Pierre Larrouturou © AFP
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Coronavirus à Lyon : pour l’eurodéputé Pierre Larrouturou : “C’est le moment de mettre de nouvelles idées sur la table”

Rapporteur du budget pour le Parlement européen, Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne) milite activement pour l’instauration d’une taxe sur les transactions financières afin d’injecter 60 milliards d’euros par an dans la transition écologique. À l’automne dernier, l’Europe n’a pas réussi à s’entendre sur le sujet face à l’opposition de la France notamment. Soutenue par une dizaine d’États membres dont l’Allemagne, la création de cette taxe est de nouveau sur la table. Pierre Larrouturou note un changement de climat économique avec l’élection de Joe Biden. Il brandit aussi un soutien de poids : le pape François.

Lyon Capitale : L’Europe, confrontée aux dépenses nouvelles liées à la Covid-19, s’intéresse de nouveau à la taxe Tobin, une idée que vous défendez ardemment. À quoi ressemblerait cette nouvelle mouture que l’Europe examine ?

Pierre Larrouturou : La taxe sur les transactions financières, nous en parlons depuis longtemps, mais elle n’existe que de façon marginale. À l’origine, son but était de lutter contre la spéculation sur le marché des changes. Il s’agit d’une taxe qui ne gênerait pas le marché quand il fonctionne normalement, mais qui l’empêche de céder à une folie spéculative. Dans les années 1980, l’association Attac a remis la taxe sur les transactions financières en débat en l’ouvrant au marché des actions et des produits dérivés. José Barroso, qui présidait la Commission européenne, a repris l’idée après la crise financière de 2008. Il pointait le fait que les banques qui venaient d’être sauvées par l’Union européenne ne payaient pas de TVA et proposait une taxe de 0,1 % sur les actions et 0,01 % sur les produits dérivés. Elle aurait rapporté, selon les calculs de la Commission européenne, 80 milliards d’euros chaque année. Une étude d’impact montre que si 10 à 15 pays de l’Union européenne participent, elle rapporterait 57 millions d’euros. Nous avons perdu un tiers de l’assiette avec le Brexit. Nous sortons d’une année 2020 où l’économie réelle va mal, mais où les marchés n’ont jamais été aussi actifs. La taxe carbone aux frontières ne rapporterait que cinq milliards d’euros, mais Joe Biden et la Chine n’en veulent pas. Imposer les Gafa, c’est 3 à 5 milliards d’euros. Pour la taxe sur les transactions financières, l’outil est prêt juridiquement et politiquement. On dit souvent qu’il est difficile de faire bouger l’Union européenne puisque certaines décisions doivent être adoptées à l’unanimité, mais ce n’est pas le cas pour cette taxe. Quelques pays peuvent avancer sur le sujet par le biais d’une coopération renforcée. La Belgique, le Danemark ou la Pologne sont désormais favorables à l’instauration de cette taxe. Aujourd’hui, c’est la France qui bloque.

La France est pourtant l’un des rares pays au monde à avoir déjà instauré une taxe Tobin. Elle a rapporté 1,2 milliard d’euros l’an passé, un montant record. Pourquoi notre gouvernement freine-t-il sur ce projet ?

La France voudrait d’une taxe européenne calquée sur la sienne. Mais elle ne concerne que 1 % du volume des transactions. L’exemple français montre simplement que cette taxe ne fait pas fuir les capitaux. Les négociations européennes viennent de reprendre avec l’objectif de parvenir à un accord le 30 juin. Le Portugal, qui préside l’Union européenne pour encore trois mois, veut que l’assiette soit plus large, un peu comme en Italie. La France est aujourd’hui le porte-parole du lobby bancaire. L’Allemagne et Angela Merkel sont favorables à l’instauration de cette taxe. Même la CSU, la droite bavaroise conservatrice, est pour cette taxe qui permettrait de financer la transition écologique. L’arrivée au pouvoir de Joe Biden change la donne. Il veut décarboner l’économie américaine avec son plan de relance, remonter de sept points l’impôt sur les sociétés et travaille sur une taxation de la spéculation. Quand Donald Trump ne voulait rien faire pour le climat et la fiscalité, Emmanuel Macron pouvait passer pour le “good guy”. Maintenant, il aura du mal à expliquer pourquoi il ne veut pas bouger. Le double discours de la France est un peu pénible : elle bloque la taxe sur les transactions financières et, dans le même temps, explique qu’elle n’a pas l’argent pour financer les priorités fixées par la Convention citoyenne pour le climat : la rénovation énergétique des bâtiments ou la création de lignes de transports en commun.

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