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Compétitivité française : le rapport accablant de Bruxelles

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Depuis 2006, la France a décroché : elle a perdu 11,2% de part de marché à l'export. Mais selon un rapport de la commission européenne, le problème ne vient pas principalement du coût du travail. Explications.

La commission tire la sonnette d'alarme. Alors que le gouvernement doit à la fin du mois présenter son programme de réformes à Bruxelles, elle entend ne pas relâcher la pression. Les conclusions de son bilan annuel des déséquilibres macro-économiques sont édifiantes : la balance commerciale de la France est passée d'un excédent en 1997 à un déficit représentant 2,5% du PIB en 2011. Un chiffre résume le décrochage français : Paris a perdu 11,2% de part de marché à l'export entre 2006 et 2011.

Marges des entreprises : les plus faibles de la zone euro

L’Union européenne s’inquiète en particulier des marges des entreprises françaises, les plus faibles de la zone euro. "Pour limiter la hausse des prix, les entreprises exportatrices ont dû réduire leurs marges, en particulier dans l'industrie", souligne l'étude. "Voici qui a limité les ressources dédiées à améliorer la compétitivité hors coût et l'innovation".

Cette étude exclut toutefois un seul problème lié au coût du travail. Elle sort simultanément avec la publication, par l'organisme Eurostat, de données en la matière. Le coût du travail ici calculé comprend les salaires et traitements ainsi que les coûts non salariaux tels que les charges patronales. Certes, la France affiche un coût horaire de près de six euros de plus que l'Allemagne et de près de six euros de plus que la moyenne de la zone euro. Mais les différences entre la France et l'Allemagne sont plus ténues dans l'industrie : 35,4 euros / heure en Allemagne, 36,6 euros / heure en France. De plus, la Suède et la Norvège qui trustent toujours les toutes premières places des palmarès des pays les plus compétitifs au monde sont aussi ceux qui paient le mieux leurs salariés. Et de mieux en mieux à en croire les taux de progression entre 2008 et 2012 (voir ci-dessous). A l'inverse, les pays en bas de l'échelle, telles que la Bulgarie, ne passent pour les mieux placés dans la compétition économique mondiale.

> Coût horaire de la main d'oeuvre - hors administration publique

> taux d'évolution entre 2008 et 2012

  • Norvège : 48,3 € / heure (+ 27,7%)
  • Suède : 39 € / heure (+ 23,3%)
  • France : 34,2 / heure (+ 9,5%)
  • Pays-Bas : 32 € / heure (+ 7,5%)
  • Autriche : 30,5 € / heure (+ 15,5%)
  • Allemagne : 30,4 € / heure (+ 9,1%)
  • zone euro (moyenne) : 28 / heure (+ 8,7%)
  • Italie 27,4 € / heure (+ 8,9%)
  • Royaume-Uni : 21,6 € / heure (+ 3,3%)
  • Espagne : 21 € / heure (+ 8,3%)
  • Grèce : 14,9 € / heure (- 11,2%)
  • Pologne : 7,4 € / heure (- 2,6%)
  • Bulgarie: 3,7 € / heure (+ 42,6%)

Eurostat observe toutefois que si le coût du salarié français est parmi les plus élevés, ce n'est pas tant à cause du salaire net que pour les coûts non salariaux, notamment les charges patronales, qui représentent 33,6% du montant total, contre 21,9% en Allemagne et 26,1% en moyenne dans la zone euro.

Rapportés à la production, ce coût du travail devient un problème. La Commission s’est intéressée à l’évolution dans le temps du coût salarial unitaire qui correspond au coût salarial total rapporté aux quantités produites. Au cours de la décennie 2000, cet indicateur a cru plus fortement en France qu’en Allemagne et dans la zone euro en général, mais "moins vite toutefois qu’en Italie et en Espagne qui ont aussi accusé une baisse de leur part de marché à l’export, de 18,4% en Italie et de 7,6% en Espagne, entre 2006 et 2011" (voir graphique ci-dessous). Une dégradation de la situation qui traduit tout à la fois un coût du travail qui a augmenté et une production qui n’a pas suivi ce même rythme. D’où un problème de productivité dont les causes sont multiples.

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Le SMIC dans le viseur

Si la Commission ne pointe pas les salaires français dans leur ensemble, elle stigmatise clairement le SMIC, réévalué chaque année par la loi et en tenant compte notamment de l'inflation. "Bien que certains pays aient un niveau de salaire minimum plus élevé (notamment la Belgique, l'Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas), la France a le niveau le plus élevé comparé au salaire moyen. La différence entre le salaire minimum et le salaire moyen a baissé au cours des dix dernières années". Des coups de pouce qui exercent des pressions à la hausse des salaires proches. La Commission souligne toutefois les baisses de charge accordées sur les bas salaires.

Favoriser chômage partiel et licenciements économiques

Le rapport regrette aussi le "haut degré de différenciation" entre les personnes intégrées au marché du travail et celles qui s'en trouvent exclues, et toutes "les barrières à l'emploi". "En plus des difficultés éprouvés par les jeunes travailleurs, la protection dont jouissent les travailleurs en CDI provoquent des incitations pour les employeurs à recourir à des formes de contrat de travail alternatives". En particulier l'intérim. Le document invite la France à adopter plus de flexibilité. "Alors que le coût d'un licenciement économique en France n'apparait pas particulièrement élevé, des incertitudes associées aux procédures juridiques peuvent inciter les entreprises à utiliser davantage l'intérim". De plus, "bien que des efforts aient été accomplis pour développer le chômage partiel afin d'améliorer la flexibilité des employés face à une chute brutale d'activité, la complexité de la procédure et la faible connaissance de ce dispositif par les employeurs sont des barrières fortes à son développement", regrette la commission. Entre 2007 et 2009, seuls 0,85% des salariés français ont été touchés par le chômage, contre 3% en Allemagne. Dont le taux de chômage a baissé pendant la crise.

Aider les PME à exporter

Au final, "les origines du déficit commercial français sont multiples, mais les enjeux relatifs à la compétitivité hors coût sont déterminants pour expliquer la faible performance des exportations françaises", diagnostique la commission. Laquelle exhorte la France à soutenir les PME dans leurs accès aux marchés étrangers. Par exemple "en promouvant les liens entre les grands groupes exportateurs et les PME locales". Bruxelles suggère aussi de "mieux structurer des réseaux d'agences de promotion à l'export". Seuls 12% du chiffre d'affaires des PME industrielles françaises se réalise à l'étranger, contre 47% pour leurs cousines allemandes.

Le positionnement des produits français sur le marché mondial est sujet à questions. D'abord les clients, trop majoritairement situés au sein de l'Union européenne. Seules 6,1% des exportations françaises s'adressent aux BRICs (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique su Sud), alors que ces marchés en plein boom concentrent 10,5 % des exportations allemandes. Un écart qui s'est même accru au cours des cinq dernières années.

Ensuite, la France apparait bien positionnée sur les exportations de biens à haute technologie, en particulier l'aéronautique. La faiblesse se situe donc "dans d'autres segments de marché où la compétition se fait plus sur les prix", estime le document. Et c'est ce positionnement qu'il faut changer : "des efforts spécifiques sont nécessaires pour aider les entreprises exportatrices à améliorer la qualité de leurs produits".

Lire aussi : "Des pôles de compétitivité... si peu compétitifs"

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