Cannabis : de simples amendes pour les consommateurs ?

Un rapport parlementaire récemment rendu public préconise la mise en place d'une contravention ou d'une amende forfaitaire à l'encontre des consommateurs de cannabis. Si les syndicats de police y sont largement favorables, les magistrats appellent à la prudence.

Une simple amende pour les consommateurs ? C'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Partant du constat que nous sommes en France le plus gros consommateur de cannabis d'Europe alors que nous avons un des appareils législatifs les plus sévères, les deux parlementaires à l'origine du texte ont décidé d'abandonner l'idée du tout répressif. Si la proposition parlementaire séduit les syndicats de police, les magistrats eux, ne voient pas forcément d'un bon œil cette potentielle simplification des procédures. Aujourd'hui, les forces de l'ordre indiquent perdre beaucoup de temps avec des procédures qui pour la plupart, ne mènent pas à grand-chose. En principe, consommer du cannabis est passible d'une peine d'un an de prison et de 3750€ d'amende, en principe seulement. Dans les faits, les punitions sont rarement aussi sévères. "Ça permettrait de dégager beaucoup de temps à nos groupes d'enquête pour se focaliser sur le trafic", explique Hervé D'Eyssautier d'Alternative Police. Bien souvent, lorsque de petites quantités sont trouvées, le produit est simplement détruit. "Avec des quantités un peu plus importantes, on engage une procédure simplifiée et on auditionne la personne. Quand il y a de vraiment grosses quantités, c'est la garde à vue. Mais c'est très rare", confie le policier. Pour l'heure, le rapport fait état de deux solutions : une amende forfaitaire ou bien une simple contravention. Si les syndicats ne croient pas en la mise en place de la première, ils se disent favorables à la seconde. "Une contravention permettrait d'aller au plus rapide. Appréhender la personne et lui dresser une amende sur place", indique le syndicaliste.

150 à 200€ pour un "chichon"

Si aucun montant n'est encore précisément défini, le rapport préconise des amendes d'environ 150 à 200€. Pour le secrétaire général de l'Union Syndicale des Magistrats (USM), aller dans ce sens serait une erreur. "Cette proposition ne nous paraît pas apporter la bonne solution. Cela exclurait la possibilité d'amener les individus en garde à vue. Or, la plupart des démantèlements de réseaux commencent par la" indique le magistrat. D'autre part, cela enverrait selon lui "un mauvais message à la société, celui de faire croire que l'usage de ces drogues n'est finalement pas très grave". Stéphane Bouillon, le préfet du Rhône et de la région Auvergne-Rhône-Alpes s'est également prononcé sur le sujet lors de ses vœux à la presse, en faveur de la proposition. "Arrêter une personne avec un chichon engorge les tribunaux et abouti à les faire travailler pour rien. Avec une sanction immédiate, les forces de police pourraient se concentrer sur autre chose", a-t-il déclaré. Aussi, il est important de rappeler qu'en cas de récidive, la législation actuelle s'appliquera. Pas question, comme certains observateurs l'ont pointé, pour un consommateur fortuné de se "payer" le droit de fumer du cannabis. Il en va de même pour la conduite sous stupéfiants, qui reste très sévèrement punie par la loi.

Vers une législation à l'américaine ?

Contre cette proposition, le Syndicat de la Magistrature l'est aussi, mais pas pour les mêmes raisons. Comme l'explique sa présidente : "On est dans un amateurisme du gouvernement. Une telle mesure ne permettrait pas de mieux lutter contre les dommages sociaux et sanitaires. Ce serait vider la mer à la petite cuillère". Le syndicat, qui se positionne en faveur d'une légalisation totale assortie d'un monopole d'État sur le cannabis interroge, "de très nombreux pays dans le monde adoptent des législations plus souples, pourquoi continuer de faire cavalier seul en France ?". Avis partagé par la branche française de la National Organization for Regulation of Marijuana Laws (NORML), une association toute droit venue des États-Unis où elle a pesé lourd dans la légalisation promulguée par certains états. "Cette mesure est un premier pas vers l'ouverture d'un débat, mais clairement elle ne va pas assez loin. La régulation permet de contrôler et d'assainir la consommation. La répression est contreproductive". Un second rapport devrait bientôt voir le jour pour préciser la direction que souhaite prendre le gouvernement sur le sujet.

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