Catastrophe de Tchernobyl : une Lyonnaise porte plainte contre l'Etat

Une Lyonnaise porte plainte et pourrait faire entendre Mikhaïl Gorbatchev. (article paru dans Lyon Capitale le 6 mars 2002)

A l'image du sarc o p h a g e bétonné de la centrale n u c l é a i re russe, le mensonge de l'Etat français sur les retombées de Tchernobyl en France se fissure de toutes parts au fil des jours. Dernier re b o n d i s s ement en date : Josiane Tourou, une ancienne habitante de Da rd i l l y, aujourd' h u i atteinte d'un cancer de la thyro ïde, a porté plainte devant le Tribunal administratif de Lyo n c o n t re le gouvernement français. Les magistrats lyonnais ont même accédé à sa demande en nommant un expert chargé de faire la l u m i è re, d'ici août prochain, sur un éventuel lien de causalité entre la maladie de la plaignante et l' i mpact de Tchernobyl. Mieux encore : son avocat, Emmanuel Ludot, a récemment demandé à la juge d' i n s t ru c t i o n Ma r i e - Odile Bertella - Geoffroy, en charge des principaux dossiers de santé publique, d' a u d i t i o n n e r Mikhaïl Go r b a t c h e v, président de l'URSS lors de l'accident nucléaire. "Le gouve rnement français dit n' a voir été en possession des relevés de radioactivité qu'après le 16 m a i 1986. Or, à cette date du 16 m a i , il était déjà trop tard. Si les autori - tés françaises n'ont pas été en posses - sion de ces données avant le 16m a i , c'est le fait de l' Union soviétique qui a u rait dissimulé l'ampleur et la réa - lité de la catastrophe. Tout laisse à penser que ce n'était pas vra i . Gorbatchev entretenait d'ailleurs les m e i l l e u res relations avec la Fra n c e". L' avocat a également demandé à la magistrate d'obtenir les re l e v é s des données collectées par le satellite militaire SPOT 1 qui était juste au-dessus de la Suède au moment de l'explosion et qui "a suivi, pratiquement au mètre près, l' é volution du nuage ra d i o a c t i f , p ro u vant ainsi que les militaire s étaient au coura n t". Réponse cette semaine. Si Mikhaïl Go r b a t c h e v témoignait, l' a f f a i re prendrait une ampleur considérable. Ex p l o s i ve m ê m e .

C a n c e r s : l'iode 131 mis en cause

Mais la question qui se pose a u j o u rd'hui est bien celle de s a voir si, oui ou non, les re t o mbées de Tchernobyl en France, et plus part i c u l i è rement sur l' e s t français, ont pu avoir une incidence sur la santé humaine. En d' a u t res termes, existait-il un danger réel pour la population en m a i 1986, à l'époque de la catast ro p h e ? Les cancers de la thyro ïde qui sont générés par l' i o d e 1 3 1 (un produit radioactif extrêmement dangereux en cas de rejets accidentels dans l' a t m os p h è re) et dont le nombre ne cesse d'augmenter depuis une vingtaine d'années sont là pour en t é m o i g n e r. De l'avis de la Cr i i r a d (1) basée à Valence qui vient de re n d re public un document de deux cent pages apportant "les pre u ves du mensonge" ( 2 ) , cela ne fait aucun doute. " A l' é p o q u e , explique la directrice de la Criirad, également pro f e s s e u r de biologie, la radioactivité s' e s t déposée sur la surface foliaire des plantes, notamment les végétaux à larges feuilles comme les salades ou les épinards et, bien évidemennt sur tous les herbages et les pâturages. Les animaux comme les hommes ont ainsi été contaminés". Ainsi, pour c e rtains, l'augmentation des cancers de la thyroïde en France est d i rectement liée aux effets de panache du nuage de Tchernoby l et son cocktail radioactif. Po u r d' a u t res, la prudence est de mise. Il en est ainsi du pro f e s s e u r Orgiazzi, président de l' a s s o c i ation européenne de re c h e rche sur la thyroïde et endocrinologue à l'hôpital Lyo n - Su d : "Au j o u rd' h u i , la meilleure hypothèse attribue cette augmentation de l'incidence à une a m é l i o ration des pratiques cliniques et des techniques de dépistage". Po u r d' a u t res encore, il n'existe aucun lien plausible : " Il n'y a pas d' a r g ument scientifique qui conduise à penser que l'augmentation du n o m b re de ces cancers soit lié à un ‘effet Tchern o by l', dont les consé - quences sont probablement négli - geables en Fra n c e" estime pour sa p a rt le professeur Aurengo, chef du service de médecine nucléaire de l' Hopital Pi t i é - Sa l p ê t r i è re ( 3 ) .

M a l f o rmations et agneaux radioactifs

Mais, seize ans après l' e x p l o s i o n du réacteur de la centrale nucléairede Tchernobyl, les témoignages se multiplient un peu partout. Les langues se délient, le tabou se brise et la chape de plomb qui couvrait en France le silence autour de la plus grosse catastrophe écologique du siècle vole en éclats : " En sep - t e m b re 1986, alors que beaucoup d'animaux mettaient bas, j'ai eu à c o n n a î t re un certain nombre de m a l f o rmations foetales, de mort - n é s et d' a vo rtements suite à la catas - t rophe de Tchern o byl quelques mois plus tôt, explique Je a n - Fr a n ç o i s Ga u t h i e r, vétérinaire à Gh i s o n a c c i a (Corse orientale). En t rente ans de métier, et connaissant bien les pathologies locales, je n' a i jamais eu de problèmes de ce type". Ou encore : " J ' a vais livré des agneaux aux abattoirs des Gr i l l o n s pour les faire abattre. Peu de temps après, durant l'été 1986, j'ai appris que les services vétérinaires ava i e n t fait des prélèvements et que les re i n s des animaux étaient ra d i o a c t i f s , assène Ma rtial Fa u re, éleveur à la retraite à Comps ( Drôme). Ils sont passés ensuite chez moi et ont pris les f romages que préparait ma femme pour les analyser. On a pas eu d' a u t res échos". La juge d' i n s t ru ction Ma r i e - Odile Be rt e l l a - Ge o f f roy serait, selon la Cr i i r a d , en possession de documents attestant que le gouvernement de l'époque a délibérément dissimulé à la population l'ampleur des dépôts radioactifs consécutifs à T c h e r n o byl. " Suite à des perq u i s i - tions faites en septembre 2001, la juge a entre ses mains une note manuscrite du 16 mai 1986 émanant du ministère de l'intérieur qui i n f o rme les préfets qu'il a des chiffre s qui ne peuvent pas être diffusés" s o uligne Corinne Castagnier, dire c t r ice de la Criirad. Ce chiffre, ce serait une contamination en Corse du lait de brebis à plus de 10 0 0 0 b e c q u e rels par litre (bq/l) à l' i o d e 131. Or, toujours selon la Cr i i r a d ,l'Etat français aurait du re t i rer de la consommation le lait et le fromage blanc dès lors que leur taux en iode 131 dépassait les... 500 bq/l. "Le chiffre annoncé corre s p o n d à la limite annuelle sur un adulte, précise Denis Fa u c o n n i e r, médecin de campagne en Ba l a g n e (Corse). E n o rme. Sa ns compter que pour les nourissons, c' e s t beaucoup moins. Po u rtant, rien n' a été fait, aucune mesure n'a été prise. C'est scandaleux ! ". Tous montre n t du doigt le professeur Pi e r re Pellerin, alors directeur du S C P R I (4), service qui a pour mission de surveiller le niveau de contamination du territoire et d' a l e rter en cas de problèmes ses m i n i s t è res de tutelle. Selon lui, rien ne justifiait de pre n d re quelque contre - m e s u re sanitaire que ce soit ( l i re télex du 2 m a i 1986). "C'est un criminel", "C'est un escroc intellectuel cara c t é r i s é " , " Qu'il aille en taule'.

(1) Commission de re c h e rche et d' i n f o rmations indépendantes sur la radioactivit é

(2) "Contamination ra d i o a c t i ve s : atlas France et Eu ro p e" . Criirad et André Pa r i s , Editions Yves Michel, 28 euro s .

(3) Dépêche AFP du 31 janvier 2002

(4) Se rvice Central de Protection contre les Rayonnements Io n i s a n t s

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