Le bras de fer entre les chauffeurs de taxi et l’exécutif de la Métropole de Lyon est monté d’un cran ce lundi 26 juin. Près de 200 chauffeurs ont envahi le siège de la collectivité en plein conseil pour protester contre l’émission de nouvelles licences gratuites.
Anticipant sans doute du grabuge alors que les chauffeurs de taxis avaient annoncé leur intention de manifester ce lundi devant le siège de la Métropole de Lyon, en marge du conseil de mi-mandat, le vice-président de la Métropole de Lyon Jean-Charles Kohlhaas avait tenu vendredi 23 juin à rétablir sa vérité sur la création de nouvelles licences de taxi. L’élu écologiste chargé des déplacements et de l’intermodalité expliquait alors vouloir créer de nouvelles licences gratuites et non cessibles, valables cinq ans, afin de lutter contre la spéculation de certains professionnels.
"La profession est totalement déréglée, dérégulée et se suicide. Je veux essayer de trouver une solution"
Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole de Lyon chargé des déplacements et de l’intermodalité
De quoi faire bondir la formation nationale des taxis indépendants du Rhône (FTI 69), selon qui Jean-Charles Kohlhaas envisagerait de créer près de 1 000 nouvelles licences. "Ils ont raconté des mensonges par écrit", nous expliquait à la mi-journée ce lundi 26 juin l’élu écologiste, après avoir rencontré les représentants des quelque 200 chauffeurs de taxis réunis devant le siège de la Métropole depuis 9h30, rue du Lac, dans le 3e arrondissement de Lyon. "Je souhaite créer, dans les années qui viennent, une cinquantaine de licences gratuites, non cessibles, sur 4 à 5 ans, grâce à la loi Thévenot", précise M. Kohlhaas.
Dialogue de sourd
Cela étant dit, le rendez-vous entre l’élu et les chauffeurs se serait soldé de manière tendue. "J’ai écouté leurs remarques et leurs revendications. Nous n’avons pas la même vision des choses. Le nombre de licences de taxi n’a pas évolué depuis 10 ans, on est à un peu plus de 1 400. Aujourd’hui, le prix des licences des taxis qui se revendent a plus que doublé en 4 ans, le prix des locations aussi. Les locataires sont étranglés par les prix des loueurs, c’est un vrai problème. Il faut trouver des solutions, cela fait plus d’un an que l’on en parle avec les professionnels", soutient Jean-Charles Kohlhass. Des réponses qui ne passent pas de l’autre côté des barrières installées ce lundi devant la Métropole de Lyon, où l’on estime correct le prix de la licence, aujourd’hui évalué à 180 000 euros à Lyon. "À Lille la licence vaut 230 000 euros et à Lyon elle est à 180 000 euros. C’est l’offre et la demande", commente Jean-Philippe Souchon, représentant syndical FTI 69.
"Aujourd’hui à Lille la licence vaut 230 000 euros et à Lyon elle est à 180 000 euros. C’est l’offre et la demande"
Jean-Philippe Souchon, représentant syndical FTI 69.
Ayant le sentiment de se trouver face à un mur, aux environs de 14 heures, les chauffeurs qui manifestaient jusqu’ici pacifiquement sur l’espace public ont donc finalement décidé de pénétrer en force dans le siège de la collectivité pour se faire entendre. "Il est en train de nous expliquer qu’il veut créer de nouvelles licences pour faire descendre le prix de nos licences. On est déjà obligé de faire des journées de 12 à 15 heures pour s’en sortir, qu’il rajoute des licences ne va pas changer la taille du gâteau. Il n’y aura pas plus de clients, donc on va un peu moins bien manger", s’emporte Jean-Philippe Souchon. Pendant ce temps, ses collègues passent les portes de l’Hôtel de la Métropole de Lyon et se dirigent vers l’hémicycle où sont réunis les conseillers métropolitains.
"50% de demandes en moins"
Pendant 15 à 20 minutes se déroule alors une scène "assez historique", pour reprendre les mots de Louis Pelaez, président du groupe d’opposition Inventer la Métropole de demain, où plusieurs dizaines de manifestants font face aux élus dans l’hémicycle. Très véhéments et remontés, certains chauffeurs se disent prêts à "bloquer toute la ville, l’aéroport, la gare". "Il faut nous écouter" lâche l’un d’entre eux avec force, avant que l’un de ses collègues ne se fasse plus menaçant, "si vous continuez tout sera bloqué pour la Coupe du monde de rugby et les JO".
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"On ne lui [Jean-Charles Kohlhass, NDLR] demande pas de créer des licences. Aujourd’hui il y a 50% de demandes en moins. Cela est lié à l’arrivée des VTC, les visioconférences, le télétravail… les gens se déplacent moins. En recréant des licences, la Métropole amplifierait cela", analyse Jean-Philippe Souchon. Et d’ajouter, "s’il y a un argument valable nous ne sommes pas contre, mais il faut nous le sortir et il n’en est pas capable". Interrogé, Jean-Charles Kohlhass assure agir "en se basant sur des éléments factuels de croissance de la population et du besoin. Ils disent que leur activité baisse, mais moi j’ai des besoins qui ne sont pas répondus, notamment sur les transports médicaux, sur lesquels la demande ne cesse de croître. Ils m’ont proposé des choses, mais je ne suis pas certain que ce soit très légal. Ils voudraient que je limite moi même le prix des locations, mais qu’ils m’expliquent parce que moi je ne sais pas faire".
Un rendez-vous pour apaiser la grogne
Peu après 15 heures, les manifestants ont finalement décidé de quitter l’hémicycle après avoir obtenu un rendez-vous prévu à 18 heures avec Bruno Bernard, le président de la Métropole de Lyon. Pas de quoi convaincre, pour le moment, George, chauffeur depuis 13 ans à Lyon et qui ne voit pas d’issue à la position de la Métropole de Lyon, "ils veulent donner des licences gratuites, mais il n’y a pas plus de boulot et du coup on aura moins de travail", explique-t-il, déterminé à bloquer les routes, si besoin, dès ce mardi 27 juin, mais aussi les 5, 6 et 7 juillet. "S’il faut revenir tous les jours, on reviendra", commente un autre chauffeur, âgé d’une petite trentaine d’années.
Reste désormais à savoir si le rendez-vous prévu avec le président de la Métropole de Lyon permettra d’apaiser les tensions.