Consul Général de Turquie : "Il n'y a aucune purge en Turquie"

M. Özgür Çakar est le Consul Général de Turquie de Lyon. Prière de déposer téléphone portable, dictaphone ou autre appareil avant de l’interviewer à propos de la tentative de coup d’Etat. Le Consul est sur la même ligne que le président Erdogan, il demande l’extradition de l’imam Gülen, accusé d’être derrière le putsch raté. Et alors que près de 55 000 personnes ont été limogées ou suspendues au sein de l’armée, de la justice, de l’enseignement et des médias, le Consul Général de Turquie affirme qu’il n’y a "aucune purge en Turquie".

Lyon Capitale : Les arrestations se multiplient au sein de l’armée, la justice, la presse et maintenant le monde de l’enseignement. Le ministre des Affaires étrangère Jean-Marc Ayrault a déclaré : "Nous voulons que l’Etat de droit fonctionne pleinement en Turquie, ce n’est pas un chèque en blanc à Monsieur Erdogan." Une purge est-elle en train de se produire ?

M. Özgür Çakar : Non, il n’y a aucune purge en Turquie, je sais que certains médias ont parlé de cela, à tort. Nous respectons totalement les droits de l’homme, la Turquie est un Etat de droit et nous appliquons la loi. Nous voulons assurer la protection de la démocratie. Cela nécessite un contrôle afin d’écarter les terroristes. La justice fait son travail pour assurer la sécurité du pays, des citoyens. 7 543 suspects ont été placés en garde à vue, dont 6 038 militaires, 755 magistrats et 100 policiers [NDLR : interview réalisée le 19 juillet, ces chiffres sont susceptibles d'évoluer]. L’ordre est revenu mais il faut mener l’enquête.

Ce qui s’est passé est une attaque contre la nation et contre les institutions turques. Les auteurs n’ont pas hésité à tirer sur le peuple. Le Parlement a été bombardé. La loi est appliquée pour punir les terroristes qui ont menacé la Turquie. Nous prenons les mesures adéquates contre ce qui est en réalité une campagne terroriste, organisée par une petite partie de l’armée, la majorité des forces ont résisté.

"C’est l’organisation de l’imam Fethullah Gülem, le FETO, qui est derrière ce coup d’état raté"

Pour le moment, il y a trois thèses sur les responsables du putsch. Pour le pouvoir turc, il s’agit du mouvement de Gülen, ennemi juré d’Erdogan; les putschistes parlaient quant à eux de militaires soucieux de "rétablir la démocratie" ; d’autres avancent même l’idée d’un complot mis en place par Erdogan pour se débarrasser de toute opposition. Qui est derrière la tentative de coup d’état ?

C’est l’organisation de l’imam Fethullah Gülen, le FETO, qui est derrière ce coup d’état raté. Il est exilé aux Etats-Unis mais ils refusent l’extradition, ils laissent trainer. Pourtant, nous avons les preuves qu’il est derrière la tentative de coup d’Etat, nous sommes prêts à les envoyer. Il faut que les Etats-Unis acceptent de l’extrader, nous ne cessons de dire le danger que représente cette organisation terroriste, qui est derrière le coup d’état déjoué.

Cette organisation de l’imam Fethullah Gülen, le FETO, est-elle si importante ? Pourquoi est-elle si développée ?

L’organisation du FETO est puissante et développée, nous devons faire très attention. Il y a des centaines de réseaux dans le monde entier. A l’origine, c’est une confrérie, transformée en organisation terroriste. Comme le dit le président Erdogan, c’est une structure parallèle. Il est très difficile de distinguer les membres de cette organisation terroriste, ce n’est pas marqué sur leur front évidemment. Cet acte criminel montre tout le danger de cette organisation terroriste.

A-t-elle également des réseaux, des filiales en France ?

Bien sûr, il y en a d’ailleurs dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, notamment à Vaulx-en-Velin, Annecy, Grenoble, Valence, Villefranche, Saint-Pierre-de-Chandieu, dans la Drôme, etc. C’est très inquiétant, et la communauté turque en France est nerveuse contre ces filiales. Ils étaient très énervés le soir du coup d’état, ils sont venus en bas du bâtiment du consulat, et ils ne comprenaient pas pourquoi ces associations étaient toujours là.

Quelle a été la réaction de la communauté turque dans la région ?

Elle a été très forte et saine. Il y a eu une manifestation spontanée de soutien le soir même en bas du bâtiment du consulat. Plus de 1000 personnes se sont rassemblées le vendredi, et 500 personnes le samedi. Ils ont apporté leur soutien, affiché leur détermination face à cette tentative ratée. Ils se sont rassemblés pour la démocratie, dans un esprit d’unité et de solidarité. Nous leur avons dit merci pour leur solidarité, ils apportent leur soutien à la démocratie turque et une condamnation ferme de cette campagne terroriste.

"Cette union nationale est la preuve que la démocratie est bien établie en Turquie"

Quelles sont les conséquences de la tentative de coup d’état ? N’allons-nous pas vers de graves divisions en Turquie ?

Il y a quelque chose d’exceptionnel à noter, c’est la déclaration commune pour la défense de la démocratie, de la part de tous les partis politiques qui ont rejeté le coup d’état. Cette union nationale est la preuve que la démocratie est bien établie en Turquie, qu’elle est en bonne santé. L’ordre est revenu, l’armée est sous contrôle. C’est seulement un groupe au sein de l’armée qui était derrière cet acte terroriste.

La peine de mort en Turquie a été abolie en 2004, dans le cadre de la candidature d'adhésion à l'Union européenne. Mais le président Erdogan a évoqué un possible établissement de la peine de mort…

Il faut être précis. Le président Erdogan n’a pas dit qu’il allait la rétablir, contrairement à ce qu’on a pu dire, c’était une possibilité et c’est différent. Ce n’est pas du tout une atteinte à la démocratie, au contraire, le président a voulu montrer sa fermeté face au terrorisme. Il a dit que si le Parlement votait la peine de mort, il la rétablirait, c’est tout.

"Il ne faut pas comprendre les terroristes, ce sont tous les mêmes, ils sont tous mauvais"

La Turquie est en lutte contre le PKK, contre DHKP-C, contre Daesh, contre le FETO…Comment le pouvoir peut-il lutter contre autant d’ennemis ?

Il ne faut pas comprendre les terroristes, ce sont tous les mêmes, ils sont tous mauvais. Il faut les condamner. Le terrorisme est global, il peut frapper n’importe où. Il faut donc afficher sa solidarité avec tous les pays victimes du terrorisme et je vous présente mes condoléances pour l’attentat qui s’est produit à Nice. Il a d’ailleurs eu lieu la veille de la campagne terroriste en Turquie, vous voyez…

Nombreux sont ceux qui s’inquiètent d’une dérive autoritaire du pouvoir. Comment envisagez-vous cette lutte ?

Nous avons le soutien de la communauté internationale. Il faut que les actes suivent. Les Etats-Unis doivent accepter l’extradition de l’imam Gülen et ne pas faire trainer le dossier. C’est nécessaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui est mondial, et pour la défense de la démocratie.

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