Le marché du chauffage urbain est illégal depuis son origine.
“Le 3 septembre 1970, la jeune communauté urbaine de Lyon, née l’année précédente, a concédé à la société Prodith, devenue depuis filiale du groupe Dalkia, la réalisation et l’exploitation d’un chauffage urbain et d’un service de distribution de froid”. C’est par ces mots que le rapporteur public a entamé ses conclusions lors de l’audience du Tribunal Administratif, le 24 septembre. En reprenant l’histoire du chauffage urbain depuis l’origine, il entendait insister sur le fait que ce dossier est entaché d’irrégularités et d’illégalités depuis ses débuts. 40 ans de gestion désastreuse puisque l’illégalité du marché public du chauffage démarre dés le premier jour.
Une convention pour une durée de 30 ans
La communauté urbaine était en effet tout simplement incompétente pour décider d’une telle délégation. En matière de chauffage urbain, le pouvoir de délégation incombait essentiellement aux communes. Il aurait fallu organiser avec le Grand Lyon un transfert de compétences dans le domaine du chauffage urbain entre les villes de Lyon et Villeurbanne. Curieusement, ce transfert tardera à se faire malgré les alertes de la Chambre Régionale des Comptes dans un rapport sur la situation du chauffage urbain réalisé en 2000. Or, un contrat signé par une autorité incompétente est considéré comme nul. Il faudra attendre seulement le 23 septembre 2002 et l’arrivée de Gérard Collomb au pouvoir pour qu’une convention en bonne et due forme soit signée entre le Grand Lyon et les villes de Lyon et Villeurbanne.
À l’origine, la convention avec la Prodith était signée pour une durée de 30 ans et devait se terminer en octobre 2000. Pourtant, des avenants à la concession seront signés pour prolonger illégalement la délégation de service public. Ainsi le 7 avril 1986, un avenant au contrat est signé stipulant que “la durée du présent contrat de concession est fixée à 24 ans à partir de sa prise d’effet le 1er avril 1986”. Ainsi, le terme de la concession était fixé au 1er avril 2010. Pourtant, en 1970, le contrat indiquait que des prolongations par période de 10 ans étaient possibles mais à la fin de la concession. En 1993, un autre avenant viendra abroger les dispositions de l’avenant d’avril 1986 sans se prononcer cependant sur la durée de la concession, si bien que plus personne ne sait vraiment à quand est fixée la date de la fin de la concession.
Collomb voulait remettre le compteur à zéro
Tacitement, et sans aucun fondement légal, toutes les parties se sont accordées pour que la fin de la concession soit fixée en 2010. “Au vu des documents contractuels fournis, (…) la concession doit prendre fin au 20 octobre 2000, même s’il semble que la volonté des parties est de retenir la date du 31 mars 2010” proteste la Chambre Régional des Comptes. Mais lorsque Collomb arrive aux affaires, il existe une réelle volonté de sa part de reprendre les choses à zéro. Il fait réaliser un audit sur la gestion du marché du chauffage et décidera de relancer le marché alors que rien ne l’y obligeait. Mais les irrégularités ne cesseront pas pour autant. Lors de l’étude des offres en 2004, plusieurs violations aux règles de droit seront constatées. Si le Tribunal Administratif n’en a retenu que deux pour annuler le marché en 2005, on dénombre pas moins de 14 irrégularités dans la procédure d’appel d’offres qui ont contribué à favoriser Dalkia.
Parmi les plus étonnantes, on trouve une rétention d’information de la société Prodith, filiale de Dalkia, sur la conclusion d’un contrat d’approvisionnement des Hospices Civils de Lyon qui a été intégrée à l’offre de Dalkia. Par ailleurs, et de façon plus étrange, “des personnes n’ayant ni voix consultative ni voix délibérative ont assisté aux séances d’examen des candidatures et d’analyse des offres de la commission de délégation de service public” apprend-on du commissaire du gouvernement lors d’une audience de la Cour Administrative d’Appel le 1er juin 2006. Mais il y a une irrégularité qui ne fait pas débat : le sortant, Prodith, filiale de Dalkia, devait réaliser un investissement sur une chaufferie. Il décide de ne pas le faire et en informe très tardivement le Grand Lyon. Ce dernier, met quelques jours à réagir avant de transmettre l’information aux concurrents, pour qu’ils prennent en compte ce nouvel élément. Trop tard. La date limite prévue pour modifier le cahier des charges est passée, et les concurrents estiment qu’ils ont été défavorisés en devant s’adapter au dernier moment à cette nouvelle donne que Dalkia avait pu, lui, anticiper. C’est ce qui provoquera le recours d’Enerpart, concurrent de Dalkia.