Pluie à Lyon
Photo d’illustration pluie à Lyon. (Photo de JEFF PACHOUD / AFP)

Confrontée à la sécheresse, la Métropole de Lyon mise sur les eaux de pluie

Un été 2022 marqué par une sécheresse historique, puis une sécheresse hivernale en 2023 ont propulsé le sujet de la ressource en eau dans le débat public. La gestion intégrée des eaux pluviales devient un enjeu stratégique, sur lequel la Métropole de Lyon est à la pointe.

C'est un bilan hivernal inquiétant qu'a publié le météorologue lyonnais Romain Weber le 1er mars. En moyenne, les mois de décembre, janvier et février ont été 22 % moins pluvieux que la normale des 30 dernières années. En février, le chiffre monte à 93 %, "presque un mois sans pluie", décrypte Romain weber auprès de Lyon Capitale.

Les débits moyens du Rhône pourraient baisser de 20 %

Le météorologue, inquiet quant à la situation du département ajoute, "à partir de mi-mars, la période de recharge est terminée, la végétation commence à repartir. Les pluies de prochains jours permettront de recharger les sols en surface mais on a un gros problème pour les nappes", détaille-t-il.

Le 3 mars, c'est l'agence de l'eau qui alertait dans une étude sur la baisse des débits d'étiage moyens du Rhône, pourtant le fleuve le plus puissant de France. Dans une synthèse, elle pointait une diminution "de 7 % à la sortie du Léman et de 13 % à Beaucaire, en Camargue. Et les projections climatiques estiment une baisse de l'ordre de 20 % supplémentaires des débits moyens d'été à Beaucaire", expliquait l'agence concluant : "Le fleuve Rhône n'est pas inépuisable."

"Il faut revoir notre consommation d'eau et optimiser la ressource."

Hélène Castebrunet, enseignante-chercheuse en hydrologie urbaine à l'université de Grenoble-Alpes

"En tant que chercheurs, cela fait quelques temps que l'on sait que ça va arriver, mais je trouve que les populations locales commencent à se rendre compte de la situation dans laquelle on va se trouver", relève Hélène Castebrunet, enseignante-chercheuse en hydrologie urbaine à l'université de Grenoble-Alpes. L'ancienne membre du laboratoire Déchets, eaux, environnement et pollution de l'Insa Lyon l'assure : "Il faut revoir notre consommation d'eau et optimiser la ressource." D'autant que la nappe d'accompagnement du Rhône fournit 94 % de l'eau de l'agglomération lyonnaise, quelques communes de l'Est lyonnais étant alimentées par une nappe, elle aussi en tension.

La rue Garibaldi, "un vrai partenariat avec les scientifiques"

Face à la raréfaction d'une ressource que d'aucuns pensaient jusque-là inépuisable, la Métropole fait figure de pionnière pour sa gestion des eaux pluviales notamment. "La rue Garibaldi par exemple a été aménagée de façon concertée, dans un vrai partenariat avec les scientifiques", note Hélène Castebrunet. Ainsi, l'eau de ruissèlement des voies piétons et cyclistes est collectée dans une ancienne trémie souterraine réhabilitée en bassin de stockage, puis réutilisée par les services de la Métropole pour nettoyer la voirie et arroser les espaces verts.

L'eau de ruissèlement des voies de voiture, considérée comme polluée, est quant à elle redirigée vers le réseau unitaire. Cette technique permet ainsi de déconnecter l'eau de pluie propre de l'eau souillée. Enfin, les espaces végétalisés favorisent le rechargement des sols lors des épisodes de précipitations.

L'exemple de la rue Garibaldi à Lyon. Crédit : GRAIE

"C'est un exemple parmi d'autres de ce qu'on va continuer à faire avec les services, affirme Anne Grosperrin, vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge du cycle de l'eau. Et d'ajouter : Nous avons développé des compétences fortes dans la désimperméabilisation et la gestion des eaux pluviales." Jusqu'alors, les villes densifiées et artificialisées se sont équipées de systèmes d'assainissement "unitaires". Entre 2005 et 2015, 2 800 hectares de sols ont été artificialisés sur le territoire de l'agglomération lyonnaise, favorisant le ruissèlement. L'eau de pluie, tout comme les eaux usées sont ainsi rejetées directement dans des stations d'épuration, au lieu de bénéficier au sol et aux nappes.

"Les solutions fondées sur la nature sont simples, peu coûteuses et productrices de résultats"

Anne Grosperrin, vice-présidente de la Métropole en charge du cycle de l'eau

"Les agglomérations doivent absolument intégrer des ouvrages pour que l'eau puisse s'infiltrer dans les sols, insiste Hélène Castebrunet. La végétalisation par exemple, crée des îlots de fraîcheur et permet à l'eau d'aller recharger les nappes." Se dessinent ainsi les deux piliers d'une gestion résiliente des eaux pluviales en agglomération : désimperméabiliser, et déconnecter l'eau de pluie du réseau unitaire. Si l'exemple de la rue Garibaldi n'est "pas facilement reproductible", confie Anne Grosperrin, les "solutions fondées sur la nature sont simples, peu coûteuses et productrices de résultats", ajoute la vice-présidente. Il s'agit par exemple de jardin de pluie, jouant un rôle d'entonnoir, qui retient l’eau temporairement, le temps qu’elle s’infiltre dans le sol.

Schéma d'un jardin de pluie. Crédit : Aquatiris

Le principe est aussi appliqué aux arbres plantés sur le territoire de la métropole. "Ils ne sont plus directement insérés dans le bitume mais on ouvre sur la surface autour de l'arbre pour permettre à l'eau de pénétrer dans une tranchée d'infiltrations", explique Anne Grosperrin. Ce type d'aménagement permet de moins arroser les espaces végétaux urbains, mieux encore, selon l'élue, "nous avons constaté que l'évapotranspiration augmentait créant des îlots de fraîcheur mais aussi que la croissance de l'arbre était doublée". Un modèle appliqué rue de la Poudrette à Vaulx-en-Velin ou à la ZAC du Bon lait dans le 7e arrondissement. Ainsi, en mars 2022, la collectivité a voté une stratégie ville perméable dotée d'un budget de 18 millions d'euros qui prévoie notamment de désimperméabiliser 400 hectares de sols d'ici 2026.

Diversifier les ressources en eau

Toutefois, bien consciente que ses avancées sur la récupération des eaux pluviales ne seront pas suffisantes, la collectivité pense à diversifier ses sources d'approvisionnement pour sécuriser la ressource en eau potable, l'un des principaux objectifs de la toute jeune régie publique de l'eau. Le lac des Eaux bleues de Miribel-Jonage dans lequel des pompes avaient été installées en 2020 "est une alternative que nous allons développer, détaille Anne Grosperrin. Et d'ajouter : Parallèlement, nous devrons probablement aller chercher du côté de la Saône."

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