier qu'on s'était fixé. À Villeurbanne, on le vote toujours très tôt pour permettre au service d'avoir de la visibilité sur l'année qui arrive. Évidemment, on l'a construit avec un certain nombre d'incertitudes et puis un certain nombre de certitudes. Sur les certitudes, globalement, c'est que des mauvaises nouvelles, notamment les droits de mutation qui ne reviennent pas, l'inflation qui diminue moins vite que prévu. Et l'incertitude, c'est le projet de loi de finances avec quand même quelques annonces qui nous promettent des pertes de recettes et de nouvelles dépenses.

En perte de recettes, ce serait combien de milliers, millions d'euros ?

On est aux alentours de 5 à 6 millions de pertes de recettes si l'ensemble des mesures annoncées sont prises. l'équivalent de 3% de notre budget, donc c'est très important. Là, on a fait un exercice de maîtrise budgétaire dans les arbitrages de préparation. On arrive à avoir un budget qui évolue moins vite que l'inflation, moins vite que nos recettes aussi, donc on a fait les efforts finalement pour avoir un budget de bon gestionnaire. Mais là, si demain, on nous enlève 5 à 6 millions, soit on doit revoir toute la copie, soit c'est 5 millions d'emprunts supplémentaires pour la commune.


Vous pouvez le financer par l'emprunt, vous n'êtes pas obligé de couper dans des services publics. Vous pouvez jouer sur ce levier-là parce que vous ne pouvez pas emprunter par exemple pour payer le salaire des fonctionnaires à la différence de l'État. Vous, vous ne pouvez emprunter que pour payer des travaux en dur. Ça veut dire que vous jouerez, vous décalerez finalement de l'investissement vers du fonctionnement et ainsi de suite ?


Effectivement, c'est important de le rappeler, la dette des collectivités, déjà c'est une part assez marginale dans la dette de l'État.


Bruno Le Maire vous accusait à la fin de l'été d'être responsable du dérapage budgétaire...


On représente moins de 10% de la dette de l'État et contrairement à l'État, nous c'est de l'emprunt d'investissement, c'est-à-dire qu'on n'a jamais de déséquilibre négatif sur notre fonctionnement, on est toujours en autofinancement et on dégage des marges pour financer de nouveaux équipements parce qu'évidemment un gymnase on ne le paye pas en une seule fois. Donc on emprunte et on le rembourse petit à petit. Ces frais de remboursement d'emprunt, ils sont calculés dans notre budget de fonctionnement, donc ils sont calculés sur l'équilibre annuel. Donc on ne peut pas reprocher aux collectivités d'endetter l'État. Après il est évident que face à une situation budgétaire qui est catastrophique pour l'État, les collectivités prendront leur part et nous à Villeurbanne on a fait justement cet effort.

Il y a du gras dans les collectivités locales puisqu'on avait entendu cette sortie de Bruno Le Maire, il y a eu aussi un rapport de la Cour des comptes pointant 100 000 postes de fonctionnaires à supprimer dans les collectivités territoriales. Est-ce que l'argent n'a pas toujours été rigoureusement dépensé ou géré dans les différentes collectivités locales ?


Moi je crois que l'ensemble des élus locaux et là toutes couleurs confondues font toujours l'effort de maîtriser au mieux les données publiques. On a bien conscience que c'est l'argent du contribuable. Il y a toujours des possibilités d'optimiser. D'ailleurs nous chaque année on se repose la question sur l'ensemble de nos budgets s'il y a des possibilités de faire de nouvelles économies, d'articuler un peu autrement le budget. Vous voyez quand aujourd'hui on a un arbitrage qui est en dessous de l'inflation, ça veut dire concrètement qu'on a réussi à aller chercher 8 millions d'euros d'économie. Mais en fait là les services ils sont à l'os. Véritablement non on ne peut plus parler de gras et d'ailleurs si on parle de Villeurbanne mais on pourrait parler de n'importe quelle collectivité, les habitants ne vont pas dire il y a trop de policiers municipaux, il y a trop de places en crèche, vraiment nos écoles sont vraiment trop confortables. C'est pas vrai qu'il y a encore des marges de manœuvre à l'échelle locale, à moins de dire on arrête de la décentralisation, on arrête d'avoir de l'autonomie au niveau municipal.

Mais vous disiez tout à l'heure que l'État vous a en plus de couper un peu le robinet, vous imposez de nouvelles dépenses, qu'est ce qui vous impose de plus ?


Récemment ce qui a été particulièrement décisif dans l'augmentation de nos dépenses a été par exemple les points d'indices des fonctionnaires, très bonne nouvelle pour les fonctionnaires mais c'est les collectivités qui payent en partie pour l'augmentation qu'il leur est dû. C'est plusieurs millions d'euros qui sont ajoutés dans les dépenses d'une ville comme Villeurbanne.


On voit la métropole qui doit faire des arbitrages financiers, qui devait les faire avant même l'annonce d'un budget de rigueur, d'austérité, je sais pas quel serait le terme que vous choisissez, notamment parce qu'il manquait des droits de mutation des DMTO, en gros c'est une taxe sur toutes les transactions immobilières dans l'ancien. Vous aussi vous êtes concerné à Villeurbanne ?


Oui dans des proportions moindres que la métropole mais pareil c'est plusieurs millions d'euros de recettes en moins depuis 2023 donc cumulé ça commence à faire beaucoup sur le sur le budget et par rapport à votre question tout à l'heure bah oui on a deux solutions, soit on emprunte davantage soit on décale des projets dans le temps.


Quand vous voyez vous le budget au niveau national c'est un budget de rigueur, d'austérité ?


Quand on annonce 40 milliards à l'échelle de l'ensemble des services publics oui c'est un budget de rigueur, c'est un budget d'austérité, 20 millions de recettes supplémentaires, à l'échelle des collectivités il demande 5 milliards d'économies donc oui on est dans un budget d'austérité. Après moi je fais partie d'un camp qui est convaincu que quand on est attaché à l'état Providence il faut assurer sa pérennité et assurer la pérennité de l'état Providence c'est ne pas trop s'endetter. La dette c'est pas un problème en soi si elle croit moins vite que les richesses nationales c'est pas un souci, l'investir sur l'avenir. Si en plus c'est pour financer la transition écologique c'est très positif mais quand la dette augmente plus vite que notre création de richesses donc qu'elle est au-delà de la croissance là pour le coup c'est vrai danger pour le futur et donc il faut qu'on trouve une nouvelle trajectoire budgétaire à l'échelle nationale. C'est pour ça que je disais que les collectivités devront prendre leur part mais il faudra faire le tri c'est à dire qu'il faudra faire des priorités ça les élus locaux savent le faire mais dans des proportions raisonnables. Aujourd'hui 6 millions sur Villeurbanne, des montants similaires sur d'autres communes c'est pas possible c'est quand même nous qui sommes en prise avec les populations, les populations les plus précaires notamment les classes moyennes elles vont avoir la double peine elles vont payer plus d'impôts elle va avoir moins de services publics c'est pas tenable sur la durée.

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