Comparutions immédiates : Entre dépendance et repentance

Mardi, quatre hommes et une femme ont été condamnés pour ces délits par des peines de prison allant de quatre mois avec sursis à trois ans ferme. Chronique judicaire d'une journée au tribunal de grande instance de Lyon.

Héroïne et cocaïne ne font pas bon ménage
L'envie est plus forte que tout. Dépendants de l'héroïne, trois hommes et une femme originaires de Lyon et sa région en ont payé les conséquences.

L. est le premier des trois hommes dans le box des prévenus. En détention provisoire depuis son interpellation, le garçon de 27 ans est à l'origine d'un important trafic d'héroïne et de cocaïne. Fournisseur des trois autres prévenus, L. a été dénoncé par un appel téléphonique anonyme au mois de mars dernier. Trois semaines d'enquête policière et une perquisition plus tard, le jeune homme est arrêté. A son domicile, les policiers découvrent un sac comprenant 482 grammes d'héroïne, 32 grammes de cocaïne ainsi que la somme de 6 590 euros en billet de banque. " En voulant voler un scooter, j'ai trouvé ce sac à dos alors je suis rentré chez moi avec " explique L., désinvolte. " Incroyable comme histoire, et l'argent alors " relance le juge. " J'ai vendu ma voiture et la personne m'a payé en liquide ". L'homme au polo blanc a décidément réponse à tout.

D. est le plus âgé de la bande. A 34 ans, l'homme est un gros consommateur de stupéfiants. Cheveux derrière la nuque et pullover orange, le deuxième prévenu est soupçonné " de sous-deal qui lui permet de gérer sa consommation ". Il faut dire qu'avec des prix comme 10 euros le gramme d'héroïne et 40 euros le gramme de cocaïne, D. a du mal à convaincre lorsqu'il affirme se payer sa drogue " avec l'argent des Assedic ".

Y. est le troisième homme. Le visage rond, le crane dégarni, le garçon de 23 ans semble un peu perdu dans ce tribunal. Consommateur moins régulier, il achète depuis le début de l'année de l'héroïne pour son ami D. " Je dirais que c'était du 10% pour 90% ". Le prévenu à sa droite lui jette un regard noir. " Je vais me reprendre, je dois arrêter de prendre cette merde. Je suis désolé " se repentit le jeune homme.

La dernière à comparaître est une femme de 23 ans. Libre, M. se confie à la barre avec toute honnêteté. " J'ai eu un problème de traitement à la fin de l'année dernière et j'ai replongé ". " Depuis quand êtes-vous toxicomane mademoiselle " questionne le juge. " Depuis que j'ai 17 ans monsieur ". Jean marine et manteau noir, la jeune femme aux cheveux mi-longs explique le principe des achats groupés. " J'achetais à L. pour ma propre consommation ainsi que pour des amis mais je n'ai jamais fait le moindre bénéfice dessus ".

Après deux heures d'audience, le président du tribunal annonce les peines en tenant compte du réquisitoire de la procureure qui demandait de faire " le distinguo entre le fournisseur et les consommateurs ". 4 ans de prison dont un avec sursis pour L., le fournisseur. 4 ans de prison dont 30 mois avec sursis et mise à l'épreuve pour D., 2 ans de prison dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pour Y. et 18 mois de sursis pour M.. Tous ont l'obligation de se soigner. La repentance ne suffit pas. Il leur faudra aussi beaucoup de volonté.

Peur d'arrêter la fumette
Autre audience. B. ne trempe pas dans l'héroïne. Sa dope à lui c'est le cannabis. Fumeur depuis l'âge de 12 ans, le jeune homme en a 23 aujourd'hui. Il y a deux jours, B. est interpellé " en pleine transaction " sur le quai Claude Bernard. Pris en flagrant délit, les policiers procèdent à une perquisition à son domicile. " C'est chez ma sœur monsieur le président " précise le jeune homme, qui ne cesse de gesticuler dans le box. " Ce qui m'intéresse c'est d'où viennent ces 121 grammes " rétorque le juge. " Ma consommation personnel le " répond B. avant d'ajouter " j'achète en gros parce que je travaille et que je préfère me l'acheter une fois pour de bon que toutes les semaines ".

Grand et athlétique, B. est vêtu d'un survêtement noir. Devant le président du tribunal, le garçon tente de s'expliquer. " J'ai commencé à fumer lorsque j'ai été placé en foyer. Là-bas, on y apprend à faire des conneries et aujourd'hui j'ai peur de ma réaction si j'arrête le shit ". " Arrêtez avec les foyers, on peut aussi y apprendre des principes moraux " tonne le juge.

Le problème avec B., c'est qu'il n'en est pas à sa première comparution. Condamné à quatre reprises pour des faits similaires, le jeune homme essaie de se défendre du mieux qu'il peut. " J'ai pris 15 mois de prison ferme à l'âge de 18 ans, je vous assure que ça ne m'a pas fait du bien "." Au moins ça vous a coupé du cannabis " conclut le juge.

" Au vu de son passé judiciaire ", la procureure requiert quatre mois de prison avec sursis ainsi qu'une prise de soin obligatoire. Peine retenue après délibéré.

Emeric Merlin

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