Edito - Il y a un an, nous avions consacré la “une” de Lyon Capitale à l’effondrement. Notre dossier dédié à la théorie de la collapsologie imaginait un futur bouleversé par le réchauffement climatique et ses conséquences sur notre civilisation industrielle. Nous ne savions pas qu’un an plus tard, un scénario catastrophe d’un tout autre ordre allait nous ébranler : une crise sanitaire devenue un cauchemar économique, social et politique.
Après le premier temps, celui de la sidération, beaucoup d’entre nous ont appelé de tous leurs vœux à un changement radical de paradigme. C’est le lot de toute crise que de remettre en cause notre modèle de société. Notre quotidien bouleversé nous enjoignait ainsi à imaginer un futur meilleur.
“Le monde s’est arrêté pour sauver des vies au détriment de l’économie. C’est un acte humaniste et un événement historique gigantesque”, veut croire le sociologue Jean Viard dans nos colonnes, analysant le confinement de milliards de personnes dans le monde, comme le début d’une ère plus solidaire. Nous aimerions partager cet optimisme. Mais la nécessité de revenir au “monde d’avant” a commencé à se faire sentir.
Des signes d’impatience, comme ce déconfinement précoce qui s’est manifesté dans les rues de Lyon, avec l’arrivée des beaux jours du mois d’avril, alors que le reflux de patients dans les hôpitaux était à peine amorcé. Dans la foulée, le gouvernement a clairement énoncé la priorité : celle d’un retour à la normale en matière économique. L’hypothèse d’autres vagues de contamination est pourtant probable, ce déconfinement, même progressif, est risqué.
Mais qui peut vraiment affirmer que ce choix, bien qu'il soit parfois émaillé d’imprécisions dans ses annonces et flou dans ses modalités d’application, est le plus mauvais ?
Les conséquences de la pandémie nous plus ou moins durement touché. Selon que nous soyons salariés ou indépendants, parents ou célibataires, confinés ou exposés dans notre activité professionnelle, enfermés dans une maison avec jardin ou dans un étroit studio.
Cette crise a affecté tout d’abord les plus démunis d’entre nous. Ceux qui n’ont pas bénéficié des alternatives que nous avons déployées grâce aux technologies et à notre imagination débordante : télétravail, école à la maison, livraison de paniers alimentaires, visio-apéro, concerts aux fenêtres, loisirs numériques…
Le confinement s’est révélé être un accélérateur de la fracture sociale. La reprise de l’activité économique, de la scolarisation de nos enfants ou la prise en charge des plus précaires est une manière d’amortir le choc créé par cette pandémie.
Mais de la même façon, qui pourra blâmer ceux qui décident de rester chez eux, ceux qui ne veulent pas envoyer leurs enfants à l’école ou ceux qui ne souhaitent pas exposer leurs proches à la santé fragile au risque de la contamination ? La solidarité en ces temps difficiles consiste peut-être à faire preuve d’une plus grande tolérance. La révolution attendra. Modifions nos comportements à défaut de changer les consciences. Puis le temps viendra pour imaginer un monde meilleur, en tirant les enseignements de cette pandémie.
C’est un peu le sens de ce numéro de Lyon Capitale.
Nos journalistes se sont attelés à réaliser une édition spéciale afin de rendre compte de l’impact de cette crise. Mais aussi comprendre des faiblesses de notre système, comme la gestion de nos personnes âgées et l’état de nos services publics, questionner la délocalisation de nos ressources alimentaires ou notre dangereuse dépendance en matière sanitaire.
Ces enquêtes sont notre contribution aux réflexions qui s’imposent face à cette crise, et nous aimerions qu’elles portent les germes de l’espoir, pour mieux affronter des lendemains qui ne seront sans doute pas enchantés.
Lyon Capitale de mai 2020 en kiosque et dans notre boutique en ligne dès maintenant.