Pauline Matveeff, référente dans le Rhône de l'association de lutte contre la corruption, Anticor, revient sur le marché de chauffage urbain attribué en conseil métropolitain et sur le palmarès éthique et transparence publié par l'association.
Lundi 29 janvier, en conseil métropolitain, le marché de chauffage urbain du Sud-Ouest de Lyon a été attribué au groupe Coriance, un contrat à 350 millions d'euros. Un vote sur fond de polémique alors qu'un "corbeau" a envoyé un mail anonyme à une quinzaine d'élus de la Métropole de Lyon, dénonçant du favoritisme dans l'attribution de marché. Pour l'association Anticor, "les éléments qui sont sortis ont l'air de signifier que les informations qui auraient été passées aux personnes qui vont voter de la part des personnes qui ont instruit le dossier ne sont pas exactement les mêmes, et si c'était le cas, bien sûr ça nous pose un problème", explique Pauline Matveeff, référente dans le Rhône.
Lire aussi : Le marché du chauffage urbain du sud-ouest de Lyon attribué sur fond de polémique
La semaine dernière, l'association a par ailleurs publié un palmarès éthique et transparence analysant les règlement intérieur d'une vingtaine de communes du Rhône en prenant en compte plusieurs dizaines de critères. Villeurbanne et Décines arrivent en tête, mais plus surprenant, Vénissieux se positionne à la quatrième place alors qu'Anticor a procédé à un signalement à son encontre, s'interrogeant sur l'attribution d'une subvention de 600 000 € au journal local Expressions.
La retranscription intégrale de l'entretien avec Pauline Matveeff
Lyon Capitale : L'actualité aujourd'hui, c'est donc ce vote au Conseil Métropolitain concernant l'attribution d'un marché de chauffage urbain, qu'un corbeau accuse d'avoir été pipé, si je puis dire. Quel est le regard d'Anticor ? J'imagine que vous suivez ce dossier de près.
Pauline Matveeff : Alors on l'a suivi dans la presse, surtout puisqu'on n'est pas nous-même partie prenante au vote, bien sûr. Mais effectivement, les éléments qui sont sortis ont l'air de signifier que les informations qui auraient été passées aux personnes qui vont voter de la part des personnes qui ont instruit le dossier ne sont pas exactement les mêmes. Et si c'était le cas, bien sûr, ça nous pose un problème, puisqu'en termes de transparence, de sincérité, de l'information qui est donnée à nos représentants pour qu'ils puissent décider de comment on alloue l'argent public et à qui. C'est important. Donc, bien sûr, on espère que toutes les informations ont bien été transmises. Et si ce n'était pas le cas, que les services de la métropole et les élus de la métropole font prendre leurs responsabilités. Et j'espère différer le vote ou faire en sorte que toutes ces informations soient bien communiquées.
C'est ça, c'est ce que la droite préconise, différer le vote. C'est aussi ce que vous préconisez ?
S'il s'avère qu'il y a un manque d'informations, alors nous, différer ou rétablir ou envoyer les informations, peu importe, à la fin, ce qui compte, c'est que les personnes aient eu en temps et en heure, c'est-à-dire suffisamment tôt pour avoir le temps d'en prendre connaissance l'intégralité des informations qui leur sont nécessaires, en toute sincérité, de la part des personnes qui ont étudié des services qui ont étudié les dossiers.
La semaine dernière, vous avez publié un palmarès éthique et transparence en analysant les règlements intérieurs de 26 communes du Rhône, donc qui prend plusieurs dizaines de critères en compte, notamment l'accessibilité du règlement intérieur, les modalités d'expression des élus d'opposition. C'est Villeurbanne qui arrive en tête, la commune dirigée par le maire socialiste Cédric van Styvendael. Dites-nous un petit peu pourquoi Villeurbanne s'est démarquée des autres communes et qu'est-ce que ça dit un règlement intérieur de la transparence et de l'éthique d'une commune ?
Tout à fait, alors c'est Villeurbanne qui arrive en tête. On a Villeurbanne et Décines qui sont vraiment au coude à coude dans notre étude, donc on les considère tous les deux comme des gagnants. Donc pourquoi c'est important un règlement intérieur ? Parce que c'est là-dedans qu'on écrit comment va fonctionner la collectivité et comment on va faire en sorte que les décisions publiques locales soient prises en accord avec les règles, notamment d'achat public dont on vient de parler, la consultation des élus d'opposition, les modalités du débat budgétaire. Donc en fait, c'est vraiment dans ce petit résumé de règles du Code général des collectivités territoriales qu'on peut choisir comment on va gouverner sa commune.
On peut supposer qu'un élu qui arrive, qui est nouvel élu, qui n'a pas de formation obligatoire, ni au fonctionnement d'une commune, ni à l'éthique, ne va pas forcément aller lire les 5000 pages du Code général des collectivités territoriales. Et donc dans un règlement intérieur, on choisit quel type de démocratie locale on veut. Donc c'est pour ça que c'est vraiment important. Et puis c'est souvent la petite bête qui se cache là-dedans. C'est-à-dire quand on voit qu'on n'a pas assez d'expression des élus d'opposition, par exemple, ou qu'il n'y a pas assez de temps pour étudier les dossiers en conseil municipal, bon ben c'est là-dedans que va se jouer la qualité de la démocratie.
Donc c'est pour ça que c'était important. Pour revenir sur Villeurbanne, pour répondre à votre question, en 2020, lors des municipales, donc pendant le Covid, dans une session un peu compliquée, on avait envoyé nos propositions pour des communes plus éthiques à de nombreuses listes candidates. Et Villeurbanne avait été… ceux qui ont gagné à Villeurbanne étaient parmi les rares qui ont gagné, qui avaient répondu à nos propositions préalablement. Donc ils sont dans une démarche qui est cohérente depuis le début, en essayant d'avoir mis ça en place dans leur campagne, l'avoir intégré dans leurs propositions, avoir gagné, bon ça c'est pas tout le monde qui pouvait le faire, mais donc comme ils ont gagné, ils ont pu mettre en place et ils ont quelque chose de solide.
Et il y a la commune de Vénissieux aussi, alors ça peut paraître surprenant, qui est plutôt bien classée, quatrième je crois, alors que vous avez annoncé la semaine dernière, donc vous aviez procédé un signalement pour des soupçons de détournements de fonds publics concernant une subvention de 600 000 euros au journal Expression. Expliquez-nous un petit peu ce signalement et pourquoi finalement, malgré ce signalement, Vénissieux se retrouve à la quatrième place ?
Oui c'est vrai, notre étude est théorique, c'est-à-dire qu'elle analyse la façon dont sont rédigés les règlements intérieurs par rapport à ce que nous on attend de comment une démocratie locale devrait fonctionner. Ça ne veut pas dire que c'est un blanc-seing sur tout le reste de la gestion de la commune, absolument pas. Voilà, c'est pas parce que Villeurbanne gagne que Villeurbanne ne fera jamais ou n'a jamais fait de bêtises, bon voilà, c'est tout à fait possible. Et sur le cas de Vénissieux par exemple, cette histoire de subvention pour laquelle on a fait un signalement ne correspond à aucun des points du règlement intérieur. Il s'agit simplement de savoir si la décision politique qui a été prise à Vénissieux de créer une subvention pour ce média est légale ou pas, est constitutive d'une infraction ou pas. Et donc le signalement porte là-dessus, il n'y a pas vraiment de lien avec le règlement intérieur qui lui décrit comment fonctionne la commune.
Et pour conclure, on a Rillieux-la-Pape alors qui est hors catégorie parce que vous n'êtes pas parvenu à obtenir le règlement intérieur. On a eu le maire Julien Smatti, maire Les Républicains, qui dit n'avoir eu aucun vent de ces sollicitations pour obtenir le règlement intérieur. C'est la seule commune pour laquelle vous n'avez pas eu ce règlement ?
Et bien c'est la seule des 26 communes, oui tout à fait, qui nous l'a pas fourni. Donc pour certaines, c'est disponible en ligne, on peut le télécharger. Pour d'autres, on a envoyé un petit e-mail à la mairie, on nous l'a envoyé tout de suite. Pour certaines, pour 3-4 communes, il me semble, il a fallu envoyer un petit recommandé avec accusé de réception, mais on a fini par l'avoir. Et Rillieux-la-Pape est pourtant passée par toutes ces étapes-là, donc ce n'est pas sur le site, on n'a pas répondu à notre réponse, on n'a pas répondu à notre recommandé, on a un accusé de réception, après peut-être ça s'est perdu dans les services, mais du coup, que le maire n'hésite surtout pas à nous l'envoyer, notre adresse email est publique.
Lire aussi : Anticor évalue la transparence et l'éthique des communes du Rhône