Coronavirus à Lyon vu de Tokyo : "le port du masque est culturel"

Comment vit-on l'épidémie du coronavirus à l'étranger ? Quel regard porte-t-on sur la situation en France ? Le témoignage de Marin Gaillard, résident à Tokyo (Japon).

Comment vivez-vous la crise liée au coronavirus ?
Avant toute chose, il faut comprendre le contexte particulier du Japon. Bien que le Japon fut l'un des premiers pays touchés par le coronavirus, de par sa proximité avec la Chine, l'impact de la crise n'a pas été, jusqu’à présent, aussi fort qu'en Europe. Il n'y a aujourd'hui pas de confinement imposé, mais les mesures de protection se sont multipliées ces dernières semaines. Le Japon est compose de 47 préfectures, chacune administrée pas un gouverneur. La responsabilité des mesures à mettre en place pour lutter contre le virus, est à la charge des gouverneurs, non du gouvernement central. La situation est donc différente d'une préfecture à l'autre.
Les mesures imposées à Tokyo, poumon économique du pays, sont plus souples que celle imposées par exemple dans la province voisine de Saitama, où les commerces non vitaux (autre que médical et alimentation) ont été fermés. A Tokyo, nous pouvons encore sortir et prendre les transport en commun.
Nous vivons dans un appartement situe dans le centre de Tokyo, dans le quartier de Yoyogi-Uehara, qui a la particularité de ne pas autoriser la construction d'immeubles de plus de 4 étages. La densité urbaine y est donc relativement faible pour Tokyo.  Nous sommes tout les deux en télétravail depuis environ 1 mois, comme la majorité des Japonais. Nous essayons de nous échapper de Tokyo une fois par semaine pour respirer le grand air, en prenant le train, armés de nos masques et bouteilles de gel hydralcoolique. Pendant la semaine, nous ne sortons pas, et répartissons notre temps entre la cuisine, la lecture, Netflix et l'étude du Japonais. Nous gardons le lien avec l’extérieur en faisant régulièrement des Skype, avec nos amis / familles confinées, au Japon ou ailleurs.
Les mesures prises par les autorités sont-elles globalement respectées ? 
Oui. Les Japonais sont, par culture, particulièrement disciplinés. Il y a donc très peu voire pas de mauvais comportements. Environ 90% des Tokyoïtes portent des masques. Les rassemblements se font de plus en plus rares, les grands centre urbains (centre commerciaux, gares, etc.) sont déserts.
Comment jugez-vous la stratégie sanitaire mise en place ?
La stratégie sanitaire mise en place semble manquer de cohérence et de transparence. Il y a relativement peu de cas officiels par rapport au reste du monde (environ 10 700 le 20 avril) mais entre le 1er et le 15 avril, le nombre de cas a triplé. Le nombre de tests est particulièrement limité au Japon (environ 500 tests par jour a Tokyo, pour une ville de plus de dix millions d'habitants) et il faut remplir des critères très restrictifs : avoir au moins 37,5 °C de fièvre, une fatigue extrême et des difficultés respiratoires pendant 4 jours minimum (réduit à 2 jours pour les personnes âgées ou vulnérables et les femmes enceintes).  Le Japon est légalement obligé d'hospitaliser tout les cas positifs, et il n'y a, à  Tokyo, plus de lits disponibles (le taux d'occupation des lits d'hospitalisation pour les maladies infectieuses était de 220% le 15 avril). Il est donc étonnant que le confinement ne soit pas officiellement imposé.
Que pensez-vous du système de santé de votre pays de résidence ? 
Le système de santé japonais fonctionne bien en temps normal, mais ne semble pas suffisamment réactif et flexible, pour s'adapter efficacement pendant à la crise que nous vivons.
Le pays était-il préparé pour faire face à une telle épidémie ? 
Oui et non. Le Japon, comme d’autres pays de la région, a été particulièrement affecté par l’épidémie du SRAS, au début des années 2000 (2002-2004), et a développé des standards pour réagir rapidement en cas d'épidémie. Ces standards comprennent notamment le traçage des personnes contaminées et l'isolement des personnes potentiellement infectées. Cependant, ce traçage n'est aujourd'hui plus possible du fait de l’explosion des cas.
Vu de l’étranger, quel regard portez-vous sur la situation de la France et la gestion de la crise ? 
La France a pris des mesure parmi les plus restrictives pour endiguer l’épidémie, ce qui est une bonne chose. Cependant, la communication sur le port du masque en début de crise nous a surpris. Au Japon, le port du masque est culturel, les gens en portent à tout moment de l’année, pour ne pas contaminer les autres s'ils se pensent porteurs d'une grippe ou d'une autre maladie facilement transmissible. Le gouvernement français semble infléchir son discours sur l’importance du port du masque pour contenir le virus, ce qui nous parait indispensable pour entreprendre le déconfinement dans les meilleures conditions. Nous espérons que la France sera bientôt en mesure de produire suffisamment de masque pour l'ensemble de la population.
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