“Concernant les réfugiés, Collomb et Wauquiez pensent la même chose”

Olivier Brachet réplique à Laurent Wauquiez, qui se déclarait ce jeudi “contre l’accueil de migrants dans la région”. L’ancien directeur général de Forum Réfugiés (de 1985 à 2009), aujourd’hui juge assesseur à la Cour nationale du droit d’asile (où il a été nommé par le Haut Commissariat aux réfugiés), estime que le président du conseil régional est “incompétent”. Mais l’ex-vice-président de la métropole (chargé du logement) critique également Gérard Collomb, pour “son silence assourdissant” sur la question.

Lyon Capitale : Pensez-vous qu’accueillir des réfugiés en Auvergne-Rhône-Alpes est “une folie”, comme le dit Laurent Wauquiez ?

Olivier Brachet : Non, pas du tout. Je suis l’ancien directeur général de Forum Réfugiés, donc je suis au cœur de cette affaire. Ça fait trente ans que les associations se battent pour que les réfugiés soient accueillis sur l’ensemble du territoire, pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’abcès de fixation sur le territoire. Aujourd’hui, nous sommes dos au mur. La droite, quand on était au pouvoir, se plaignait de ne pas pouvoir répartir régionalement les réfugiés et aujourd’hui elle s’y oppose pour des raisons électorales.

D’après Laurent Wauquiez, ce plan du Gouvernement va créer un “appel d’air”…

La France a toujours accueilli entre 20 000 et 70 000 réfugiés. L’Allemagne a accueilli parfois 20 000, parfois 400 000 et parfois un million de réfugiés. On ne va pas dire aujourd’hui que ces 70 000 demandeurs d’asile explosent le plafond des pays confrontés au problème de l’accueil des réfugiés. La France a largement les moyens d’absorber ces réfugiés. Encore faut-il le faire bien. En France, on ne sait même pas réduire le problème de 12 000 personnes à Calais et ça fait vingt ans que ça dure. Le problème, en France, c’est l’incompétence qui est à soigner plutôt que la question de savoir si ça fait des appels d’air. À mon avis, les appels d’air, c’est la succession de personnes incompétentes qui s’appellent les unes et les autres pour traiter ces problèmes.

En Auvergne-Rhône-Alpes, 1 784 réfugiés vont être accueillis. La région est-elle en capacité selon vous d’accueillir ces personnes ?

La réponse est dans la question. Qu’est-ce que c’est que 1 700 personnes dans une région comme Auvergne-Rhône-Alpes ? Moi, j’ai ouvert des centres d’accueil avec parfois 100 ou 150 réfugiés dans des communes de l’agglomération lyonnaise. Il y a quelque 3 000 réfugiés qui dorment tous les soirs à Lyon et ça ne pose aucun problème. Il y a des centres ouverts depuis trente ans à Lyon et ça se passe très bien.

Vous avez travaillé avec Gérard Collomb. Pour le moment, on n’a pas entendu la municipalité lyonnaise sur ce sujet…

Le silence de la municipalité lyonnaise sur cette question est assourdissant. Il est d’ailleurs assourdissant sur les problèmes de société d’une manière générale. Ce qui n’augure rien de bon quant à la capacité des politiques locaux à être des hommes d’État. Il n’y a pas que l’investissement des Chinois à Lyon qui est une affaire importante. Il faut aussi savoir traiter des problèmes de société. Or, ces problèmes-là sont mis sous le tapis parce qu’ils gênent la municipalité. Pour les mêmes raisons que Wauquiez parle, la ville de Lyon et la métropole sont silencieuses. Autrement dit, ils pensent la même chose.

Quand vous êtes parti de Lyon, vous avez dit avoir constaté un raidissement du discours sur la question sociale. Ce silence actuel participe-t-il d’après vous au même processus ?

Je crois même avoir dit dans votre journal que, sur le RSA, Gérard Collomb pensait la même chose que Wauquiez. Eh bien, sur le sujet des réfugiés, c’est la même chose.

Quelle importance aura selon vous la question des réfugiés dans la prochaine campagne présidentielle ?

Cette question va être importante dans le débat politique, mais elle va surtout être très importante dans les cinquante ans à venir. Il ne faut donc pas traiter ce dossier par-dessus la jambe pour les dix-huit mois de la période électorale. C’est un des grands dossiers de l’avenir et l’Europe est en train de capoter sur la question des réfugiés. Si on ne veut pas tomber des nues dans les vingt-cinq ou trente ans qui viennent, il faut déjà s’occuper des moyens pour faire face. Et, pour faire face, il ne faut pas de réaction comme celle de M. Wauquiez, qui dit “on ferme la porte et on dit non”. Ce n’est pas comme ça que les choses se passent. Les 12 000 qui sont à Calais, ils n’ont pas demandé l’autorisation à M. Hollande, ni à M. Wauquiez, ni à M. Sarkozy et tous les Premiers ministres et présidents depuis trente ans, pour venir. Personne n’est à l’abri d’être réfugié demain. Les réfugiés sont prêts à mourir pour venir et même M. Wauquiez n’est pas à l’abri d’être un jour réfugié.

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