Explosion mosquée Villefranche
© Janloup Bernard

“Ceux qui ont attaqué Charlie Hebdo ne sont pas musulmans”

Sous surveillance policière, 800 fidèles se sont retrouvés, ce vendredi, à la mosquée de Villefranche-sur-Saône, au lendemain d’une explosion criminelle qui a touché un commerce attenant à l’édifice religieux. Le contexte était apaisé, serein et les pratiquants que nous avons rencontrés redoutent surtout l’amalgame entre les musulmans et les “fanatiques” qui ont tué 12 personnes mercredi lors de l’attaque de Charlie Hebdo.

Au lendemain d'une explosion d'origine criminelle, selon les premiers éléments de l'enquête, dans un kebab attenant à la mosquée de Villefranche-sur-Saône, la prière de ce vendredi s'inscrivait dans un contexte particulier. Deux cordons de police bouclent de chaque côté une partie de la rue de la Quarantaine où se trouve l'édifice religieux. Une dizaine de gardiens de la paix sécurisent le périmètre.

"Heureusement que l'explosion a eu lieu hier dans la nuit et pas aujourd'hui alors que nous étions près de mille dans la mosquée", souffle un homme qui sort de la prière du vendredi. À l'intérieur, ce vendredi, ils sont 800 réunis pour la prière du vendredi. "C'est le nombre habituel, souligne Meziane Lounis, un des responsables de la mosquée. Il n'y a pas de différence par rapport à d'autres vendredis, mais une petite crainte. C'est une journée comme une autre. Dans le prêche, il y a eu un petit mot pour relativiser l'explosion de jeudi. Je ne crains que le Créateur."

L’appel du CFCM n’a pas été entendu

Il n'y a, en revanche, pas eu d'allusion à l'attentat terroriste perpétré à Charlie Hebdo mercredi, qui a fait 12 morts. L'appel des dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM, l'organe représentant l'islam de France) et de l'UOIF à condamner "avec la plus grande fermeté la violence et le terrorisme" n'a donc pas été entendu.

"Aujourd'hui ou un autre jour, nous ne relations pas les faits divers qui peuvent se dérouler ici ou ailleurs. La seule mention qui a été faite aux événements récents a été de ne pas obstruer la rue après la prière en raison de la présence policière dans la rue", explique Sofiane, venu avec ses enfants.

"Il n'y a pas eu d'allusion à Charlie Hebdo. Nous ne nous sentons pas spécialement concernés. Ce qui est arrivé à Paris est malheureux, mais ne nous concerne pas. Notre religion interdit de tuer au nom du Créateur. Ceux qui ont attaqué Charlie n'ont rien à voir avec les musulmans. Ils se disent musulmans mais ils ne le sont pas", poursuit Mezziane Lounis.

"Il ne faut pas tout mélanger. Ce ne sont pas des musulmans mais des fanatiques. C'est une secte. Les musulmans sont choqués qu'ils soient présentés dans les médias comme des musulmans", décrit un retraité impliqué dans la vie associative.

Chez les fidèles que nous avons rencontrés, l'envie de parler transpire. Autant du contexte autour de Charlie Hebdo que de l'attentant qui la veille a soufflé la devanture attenante à la mosquée. "Ce qu'ils ont fait ici n'est vraiment pas intelligent. C'est la loi du Talion, mais nous n'avons rien à voir avec ce qu'il s'est passé à Charlie Hebdo", confie Sofiane. Ce dernier scrute d'ailleurs avec plus d'appréhension des événements dans d'autres villes : "Je n'ai pas peur, même s'il y a des menaces sur des réseaux sociaux et que des mosquées sont visées. Il y a un peu plus de tensions. À Bourgoin-Jallieu, quelqu'un a été tabassé par cinq personnes après la minute de silence."

“Je suis embêté d’être obligé de me justifier pour des cons”

Les fidèles avec qui nous avons échangé font aussi part de leur incompréhension quant aux demandes de manifestation adressées à la communauté musulmane. "Quand le kebab a été attaqué, nous n'avons demandé à personne d'autres confessions religieuses de descendre dans la rue. En tant que musulmans, nous sommes contre ce qu'il s'est passé. Je suis embêté d'être obligé de me justifier pour des cons qui ne nous représentent pas. Quelle légitimité j'ai en tant que musulman à manifester ? En tant que citoyen, oui. Nous sommes pointés du doigt à cause d'un amalgame, parce que des illuminés pensent apporter quelque chose en faisant couler du sang", regrette Sofiane.

Un retraité qui sort de la prière tient lui aussi à marteler un message de refus de l'amalgame. "Vous croyez que c'est bien de se sentir visé par des regards ? Je vois les gens méfiants. Les terroristes auraient dû être surveillés depuis longtemps. Nous avons fait venir des terroristes dans notre pays. La réponse que nous pouvons apporter est celle de l'unité nationale. Tout le monde doit dialoguer. Il faudra apporter des réponses : travailler sur les jeunes, la délinquance. Ces terroristes, ce sont des jeunes qui ont été manipulés", martèle un fidèle de la mosquée de Villefranche-sur-Saône.

Si la condamnation appelée de ses vœux par le CFCM n'a pas été reprise lors du prêche du vendredi, elle est présente dans les propos des gens que nous avons rencontrés. "Les caricatures de Charlie Hebdo ne m'ont pas fait rire à l'époque, mais mercredi elles m'ont fait pleurer. Je n'étais pas d'accord, mais il y a des tribunaux pour ça. Leur seule arme était un crayon", peste Sofiane.

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